Chapitre 1

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— Es-tu certaine de vouloir l'épouser ? demande mon père pour la énième fois.

— Absolument, rétorqué-je, alors qu'en réalité je suis loin de l'être.

— Mais tu le connais à peine. C'est une décision qui ne se prend pas sur un coup de tête, ni sur un coup de foudre.

Ses yeux me scrutent, cherchant à découvrir derrière mon visage, derrière le masque que j'endosse depuis plusieurs jours, une seule et unique chose : la vérité. Impossible, atroce, et qui ne pourrait que lui être fatale, s'il en avait connaissance. Si, aujourd'hui, je peux lui exprimer, autrement que par des mots, un centième de l'amour qu'il m'inspire, si je peux à mon tour le soutenir et lui venir en aide, si je peux être autre chose que sa petite fille chérie, insouciante, folle, égoïste... il n'y a pas à hésiter. Depuis ma naissance, je ne fais que recevoir. C'est à mon tour de donner.

— Parfois, il n'est pas essentiel de connaître les personnes depuis des mois pour savoir qu'elles sont l'unique réponse à ce que vous attendez...

— C'est souvent aussi de cette façon que l'on se fourvoie, me coupe-t-il. Je sais que la jeunesse est impatiente, toutefois, pour un engagement de cette importance, il est bon de prendre son temps et de réfléchir.

Même s'il ne cite pas de nom, je sais à qui il fait allusion : ma mère. Avec un petit geste de la main, accompagné d'un sourire, je balaye ses objections.

— J'ai pris cette décision de mon plein gré et en toute connaissance de cause. C'est mon choix, à moi seule.

— Tu es certaine de l'aimer ? Je ne suis pas aussi vieille France que tu sembles le penser. Vivez ensemble quelques mois et si tout se passe bien, alors mariez-vous ! Mais de grâce, prenez le temps de vous connaître. Ta décision est trop précipitée et j'ai peur que tu ne le regrettes vivement par la suite.

— Papa, tout ce que tu pourras dire n'y changera rien. Je ne suis plus une petite fille et c'est ce que je veux. Si en plus, cela peut nous aider... et bien, tant mieux, dis-je en haussant les épaules. Il n'y a aucune raison de te sentir coupable, aucune.

Depuis plusieurs mois, mon père n'est plus le même, et si je n'avais pas été aussi insouciante, aussi aveugle, si égocentrique, sans doute m'en serais-je aperçue bien plus tôt ? Aurais-je pu, à défaut de l'aider, au moins le décharger un peu de ses tracas ? Physiquement, il a perdu beaucoup de poids, et les cernes sombres sous ses yeux rougis trahissent ses nombreuses nuits blanches à tenter de sauver son usine de la faillite. Aujourd'hui, son état me semble bien pire. Jamais, je ne l'ai vu aussi abattu.

— Tu m'interdis, murmure-t-il en prenant ma main. Et toi, mon ange, ne crois-tu pas que c'est ta culpabilité qui te fait...

— N'en parlons plus ! le coupé-je avec un simulacre de sourire. S'il te plait, papa, je ne veux plus en parler.

— Très bien, je respecte ton choix, même si la situation me consterne au plus haut point.

Il m'enlace et je remarque avec tristesse combien sa santé s'est dégradée en quelques mois. Si j'avais le moindre doute quant à ma décision, il s'envolerait à l'instant même. Il est si faible entre mes bras que j'ai presque peur de le briser. Une brève vision de l'homme puissant qu'il était et dont il ne reste que des vestiges traverse mon esprit. Je ne me sacrifie pas... c'est juste qu'il n'y a pas d'autres solutions, cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

— À une époque pas si lointaine, les mariages des jeunes filles de bonne famille étaient arrangés, ajouté-je sur un ton espiègle. Et dans notre milieu, il était de mise de pratiquer cela.

— Avec ton caractère, si je t'avais dicté le choix de ton époux, tradition ou pas, je suis certain que tu te serais révoltée. Tu aurais ruée dans les brancards.

— Justement, il suffit que tu me pries de ne pas me marier pour que je le fasse, lancé-je dans un rire. Et puis, il ne sait pas encore à qui il a affaire.

Malheureusement il en est de même pour moi. Cette équation inconnue me met les nerfs à vif. J'embrasse mon père et retourne dans ma chambre, enfin, ce qui en porte le nom. Une petite pièce triste et qui fait à peine la moitié de la surface de mon ancien dressing. Je me laisse choir dans mon lit et je ravale mes sanglots. Dans ma main, je tiens le contrat qui peut tout changer, qui peut me redonner ma vie d'avant... Suis-je prête à vendre mon corps pour préserver mon train de vie ? Les cris de la voisine me parviennent jusqu'aux oreilles, et j'ai beau essayé de les occulter, je sais que cela est impossible. Les murs laissent tout passer. Les disputes, les cris de jouissance, les odeurs, les vies... On ne peut rien cacher à ses voisins, sauf à oublier de respirer, de parler, d'aimer, de vivre. J'ai cet endroit en horreur. Suis-je un monstre de ne pouvoir renoncer au luxe, à l'espace, à l'argent, aux belles choses, aux mets délicats ? Suis-je un monstre de ne pouvoir supporter la pauvreté ? Je pose la liasse de papier sur mes genoux. J'en connais presque chaque ligne par cœur. Tout a été soigneusement soupesé et évalué.

LES PARTIES SONT CONVENUES DE CE QUI SUIT :

1. L'objectif fondamental de ce contrat est de s'assurer que M. Lancaster et Mlle Beaumont sont convenus et reconnaissent que tout ce qui aura lieu dans le cadre de ce contrat sera consensuel et confidentiel.

2. Mlle Beaumont percevra la somme de 250 000 euros pour chaque année de mariage.

3. Mlle Beaumont ne pourra engager une procédure de divorce avant cinq ans de mariage, toutefois, dans le cas où elle se résoudrait à cette éventualité, toutes les sommes qu'elle aurait perçues précédemment seraient de ce fait à restituer à M. Lancaster.

4. Toutes les dépenses de Mlle Beaumont seront à la charge de M. Lancaster.

5. Mlle Beaumont suivra M. Lancaster dans ses déplacements en France et à l'étranger s'il en manifeste le désir.

6. Mlle Beaumont s'engage à remplir son devoir d'épouse. Elle ne pourra se refuser à son devoir conjugal plus d'une fois par semaine, sauf en cas de maladie ou d'accident.

7. Les deux parties garantissent, avec certificat médical à l'appui, qu'ils ne souffrent d'aucune maladie sexuellement transmissible, y compris le VIH, l'herpès et l'hépatite.

8. Mlle Beaumont s'engage à une fidélité totale envers M. Lancaster.

9. Uniquement pendant la première année de mariage, Mlle Beaumont serait sous pilule contraceptive, ou tout autre méthode, si cela s'avérait préférable pour sa santé physique.

10. Il est formellement interdit à Mlle Beaumont, dans le cas où elle serait enceinte, d'avoir recours à l'avortement.

11. Dans le cas d'un divorce, engagé par l'une ou l'autre des parties, M. Lancaster aura la garde exclusive des enfants...

J'ai un pathétique sourire à la lecture de ce paragraphe. J'inspire profondément puis je paraphe chaque page du contrat et appose mon nom sur la dernière. Toutefois, jusqu'à la signature définitive chez l'avocat, devant témoins, j'ai encore la possibilité de faire marche arrière. Ensuite, ma vie sera liée à cet homme.

Un parfait inconnu.





Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant