Pdv Milia
Cela faisait quelques jours que je traînais mon genou blessé à travers les couloirs du lycée, faisant semblant d'ignorer le regard perçant de Madame Mahieur. La tension entre nous s’était intensifiée après notre échange houleux en cours, mais je n’avais pas l’intention de me laisser intimider. J’avais besoin de me concentrer sur autre chose, sur des choses qui comptaient réellement. Et c’est pour ça que j’étais là, debout devant le bar où j’avais postulé pour un petit boulot.
— « Bienvenue dans l’équipe, » m’avait dit l'employé après un entretien rapide. Un boulot le soir, quelques heures par semaine. Juste assez pour me changer les idées et oublier cette fichue école.
Je sortis du bar avec un petit sourire satisfait sur le visage, sentant enfin un poids s’alléger de mes épaules. L’air frais du soir m’accueillit et je pris une profonde inspiration, essayant d’oublier la journée éreintante que je venais de passer. Je traversais le trottoir pour rejoindre l’arrêt de bus quand une silhouette familière attira mon attention.
Là, à quelques mètres, se tenait Madame Mahieur, vêtue d’un long manteau sombre, ses cheveux noirs tombant en cascade autour de son visage. Elle me fixait, ses yeux foncés presque perçants dans l'obscurité naissante. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine.
— « Milia, » dit-elle d’une voix plus douce que d’habitude, presque murmurée.
Je fus prise de court. Depuis notre dernière confrontation en classe, elle ne m’avait adressé la parole que de manière sèche et autoritaire. Pourquoi était-elle ici, et pourquoi me fixait-elle avec cette expression troublée ?
— « Que faites-vous ici, Madame Mahieur ? » demandai-je, ma voix tremblante malgré moi.
Elle ne répondit pas tout de suite, mais fit un pas vers moi. Instinctivement, je reculais, sentant une étrange tension dans l’air. Elle avait l’air... différente. Ses traits, d’ordinaire si sévères et impassibles, semblaient marqués par quelque chose que je ne pouvais pas saisir — de la peur, peut-être ?
— « Suis-moi, » murmura-t-elle d'une voix pressante, sans attendre ma réponse. Elle se retourna et se dirigea vers une ruelle sombre juste à côté du bar.
Mon instinct me criait de ne pas la suivre. Mais il y avait quelque chose dans son regard, une urgence que je n’avais jamais vue chez elle auparavant. Je jetai un dernier coup d'œil autour de moi avant de la suivre dans la ruelle, mon cœur battant à tout rompre.
Les lampadaires défaillants projetaient des ombres inquiétantes sur les murs de briques. J'entendis des bruits lointains de la ville, mais ici, tout semblait plus silencieux, presque oppressant. Je serrai ma béquille un peu plus fort, prête à m'en servir si nécessaire.
— « Madame Mahieur, c’est quoi ce cirque ? Pourquoi m’emmener ici ? » lançai-je, mon ton plus agressif que je ne le voulais.
Elle s’arrêta brusquement, ses épaules tremblant légèrement comme si elle tentait de contenir une émotion. Lorsqu'elle se retourna, ses yeux étaient voilés d’une lueur que je ne lui connaissais pas.
— « Milia... je... » Elle semblait chercher ses mots, chose totalement inhabituelle pour elle. « Tu ne devrais pas traîner dans ce quartier, surtout à cette heure-ci. »
Je fronçai les sourcils. Cette soudaine préoccupation de sa part me paraissait plus que suspecte. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, elle fit un pas en avant et saisit mon poignet. Son contact était étrangement chaud, presque fiévreux.
— « Écoute-moi bien, » dit-elle, son ton plus ferme maintenant, mais toujours teinté d’une certaine nervosité. « Il y a des choses que tu ne comprends pas... des choses qui pourraient te mettre en danger. »
— « Des choses comme quoi ? » répliquai-je, dégageant mon poignet de son emprise. « Et pourquoi est-ce que vous en avez soudainement quelque chose à faire ? »
Elle sembla hésiter un instant, ses lèvres se pinçant comme si elle se retenait de dire quelque chose d'important. Puis elle se pencha vers moi, ses yeux perçant les miens avec une intensité qui me fit frissonner.
— « Tu dois me faire confiance, » murmura-t-elle. « Je ne voulais pas que tu te blesses l'autre jour. C’était une erreur... mais il y a des choses que je dois te dire. Des choses que tu dois savoir, mais pas ici. »
Mon esprit tourbillonnait. Pourquoi ce changement soudain ? Je la fixai, essayant de comprendre ce qui la poussait à agir ainsi. Mais avant que je ne puisse lui poser d'autres questions, un bruit sourd résonna au fond de la ruelle. Des voix se rapprochaient, des pas rapides se faisant écho sur les pavés humides.
Madame Mahieur se redressa brusquement, son regard se durcissant.
— « Merde... ils nous ont trouvées, » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour moi.
— « Qui ça, ils ? » m'exclamai-je, complètement perdue.
Sans me répondre, elle me prit par le bras et me tira vers l’ombre d’une porte dérobée. Elle me plaqua contre le mur, son visage si proche du mien que je pouvais sentir son souffle rapide.
— « Ne dis pas un mot, » chuchota-t-elle, sa voix à peine audible.
Je voulais protester, mais quelque chose dans son regard, cette peur que je ne lui avais jamais vue auparavant, me força à rester silencieuse. Nous restâmes ainsi, collées l’une à l’autre dans la pénombre, écoutant les pas approcher de plus en plus.
Enfin, après ce qui me sembla être une éternité, les bruits s’éloignèrent, laissant la ruelle redevenir silencieuse. Madame Mahieur soupira de soulagement et relâcha légèrement son emprise sur moi.
— « Maintenant, tu comprends pourquoi je voulais te parler ailleurs. » Elle me regarda avec une intensité qui me fit frissonner. « Ce n’est pas seulement toi qui es en danger, Milia. Moi aussi, je le suis. »
Je restai figée, essayant de donner un sens à ce qu'elle venait de dire. Tout ce que je savais, c’est que rien ne serait plus pareil après ce soir.
-----
À suivre.....
VOUS LISEZ
Entre Deux Feu
RomansaDans une université américaine où la passion pour le sport et les ambitions académiques se croisent, Milia Mc Carter, une jeune étudiante italo-américaine de 19 ans, navigue entre ses études, ses responsabilités en tant que capitaine de l'équipe de...