Azurite - Tome 1&2

𝟐𝟐. 𝐈 𝐰𝐚𝐧𝐭 𝐭𝐡𝐞𝐦 𝐚𝐥𝐥 𝐚𝐥𝐢𝐯𝐞

Rimbey, juillet, Alberta

Jane

Après des semaines à traquer leur moindre fait et geste, à étudier les plans de la ville et de ses souterrains, nous avons finalement trouvé le moment parfait pour agir. Les activités qui avaient été repérées au milieu du mois de mai était en fait un ancien gang ayant refait surface bien après avoir été démantelé il y a plus de deux ans. Ils ont installé leur repère dans les souterrains de Rimbey, une ville à une heure du camp. C'est une toute petite ville de deux-mille habitants, parfaite pour leurs activités illégales. Ils font principalement dans le trafic de drogues, alors je ne comprends pas pourquoi on nous a signalé de potentiels otages. Les trafiquants de drogues évitent ce genre de problèmes.

Nous avons été très clairs sur les instructions et les risques de cette mission. Nous sommes équipés de lunettes à vision nocturne, mais le danger reste tout de même cinquante pour cent plus élevé que sur terre. L'angoisse est relayée au second plan, la concentration au premier. Mon équipement pèse une tonne, lunette de rechange, bombe lacrymogène, chargeurs et lampe, mon SIG P226, carabine automatique C8A3, jumelles et viseur laser... Chaque soldat porte sur lui près de trente kilos de matériel en plus de notre tenue entièrement noire, conçue pour se fondre dans l'obscurité.

En amont, nous avons repéré l'endroit pour pénétrer dans les égouts, plus ou moins éloigné du périmètre d'activité des trafiquants afin de rentrer en sécurité. Après avoir soulevé la trappe, chacune des équipes rentrent à la file indienne dans les tunnels plongés dans l'obscurité.

Que la traque commence.

Je guide mon équipe d'un geste de la main, perceptible grâce aux lunettes à vision nocturne. Nous prenons à gauche après avoir avancé quelques mètres dans les égouts, tandis que l'escouade Mike prend à droite, et celle de Lison continue droit devant. Nous devons faire abstraction de l'odeur nauséabonde, mais les premières minutes sont infernales. Elle traverse les tissus et s'infiltre dans nos narines, si bien qu'elle pourrait déconcentrer les moins expérimentés. Nous ne devenons pas hermétiques aux odeurs ou à la douleur contrairement à ce que pensent un grand nombre de personnes, nous apprenons seulement à ne plus y réagir. L'odeur est là, elle est infecte et peut percer nos vêtements, mais elle ne pourra percer la bulle de concentration que nous avons formée.

Je suis en tête de piste, Levi est juste derrière moi. Il ne paraissait pas plus stressé que ça, et je lui fais confiance. Je sais qu'il est apte à réagir correctement. Mon fusil pointé devant moi, j'ignore nos pieds qui claquent doucement dans l'eau sale. Le niveau est bas, mais nous savons que plus nous nous enfonçons, plus il monte. Nous finissons par rejoindre un escalier de quelques marches, menant à un chemin nous surélevant à deux mètres au-dessus de l'eau. Malgré les couches de vêtements, je sens des gouttelettes d'eau sur mes épaules et mon casque, tombant des pierres grâce auxquelles sont construits ces souterrains. Nous savions de quoi ils étaient fait, et que cela rend la mission d'autant plus dangereuse. Quelques explosifs et nous pourrions nous retrouver ensevelis.

Mes hanches ondulent au rythme de mes pas, instaurant presque un ballet macabre. Le haut de mon corps ne bouge pas d'un centimètre, comme s'il s'était dissocié du bas. Mon arme semble fixée dans le creux de mon épaule, mon œil droit ancré dans le viseur. Alors que nous avançons toujours dans le noir, sans bruit, une lumière s'allume au loin. Elle semble venir d'une lampe torche. D'un geste furtif, je lève deux doigts de la main gauche et dans une synchronie parfaite, chacun de mes soldats charge son arme, l'épaule et vise. Nous sommes immobiles, d'un silence de mort, lorsque la lampe pointe notre direction. Aussitôt, mes doigts s'abaissent vers le bas et leur corps suit le mouvement. L'expression "obéir au doigt et à l'œil" n'est qu'une blague à côté de l'exécution des ordres de mes soldats.