Chapitre 15 : Le Choix Final

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Les rues étaient en feu. Non pas littéralement, mais symboliquement, à travers les barricades de fortune, les incendies de pneus, les fumées des manifestants en colère. L'air était lourd, chargé de cette tension palpable qui précède l'orage, et chaque souffle d'air semblait amener avec lui un vent d'incertitude. Aaric marchait parmi les foules, son cœur battant la chamade, mais son esprit, plus que jamais, restait focalisé sur un seul objectif : faire tomber Bakari.

Le bruit des tambours résonnait au loin, signe que les manifestants se préparaient à faire entendre leur voix encore plus fort. Les révoltes, devenues un cri unanime de colère contre l'injustice, n'étaient plus qu'une étincelle attendant d'embraser tout le pays. Mais dans cette foule, un homme savait que la bataille qu'ils menaient serait plus complexe que ce qu'il avait imaginé. Il était fatigué de la violence, du chaos, de la haine qui montait. Chaque nouveau visage qu'il croisait était marqué par la souffrance ou la rage, et la déchirure dans son cœur devenait de plus en plus grande.

Aaric savait que la ligne entre le bien et le mal n'était plus aussi claire. Il n'y avait plus de distinction entre les justes et les coupables, entre les bons et les mauvais. Chaque décision qu'il prenait avait des conséquences, et chacune d'entre elles semblait l'enfoncer un peu plus dans un tourbillon incontrôlable.

Il se souvint de la première fois qu'il avait rencontré Bakari. C'était lors d'un dîner fastueux, entouré de l'élite du pays. Bakari, toujours impeccablement habillé, avec son sourire arrogant, son regard de prédateur, avait été l'incarnation même de ce qu'Aaric détestait dans ce système. La richesse, le pouvoir, la corruption qui couvraient tout comme une plaie infectée. Bakari ne se contentait pas de diriger un empire ; il l'étouffait. Et en quelques années, Aaric avait vu son influence grandir, presque invincible. Il avait fallu bien plus que de simples manifestations pour atteindre cet homme. Mais aujourd'hui, c'était une toute autre guerre.

Aaric arriva à l'endroit où il avait convenu de retrouver Mirembe et Samuel. Ils se tenaient dans une petite ruelle, loin des regards, sous la lueur tremblotante d'une lampe de poche. Mirembe avait le visage marqué par la fatigue, mais ses yeux brillaient toujours de cette détermination farouche qu'Aaric connaissait bien. Samuel, en revanche, semblait plus fatigué que d'habitude, son regard sombre, rempli d'une inquiétude qu'il ne parvenait pas à dissimuler.

— Ça chauffe, dit Mirembe en les voyant arriver. Bakari commence à contre-attaquer de manière plus violente. Ses sbires sont partout, et il ne va pas tarder à riposter.

Samuel serra les poings.

— Et on fait quoi maintenant ? On continue à pousser ? Ou on recule avant qu'il soit trop tard ?

Aaric fixa son ami. La question qu'il posait n'était pas sans fondement. Ils étaient à un carrefour de leur lutte, et chaque pas qu'ils faisaient les rapprochait d'une issue incertaine. Il savait qu'il ne pouvait pas faire marche arrière. Le combat qu'ils menaient n'était pas seulement pour une cause, mais pour une vision plus grande du pays, de sa dignité, de son avenir.

— On continue, répondit Aaric, la voix grave. Nous ne pouvons pas nous permettre de reculer maintenant. Si on cesse maintenant, Bakari gagnera, et tous les sacrifices de ces gens seront vains. Il doit payer pour ce qu'il a fait.

Mirembe hocha la tête, mais une lueur d'hésitation traversa ses yeux.

— Tu sais ce que ça implique, n'est-ce pas ? On touche à la dernière ligne droite. S'il y a une faille dans notre plan, tout est fini.

Aaric soupira. Il savait que Mirembe avait raison. Tout était devenu une question de timing. Si le moindre détail échouait, s'ils étaient trop lents ou trop imprudents, l'ensemble du réseau qu'ils avaient construit se désintégrerait sous leurs yeux.

— On y va quand même, insista-t-il. Le moment est venu. Nous avons assez d'informations. Il est temps de frapper fort.

Samuel ne dit rien, mais son regard trahissait une profonde inquiétude. Aaric le comprenait. Leur combat ne se résumait pas à une simple lutte pour la justice. C'était une question de survie, et tout pouvait basculer en un instant. Mais, en tant que leader, il n'avait pas le luxe du doute. Leurs vies, les vies de milliers de gens, dépendaient de leur capacité à défier l'autorité de Bakari.

Le plan avait été méticuleusement préparé : tout était en place pour frapper Bakari là où cela lui ferait le plus de mal. À l'heure actuelle, les forces de Bakari étaient déjà en alerte, cherchant à protéger son empire. Aaric et ses alliés allaient déstabiliser son réseau, en exposant ses liens avec des figures clés de l'État, en dévoilant des informations compromettantes qu'il ne pourrait pas ignorer.

Leurs actions se poursuivirent dans l'ombre de la nuit, des informations précieuses circulant d'un téléphone à l'autre. Ils piratèrent les comptes bancaires, révélèrent des preuves de corruption impliquant des figures politiques influentes, et publièrent les détails de transactions clandestines. Le tout, avec une précision chirurgicale.

Aaric se retrouva à un moment clé, en pleine préparation du dernier coup qui pourrait mettre fin à l'empire de Bakari. Alors qu'il parcourait les rues désertes, un homme s'approcha de lui, un visage qu'il n'avait jamais vu auparavant, un message dans les mains.

— Vous avez besoin de savoir, dit-il d'une voix rauque. Bakari a ordonné une frappe contre vous. Si vous continuez à avancer sur ce chemin, ce sera une guerre totale. Vous êtes sur le point de toucher à quelque chose de bien plus grand que vous ne pouvez imaginer.

L'homme disparut aussi vite qu'il était apparu, et Aaric sentit une bouffée de froid l'envahir. La menace était maintenant directe, et il était impossible de revenir en arrière. Il avait mis en jeu bien plus que sa propre vie.

La confrontation finale arriva plus tôt que prévu. Bakari, poussé dans ses derniers retranchements, lança ses hommes contre les insurgés. Les rues furent le théâtre de combats féroces, de tirs, de gaz lacrymogènes, de cris. Mais cette fois, le peuple ne fléchit pas. Chaque défaite, chaque blessé, ne faisait qu'enflammer davantage leur rage.

Le moment de vérité approchait, et Aaric savait que cette nuit marquerait la fin de quelque chose. Quelque chose de grand, d'injuste, allait prendre fin. Mais il restait une question à régler : serait-ce le début de quelque chose de meilleur ? Ou allait-il, malgré lui, devenir un autre homme détruit par la violence ?

Dans le tumulte de cette dernière bataille, Aaric se demanda : allait-il se laisser submerger par la lutte ? Ou allait-il trouver une voie qui lui permettrait de guérir ce pays dévasté, d'ouvrir la voie à un véritable changement ? Mais pour le moment, il n'y avait qu'une certitude : tout ce qui s'était passé jusqu'à maintenant avait été un sacrifice. Et ce sacrifice, il espérait qu'il ne serait pas en vain.

La décision était prise. Que la guerre commence.

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