Marianne, Clairvoyance

12- Philippe

La joie d'avoir si proche de moi un tel beau gosse se mêla en une pudeur extrême. Tournée vers lui, accrochée à la rambarde comme à une bouet de sauvetage, je battai des paupières. Il m'encouragea d'un sourire dévoilant ses dents d'ivoire étincelantes. Je balbutiai un pauvre anglais à cause de la pression interne qui me perturbait. Il me posa pleins de questions et la conversation s'enchaîna sans effort après quelque temps. J'arrivai même à le faire rire grâce à mon niveau d'anglais pitoyable comparé au sien.
Cette soirée fut la meilleure que j'eus passée depuis bien longtemps.

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Point de vue de Philippe:

La jeune fille à qui j'avais souri à table était vraiment impressionnante. Je ne comprenais pas trop l'allemand à la base mais l'essentiel de son récit fut compréhensible. À la fin du repas qui congédiait les enfants, je pus m'éclipser et la suivre hors de la salle. Mon père, Chef du Conseil de la Sophia, pourrait parler plus sérieusement "affaires" maintenant que nous étions partis. Son grade était le plus important du plan de Mondonnelli mais aussi le plus difficile. Il fallait du temps aux enquêtes et ses décisions faisaient couler pas mal d'encre sur le papier. Cette fille avait des visions ! Le don de la Clairvoyance ! On en croisait pas tous les jours des personnes comme ça, et surtout pas aussi charmante.
Je la trouvais accoudée sur la balustrade qui donnait une vue rocambolesque de l'Océan Atlantique. Ses cheveux épais, longs et bruns luisaient des faisceaux de la Lune. Elle ne me vit pas approcher. Je désirais la connaître un peu plus et ma curiosité me titillait fortement. J'entâmai la discussion avec une sourire séducteur et elle prit peu à peu confiance en elle. Je lui demandais des détails à propos de son don et elle me raconta comment cela pouvait être difficile au début.

_ On s'y habitue ! avoua t'elle dans la pénombre de la nuit.

On se tourna en même temps vers l'eau salée. Pendant qu'elle ne faisait pas attention à moi, je prenais plaisir à la contempler. Qu'elle était belle ! C'était un constat. Mais je ne m'en préoccupai pas pour l'instant car j'avais le bac à la fin de l'année et je n'étais pas quelqu'un d'anodin. Le statut de mon père attirait toujours plus ou moins. Elle me demanda en quelle classe j'étais et où je vivais. Je me confiais à elle comme à une amie que je connaissais depuis longtemps ce qui me surprit moi-même. Je n'étais pas du genre à en raconter long sur ma personne. J'étais plutôt méfiant à l'égard de personnes inconnues normalement. Surtout avec les filles qui me lorgnaient toujours ! Cette fille avait un pouvoir ensorcelant en plus de son don ou quoi !?
Ainsi, je lui exposais ma situation familiale actuelle. Je lui dis que j'étais en terminal scientifique dans un lycée prestigieux de Paris. J'étais donc français d'origine. J'avais dû partir à cause de l'attentat qui avait frappé la capitale et mon père avait recueilli sur l'île, ma mère, ma petite soeur et moi. À vrai dire, c'était la première fois que je vivais dans le même cadre que mon "father". Un précepteur s'occupait de me faire garder un certain niveau jusqu'à ce que je retourne en France.
Elle me regarda de ses doux yeux bleus et un léger plissement apparu sur son front. Elle avait pitié de moi du fait de mon perpétuel éloignement avec mon père et me serra le bras. Un frisson me parcourut l'échine et je remerciai le Bon Dieu qu'il fasse sombre car ce contact me fit rougir de plus belle.

Nous restâmes tous les deux de longues minutes à apprécier le silence animé par l'écume de l'eau. Je regardai ma montre et me rendit compte qu'il était déjà tard. Minuit et demi...

Après un rapide échange, elle se pencha vers moi pour me faire la bise. Son souffle sur ma peau fut électrique. Elle partit en trottant me laissant sur place.

Je venais de rencontrer Marianne Lorentz, la plus jolie fille qui eut fait battre mon coeur pendant une soirée.

Je secouai la tête pour oublier l'effet qu'elle provoquait au fin fond de mes entrailles.
Purée, ça ne fait que quatre heures que je la connais, grognai-je nerveusement.
Je partis vers ma chambre. En m'endormant, je n'arrivai toujours pas à décrocher sa silhouette de mes rêveries.