Mes sorties avaient considérablement cessé depuis notre arrivée au domaine. Habituellement, j'aimais marcher. J'aimais découvrir tout ce que la nature avait à m'offrir. Découvrir toutes les sortes d'herbes qui existent dans ce lieu et qui ne se trouvaient pas sur l'ile. Quand mes pensées empoisonnaient mon esprit, j'enfilais la cape auburne de Pénélope. Je redressais ses plissures et m'enfonçait dans la forêt qui décorait les alentours du domaine. La ferme d'Horace était grande mais je m'y sentais étrangement à l'étroit. Je n'ai jamais eu l'impression d'y avoir ma place. Et pour une fois, je crois qu'Horace n'a rien à voir dans ce sentiment qui ne veut s'envoler.Pour la première fois, et la dernière probablement. Pénélope et moi allions à la taverne. Elle était à quelques lieux. Plus loin du marché. Aucune pancarte ne semble indiquer le chemin vers cet endroit. Il ne doit être réservé qu'a une clientèle habituée. Fut un temps, Pénélope en faisait partie. Je n'ai pas besoin de lui demander pour deviner qu'elle n'y allait pas en compagnie d'Horace. Évitant de faire remarquer à tout le monde que ces deux là se tournaient autour. Ou que ce détraqué en avait après la viande fraîche que devait représentée pour lui Pénélope.
La nuit est tombée. Depuis un moment déjà. Il faisait encore jour lorsque nous avions quitté le domaine. La taverne est plus loin que ce que je pensais.
Pénélope précipite ses pas. Sa silhouette est recouverte de sa cape. Elle frotte ses doigts bleus contre sa robe en laine. une robe dans laquelle elle se noyait. Je savais qu'elle ne la portait pas pour se couvrir du froid. Pas spécifiquement pour cette raison. Moins apprêtée, je portais une robe presque aussi blanche que les couches de neiges qui avaient recouvertes toute la verdure qui nous entourait. À la manière de Jana, je m'enlace d'une ceinture autour de ma taille. Les deux dagues des Corbeaux étaient dissimulées dans un harnais en cuir sous un vêtement en tricot beige. Le col du tissu retombait sous mes épaules et laissait apparaître le presque décolleté de ma robe. La ceinture, elle, était imperceptible, et c'est ce qui comptait.
Dans la grande allée que nous dévalons, des lanternes illuminaient ici et là les dalles de pierres qui parsemaient le sol. Et par la même occasion, faisaient trembler mes pas dans des mouvements instables. Les lucioles vertes ne m'avaient pas échappées, il semblerait que ces petites bestioles soient leur fournisseurs principales en lumière. Je repense à Solvay. Le soir de notre rencontre. J'espère intimement le revoir un jour.
— N'as-tu pas froid ! S'impressionne Pénélope en me voyant indifférente au vent glacial de l'hiver.
— Il ne fait pas si froid.
— Evidemment, je risque un coup de chaleur avec cette température, ironise-t-elle en poursuivant sa marche.
Je souris. Nous continuons de marcher et je m'inquiète à l'idée que la route vers la taverne devenait de plus en plus longue. Je regrette un instant de ne pas avoir pris les chevaux. Je n'avais pas vu de maison depuis un moment déjà, nous avions quitté le village le plus près du domaine il y a de cela de nombreuses minutes. Le marché lui était bien derrière.
— Sommes nous perdues, demandé-je à Pénélope en lui lançant un regard accusateur.
Elle frémit avant de me répondre d'une voix innocente.
— Penses-tu réellement que je sois irresponsable à ce point.
Je ne réponds pas. Mais je la soupçonne secrètement d'avoir oublié comment se rendre à la taverne.
Nous continuons d'avancer encore quelques centaines de mètres avant de tomber nez à nez avec Le chaudron des remèdes.
Dans une écriture, l'enseigne en bois, usées par le temps, est suspendue au dessus de l'entrée. Un chaudron noir d'où déborde une fumée intense et presque réelle, se laisse porter par le vent. Accrochée par une chaîne en fer, à chaque mouvement un grincement rauque s'échappe de la plaque et siffle à nos oreilles, accompagné d'un grabuge qui provient de l'intérieur de la taverne. Des lianes escaladent toute la devanture. Elles s'enracinent et se tortillent autour des piliers de bois qui portent la taverne, et cette image me fait un instant penser à un conte que me lisait Nona. Sans que je ne puisse me rappeler duquel.
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Le Tournoi de la Couronne - Pitoshe
Fantasia[PREMIER JET] Autrefois, le royaume d'Araskan ne formait qu'un seul et même territoire, sous le règne de cinq sœurs. Roana, Elinis, Princia, Mynsia et Adegar. Un jour, un conflit éclata divisant le royaume en cinq. Des siècles plus tard, Perceval...