Azurite - Tome 1&2

𝟗. 𝐈 𝐬𝐩𝐞𝐚𝐤 𝐭𝐨 𝐭𝐡𝐞 𝐬𝐭𝐚𝐫𝐬, 𝐡𝐨𝐩𝐢𝐧𝐠 𝐭𝐨 𝐡𝐞𝐚𝐫 𝐲𝐨𝐮𝐫 𝐯𝐨𝐢𝐜𝐞

Jane

Tout le monde s'est levé aux aurores pour aller à l'enterrement de Léo. L'homme civil, mort lors d'une mission secrète, à laquelle il n'aurait jamais dû avoir accès. La cérémonie à toujours lieu en début de matinée. Tous les soldats et supérieurs sont normalement conviés, même ceux des camps voisins, comme Whitecourt ou High Level, mais pas aujourd'hui.

Après la cérémonie, nous laissions quelques heures à tout le monde pour se recueillir. Ceux qui n'ont personne à aller voir au cimetière peuvent utiliser ces heures pour aller voir leur famille si elle est proche, ou simplement aller se promener en ville. Le cimetière réservé aux membres de l'armée est collé à celui réservé aux civils, comme une sorte d'extension. Peu de gens y viennent, d'un côté comme de l'autre.

Tous les membres du camp Red Deer présents sont habillés avec la tenue de l'armée, abordant fièrement notre symbole. Bien que le ciel soit un peu grisé, il ne pleut pas. Dans ce genre de cérémonie, la pluie ne vient jamais du ciel, mais plutôt des yeux des familles ayant perdu une sœur, un frère, une fille, un fils, ou même un amant. Pourtant aujourd'hui, personne ne pleure. Personne ne pleure la mort de cet homme. Il était un criminel recherché, il était devenu invisible aux yeux du monde à cause de ses actions. Le seul pouvant pleurer sa mort aborde un masque de fer, le même que d'ordinaire, à une différence. Aujourd'hui, ses traits sont encore plus durs qu'auparavant, trahissant cette souffrance qu'il désire tant camoufler.

N'ayant développé de lien affectif avec quasiment personne au sein du camp à mon arrivée, je n'ai pas perdu beaucoup de compagnons proches. Les personnes qui étaient avec moi au tout début ont été mutées ailleurs. Mes soldats sont tous arrivés après deux-mille, tandis que je suis arrivée en mille-neuf-cent-quatre-vingt-seize.

Je regarde à nouveau le visage de Levi. Plus je l'observe, plus je vois à quel point il a l'air abattu. Il vient de perdre tout ce qu'il avait, et je me sens obligée de faire ce que Lison a fait pour moi, tendre la main. Je dois lui tendre la main et ne pas le laisser sombrer dans une spirale de solitude que je ne connais que trop bien. Je suis en charge de lui pendant douze mois, je me dois de remplir cette mission à la perfection sans me laisser ronger par le passé.

Une voix grave s'élève au loin. Lewis invite les soldats à se rapprocher pour participer à l'éloge funéraire en hommage au défunt. Il ne semble pas vraiment affecté, même s'il met un peu d'émotion dans ses paroles, il a l'habitude de ce genre de cérémonies. Pourtant, ses discours n'ont jamais été les mêmes en cinq ans, depuis qu'il est à la tête de ce camp, et c'est une preuve de l'humanité que les gens lui retirent bien trop souvent. Il met un point d'honneur à modifier ses discours à chacune des cérémonies, et à parler personnellement de chacun des soldats tombés lors des missions. Il convoque même les amis les plus proches de chacun des soldats pour qu'ils puissent l'aider à rendre hommage de façon personnelle à chacun d'entre eux. Mais évidemment, personne ne le souligne pour mettre en valeur notre Général.

Après le beau discours que Lewis nous a offert, il part discuter avec certains de nos soldats. Plusieurs ont eu la bonté de déposer des fleurs sur la tombe d'un inconnu.

Mon regard se porte une nouvelle fois sur Levi, il se tient toujours debout devant la tombe de son ami décédé. Je n'arrive pas à l'approcher, je ne saurais quoi lui dire. Aucun mot ne lui enlèvera cette douleur poignante présente dans sa poitrine, et chacun de mes mots paraîtra déplacé par rapport à la situation. « Tout ira bien maintenant » C'est faux, il souffrira encore longtemps. « Vous ne devez pas vous en vouloir » C'est faux aussi, il doit certainement s'en vouloir et se sentir coupable, exactement comme je me sens actuellement. Aucun mot ne l'aidera, et pourtant, c'est tout ce que j'aimerais faire. L'aider. Je soupire de découragement et m'approche doucement de lui. Il ne semble remarquer ma présence qu'une fois que je me poste à ses côtés.