Il est presque 14 heures lorsque j'arrive chez moi. Je grimpe les 4 étages et je lâche un soupir en constatant que l'appartement est vide. Quelques minutes plus tard, douchée et en petite tenue je m'écroule dans mon lit. Ne pas penser. Juste dormir. Je me recroqueville sous la couverture. J'allume la radio en sourdine pour amortir les cris des voisins et un martèlement de pas d'un gamin turbulent au-dessus de ma tête... ne pas penser... dormir... et oublier... juste dormir...
L'alarme du téléphone me tire du sommeil. Le son de la télévision filtre à travers les murs. Lors de notre emménagement, j'ai voulu que mon père dispose de l'unique chambre de l'appartement, mais j'ai reçu un refus catégorique. Inutile d'insister. C'était sa façon de me donner encore le meilleur. J'enfile un peignoir et pars le rejoindre.
— Comment ça va papa ?
— Bien. Et toi ?
Il est installé sur le canapé avec le journal sur les genoux, je m'assois à ses côtés et lui prend la main. Sous cette peau blanche, presque transparente, aussi ténue qu'une feuille de parchemin, et dans ces fines veines bleues coule le sang de mon père. C'est une main frêle et délicate, presque... vulnérable. Cette fragilité me déconcerte et m'effraie. Il a tant changé en quelques mois, tellement vieilli. Il a été mon héros, mon modèle, mon père adoré, celui qui me protégeait et aujourd'hui... les rôles sont inversés.
Il a besoin de moi... et je suis terrifiée.
— Je suis un peu fatiguée à cause de la soirée d'hier avec Justine.
— Et ton rendez-vous chez l'avocat. Tout s'est bien déroulé comme vous le souhaitiez ?
— Oui, tout s'est passé comme prévu.
Il me sourit et sa main soulève une mèche de mes cheveux pour la coincer derrière mon oreille.
— Il serait bon que je rencontre mon futur gendre, tu ne crois pas ? Celui qui a ravi le cœur de mon petit ange en si peu de temps, et qui tel un chevalier vole au secours de sa belle en détresse.
Pour mon père, Geoffrey et moi, ce fut le coup de foudre dès le premier regard sur mon lieu de travail. Il fallait bien accréditer le fait que tout se passe si rapidement. Comme dans les contes de fées, j'étais tombée sur un prince charmant, riche, et qui désirait prendre soin de nous. La totale quoi ! Le seul point qui le contrariait était cet empressement que nous mettions à vouloir nous marier si prestement. Pour le reste, il me semble qu'il m'avait crue.
— Oui, bien sûr, dis-je affolée en songeant qu'il souhaite certainement faire sa connaissance avant la cérémonie. Je vais voir avec... Geoffrey quand ce serait possible, mais je crains qu'il ne soit très occupé en ce moment, à cause de ses affaires. En attendant, il nous propose de nous installer dans l'un de ces appartements.
— Je comprends, dit-il en jetant un regard désabusé autour de nous. Je lui suis reconnaissant de prendre soin de toi. Toutefois, je ne peux réprimer certaines appréhensions et tu les connais. Tu es si impulsive et j'ai peur que vous alliez trop vite, beaucoup trop vite. Tu es amoureuse, vraiment amoureuse ?
Ce n'est pas le moment de faiblir. Il hors de question que mon père se doute de quoi que ce soit. Ce serait signer sa fin.
— Tu penses que je pourrais épouser un homme sans être amoureuse ? Devant son regard inquisiteur, je rajoute précipitamment et avec toute la conviction dont je suis capable : oui, papa ! Bien sûr que je suis amoureuse.
À son attitude, je sais qu'il me croit. Le soulagement s'insinue doucement en moi puis la honte déferle à son tour.
— Dans ce cas, je suis très heureux. Et j'ai hâte de le rencontrer.
Je préfère interrompre notre conversation en prétextant mon travail et filer dans la salle de bain. À travers la porte, il me demande dans quelle église nous prononcerons nos vœux. J'ai envie de vomir. Je sais que nous allons passer devant monsieur le maire, mais devant un prêtre ? À vrai dire, je n'ai aucune idée de rien à propos de ce mariage.
— On verra ça plus tard, papa. Là, je n'ai franchement plus le temps de papoter, sinon, je risque d'être en retard.
— Oui, tu as raison mon ange, nous discuterons de tout cela plus tard, tous ensemble, répond-il en s'éloignant.
Quelle est sa religion ? Je ne connais rien de Geoffrey Lancaster. Absolument rien. Si ce n'est qu'il est en position de faire une proposition aussi aberrante et monstrueuse que les moyens financiers dont il dispose, qu'il a des yeux bleu sombre, un visage d'une rare beauté, avec une cicatrice, qu'il émane de lui une virilité capable de vous foudroyer sur place. Que c'est un connard et un arrogant !
Face au miroir ébréché, je me maquille légèrement ; une touche d'ombre à paupières, un peu de mascara et de gloss. Puis je relève mes cheveux pour en faire un chignon, d'où s'échappent déjà quelques boucles indisciplinées, quand un bip m'annonce un message sur mon portable. Je jette un œil en pensant qu'il vient de Justine ou de Sarah.
Où êtes-vous ? G L.
Je fronce les sourcils, en songeant qu'il ne s'embarrasse même pas d'une formule de politesse, et je tape :
Pourquoi ?
Il répond dans la seconde :
Je vous ai posé une question !
Moi aussi !
Monsieur Lancaster a beau avoir payé le prix fort, un minimum de savoir-vivre ne serait pas de trop.
OÙ ÊTES-VOUS !!!
POURQUOI ???
Une serviette nouée autour de moi, je file dans ma chambre pour revêtir ma tenue de combat : jean, tee-shirt et converses. J'ai fait la bêtise, ma première nuit de travail, de porter des talons. Une erreur de débutante qui m'a valu des ampoules et un mal de dos épouvantable.
LISEZ CE PUTAIN DE CONTRAT !!!
Cet échange, des plus harmonieux, me laisse entrevoir que ce connard tout puissant attend que je lui sois soumise, prête à obéir au premier ordre, en toute bonne esclave dévouée, et sans contester son autorité. Il peut toujours rêver !
Je passe une veste en cuir rouge quand un nouveau message apparaît :
AVEZ-VOUS LU LE CONTRAT ???
J'attrape mon sac, mes clés, puis après avoir embrassé mon père, je file à la station de métro. Sarah a obtenu que notre première relation sexuelle n'ait lieu que lors de la nuit de noces. Encore un point à marquer à son actif. Merci Sarah ! Toutefois, s'il le désire, l'ordonne, terme plus approprié en regard de son caractère, je ne peux refuser de le voir.
Mon travail me tire une belle épine du pied. C'est l'excuse idéale à laquelle il ne pourra rien dire. Et je compte bien en profiter un maximum. En sortant du métro, j'attrape mon portable et jette un œil à mes messages.
Lancaster :
ÊTES-VOUS CAPABLE DE COMPRENDRE CE PUTAIN DE CONTRAT !!!
VOUS ALLEZ ME RÉPONDRE !!!
JE VOUS CONSEILLE FORTEMENT DE RÉPONDRE !!!
IMMÉDIATEMENT !!!
Justine :
Tu crois encore possible de rajouter une clause dans le contrat pour que j'assure pendant tes nuits de repos ? ;) On se voit demain ? J'TM
Sarah :
Juju m'a dit que le crapaud est à tomber ! Je veux tout savoir. Appelle-moi... à n'importe quelle heure ☺ Bisous d'amour.
Lancaster :
BORDEL !!! VOUS ALLEZ ME RÉPONDRE !!!
Un sourire radieux aux lèvres, j'éteins mon portable. Je franchis la porte du Bar des Potes. Au boulot !
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Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...
ChickLitUne jeune femme de la Haute, dont le père perd tout, se retrouve ruinée. Pour retrouver un niveau de vie décent, elle décide de se marier à un homme dont elle ne connaît rien. Dès leur premier regard, une relation électrique va s'installer en être e...