Chapitre 13 : La Vengeance

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Le vent soufflait fort ce jour-là, emportant avec lui l'espoir fragile qui s'était installé parmi les marchands. L'annonce de la diffusion des images avait secoué les fondations du pouvoir des collecteurs, mais la riposte de Bakari ne se fit pas attendre. Il ne se contenterait pas de se laisser humilier ainsi. C'était un homme pour qui la domination était une question de principe, et il était prêt à tout pour écraser ceux qui osaient le défier.

Aaric savait que la guerre ne se finirait pas sur une simple victoire morale. Bakari avait des moyens, et son réseau de peur et de violence s'étendait bien au-delà des marchés. Les collecteurs avaient maintenant un prétexte pour attaquer de front, et leurs actions allaient s'intensifier. Tout le monde, même ceux qui soutenaient le mouvement, sentait la menace qui planait sur eux.

Les premières rumeurs parvinrent au marché dans l'après-midi. Des hommes encagoulés, armés de bâtons et de couteaux, s'étaient introduits dans la maison de l'un des anciens alliés d'Aaric. C'était un petit commerçant nommé Tambo, un homme discret mais essentiel dans la logistique de leur mouvement. Tambo n'avait pas pu se défendre. Il avait été roué de coups, et sa boutique avait été mise à sac. Il était maintenant dans un état critique à l'hôpital.

— C'est leur message, murmura Samuel en fixant l'horizon, où le ciel s'assombrissait à mesure que le soleil se couchait. Ils nous montrent que personne n'est à l'abri.

— Et nous devons continuer malgré tout, répondit Aaric, ses poings serrés. Si nous reculons, c'est la fin. Tambo, lui, il n'a pas eu de choix. Mais nous, on peut encore faire une différence.

Mirembe, qui était restée silencieuse jusque-là, s'approcha d'Aaric, posant une main sur son épaule.

— Il faut qu'on se prépare à des représailles. C'est ce que Bakari veut. Faire peur pour nous diviser. Mais il nous connaît mal. On est unis. Et c'est cette unité qui les effraie vraiment.

Aaric la regarda, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres, mais il ne pouvait chasser l'inquiétude qui lui serrait le cœur. Il savait qu'ils étaient en train de jouer avec le feu, et que la moindre étincelle pourrait tout embraser.

Dans les jours qui suivirent, une tension palpable s'installa parmi les marchands. Chacun surveillait l'autre du coin de l'œil, se demandant qui céderait sous la pression. Ceux qui avaient des familles se sentaient particulièrement vulnérables, comme si leurs proches étaient devenus des cibles, non seulement pour les collecteurs, mais aussi pour les partisans de Bakari qui voulaient prouver leur loyauté.

Aaric ne cessait de tourner en rond, réfléchissant à une nouvelle stratégie. Il savait que ce n'était plus seulement une question de rébellion contre l'injustice ; il s'agissait désormais de survivre. Les collecteurs n'hésiteraient pas à écraser leur résistance de manière brutale.

— Nous devons montrer qu'ils ne nous font pas peur, dit-il à Mirembe et Samuel alors qu'ils se retrouvaient dans leur cachette habituelle, un petit local au fond du marché. Si nous nous laissons intimider, nous leur donnons raison. Nous devons frapper là où ça fait mal.

Samuel haussait les sourcils.

— Tu veux dire en attaquant directement Bakari ?

— Non, répondit Aaric d'un ton ferme, en dirigeant son regard vers la porte, comme s'il cherchait des réponses dans les murs. Je veux frapper là où il s'attend le moins : en révélant au grand jour sa corruption. Il croit qu'il est invincible, mais si nous réussissons à le discréditer publiquement, il perdra son pouvoir.

Mirembe se pencha en avant, intriguée.

— Et comment comptes-tu faire ça ? Nous avons déjà diffusé les vidéos, mais les gens ne semblent pas comprendre l'étendue de la situation. Peut-être qu'ils ne réalisent pas qu'il joue avec les vies de chacun.

Aaric réfléchit un instant.

— C'est simple. Nous allons trouver des preuves solides de ses liens avec les autorités locales. Des pots-de-vin, des documents compromettants. Nous allons faire en sorte que l'opinion publique s'en aperçoive. S'il est directement impliqué dans des affaires de corruption, il perdra toute crédibilité. C'est là qu'il sera vulnérable.

Samuel acquiesça.

— Et tu penses vraiment que cela suffira à mettre fin à ce cauchemar ?

Aaric hocha la tête.

— Je n'ai pas de garantie, mais c'est notre seule chance. Il faut que nous soyons plus malins, plus stratégiques que lui.

Les jours qui suivirent, le trio se lança dans une mission de collecte de preuves. Samuel connaissait quelques informateurs dans les cercles politiques, tandis que Mirembe, toujours aussi astucieuse, commença à rassembler des documents financiers qui pourraient prouver des transactions suspectes entre Bakari et des fonctionnaires locaux.

Mais c'est Aaric qui réussit à obtenir l'élément clé. Lors d'une rencontre clandestine avec un vieil ami de son père, il mit la main sur une série de fichiers et de courriers électroniques qui établissaient une liaison directe entre Bakari et les membres influents du gouvernement, des échanges financiers qui n'étaient en aucune façon liés à des activités légales.

Avec ces informations, ils étaient prêts à faire leur coup. Ils organisèrent une réunion secrète avec Awa, la journaliste qui avait aidé à diffuser les vidéos. Elle était à présent leur alliée la plus précieuse, car c'était elle qui avait les moyens de propulser ces révélations sur la scène publique.

La nuit de la publication, Aaric ne dormit pas. Il attendait, dans l'obscurité de sa chambre, le bruit des notifications. Chaque son était une promesse de changement, un pas de plus vers la fin du règne de Bakari. Mais il savait aussi qu'une fois que les informations seraient rendues publiques, il n'y aurait plus de retour en arrière.

Enfin, le téléphone d'Aaric vibra. C'était un message d'Awa : "Les preuves sont en ligne. La vérité ne peut plus être ignorée."

Aaric serra les poings. Il regarda Mirembe, qui venait de se joindre à lui. Ses yeux brillaient d'une lueur d'espoir, mais il pouvait aussi sentir la peur qui planait dans l'air.

— Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre, murmura-t-il.

Le matin suivant, la ville était en effervescence. Les nouvelles circulaient à une vitesse fulgurante. Les révélations sur Bakari étaient partout : dans les journaux, sur les réseaux sociaux, à la télévision. Les preuves étaient accablantes. Les gens étaient choqués, révoltés, mais aussi prêts à se lever. La ville semblait en ébullition, et un vent de révolte soufflait à travers les rues.

Bakari, fou de rage, convoqua ses hommes. Il savait que la situation devenait incontrôlable. Mais il n'était pas homme à se laisser faire. Et il allait tout faire pour se venger.

Pour Aaric et ses alliés, la bataille venait de commencer.

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