Chapitre XXIV

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Une nappe blanche s'était invitée sur chaque parcelle du domaine. Le bétail ne sortait plus. Les poules se réchauffaient dans le poulailler, les veaux ne quittait plus leur étable. Notre cheval se réfugiait dans ses hennissements, qui parfois, nous empêchaient de profiter pleinement des bienfaits de la nuit.

Ces bêtes étaient déjà là lorsque nous étions arrivées dans le domaine D'Horace. Je suppose qu'Azarias avait décidé de ne pas nous laisser mourir de faim.

J'ai arrêté de compter les jours qui nous séparaient du départ de Yaman. Le tournoi a été suspendu pour l'instant. Trois mois d'entraînement. Voilà ce que la cour des Fidèles avaient octroyé aux descendants d'Adegar. Ce délai écoulé, les épreuves s'enchaîneront. Et en quelques jours, un nouveau souverain sera élu.
Enfin, c'est ce qu'ils veulent nous faire croire. En réalité, cette décision a été prise en faveur de la cour. Plus de temps. C'est ce dont ils avaient besoin pour gérer cette situation de crise. Gérer leur manque évident de soldat, et le mécontentement du peuple qui avait vu le jour depuis l'attaque princienne. Leur colère se manifestait dans les nombreuses émeutes aux quatre coins d'Adegar. Ils ont besoin d'une figure royale pour les contenir, pour les calmer. Une guerre civile s'annoncerait bientôt si les tensions ne cessent pas.

C'est pour cela que Darwin serait allé sur les terres princiennes afin de négocier un traité de non-agression. Evidemment, leur reine a refusé tout accord qui ne lui serait pas favorable. Elle exigeait même à participer au tournoi s'il le fallait. Ce qu'elle convoitait le plus, c'était notre trône. La réponse de Darwin, qui s'est révélé être le chancelier du roi, était catégorique : Adegar ne cédera jamais ses terres à Princia. Ce à quoi elle a répondu qu'elle ferait le nécéssaire pour récupérer toutes les îles pacifiques autour d'Adegar, qui selon elle n'appartiennent à personne. Ainsi, elle voudrait aussi que mon île natale soit sienne.

Les enrôlements de soldats se sont enchainés. Mais sans roi, il n'était pas possible de leur offrir une bénédiction qui puisse les aider au combat...
Toutes les îles Adegariennes sont désormais sous la garde de soldats Adegariens. Des plus anciennes jusqu'aux nouvelles recrues.

Après ça, je n'ai plus eu aucune nouvelle des Corbeaux. Avant son départ, Yaman avait reçu un message expliquant tous les détails du contexte politique actuel et des nouvelles conditions du tournoi. Puis, il s'en est allé. Sans jamais revenir.

Je crois que j'attendais une lettre. Je pensais avoir été assez... proche d'eux pour qu'ils me tiennent au courant de ce qui se passait de leur côté. Et que eux aussi se soucient de moi. Ni Yaman, ni même Jana. Aucun ne semblait s'être demandé si nous allions bien. Pas même Solvay ou Sept.

— Artemis ! S'écrie Pénélope en m'arrachant à mes pensées, je crois que je... que je vais accoucher !

Je me fige un instant avant de réaliser ce que je venais d'entendre. Ce n'était pas le moment. Elle devait accoucher dans pas moins de deux mois, voire trois.

— Maintenant ? M'exclamé en quittant le salon, accourant vers elle.

En quelques secondes, j'arrive dans la cuisine. Près du feu, Pénélope, dont les joues sont pleines de farine, me lance un sourire en coin. Elle portait un tablier, ses cheveux étaient en bataille et si j'ignorais qu'elle ne savait pas se battre j'aurais juré qu'elle rentrait du front. Elle me fait signe de regarder la table au coin de la pièce. Farine, blé et œufs étaient disposés tout autour d'un grand plat sur lequel se trouvait un gâteau. Il était recouvert de crème jaune qui coulait sur les côtés.

Je me tourne de nouveau vers elle et l'interroge du regard. Elle ne dit rien et continue simplement à sourire. Elle avait l'air en parfaite santé. Ce n'était pas le visage d'une femme qui était sur le point de donner la vie.

Le Tournoi de la Couronne - PitosheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant