Chapitre 7

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Justine a tenu à ce que je profite de ma dernière nuit. Celle où j'avais encore le choix de disposer librement de mon corps sans rendre de compte à personne, où je pouvais m'offrir le luxe d'accorder, ou pas, mes faveurs à un homme que je choisirai, moi seule.

Pour nous mettre dans l'ambiance, comme d'habitude, nous avons pris quelques coupes au Bar Flûte. Ensuite, nous avons filé dans une boite gigantesque sous le pont Alexandre III, dont je ne garde pas grand souvenirs, si ce n'est une musique démente, de savant jeu de lumière, et des alcôves discrètes... très discrètes et dont je pensais ne pas avoir à me souvenir.

Sauf que le géant blond, là devant moi, fait ressurgir des images... une main, la mienne, se faufilant sous une chemise, la sienne, puis descendant plus bas et s'arrêtant sur la braguette d'un jean, le sien. Une main, toujours la sienne, se glissant doucement sous une robe... la mienne ! Le reste... je ne m'en souviens plus... noyé sous les mojitos d'hier, et la honte de l'instant présent.

— Dois-je regretter de ne pas avoir demandé un examen de votre santé mentale ?

Le ton cinglant me tire de ma torpeur. Le sourire facétieux sur le visage de l'inconnu de la nuit dernière me souffle soudain une réponse évidente quant à la gêne et au silence de Justine lors des présentations : le blond n'est pas mon futur époux, mais le témoin ! C'est un cauchemar ! Combien y avait-il de probabilités pour que je tombe sur le témoin ?! Je me tourne alors vers la voix et... je reste quelques secondes, minutes, heures... la bouche ouverte comme une carpe, avant de lâcher :

— Un BBS⁠ ? En chair et en os ?

De la pointe des souliers de designer italien jusqu'à ses cheveux bruns courts et décoiffés, il respire l'énergie, la force et la virilité à l'état brut. Est-ce sa chemise blanche, sans cravate, dont la couleur tranche avec sa peau hâlée qui lui donne ce côté sexy ? Ou bien cette attitude arrogante ? Ou ses lunettes ? Ou encore ce visage dur à la mâchoire carrée, ou ce nez pas parfait et qui a du être cassé ? Un vrai Bad Boy Sexy ! Et avec une bouche... oh, cette bouche avec des lèvres aux ondulations sensuelles et dont on a envie de suivre les courbes avec les doigts... une île de douceur dans un visage de sauvage... une île de chaleur dans un visage de glace...

— Je dirai que c'est le premier jet, ajoute Justine avec sérieux, mais les yeux pétillants, et que certaines corrections sont nécessaires pour envisager un HE⁠.

Je plonge alors mes yeux, cernés, rougis, pas maquillés, bref, pas du tout au mieux, dans un regard de braise, incendiaire, qui semble vouloir me pétrifier sur place... et qui me fait flipper, littéralement. La tête me tourne un peu. Je porte la main à mon front. Brûlant ! Je ne me sens toujours pas mieux et j'ai la désagréable sensation que ça empire.

— Je suis tombé sur une abrutie, ma parole ! Une poupée Barbie sans cerveau ! Vous comprenez la question ou avez-vous besoin de votre avocate ?

— Oh... je... je...

— Et en plus pas capable de faire une phrase compréhensible !

Il fait chaud, trop chaud. Je sens que je vais tourner de l'œil...

Et soudain, je régurgite les derniers mojitos de ma nuit de folie. Lancaster fait un bond en arrière. Super réflexe ! Et qui évite ainsi à son costume gris anthracite, fait sur mesure, et dont mon œil exercé reconnaît la coupe impeccable de faire un passage au pressing. En revanche, ses chaussures n'ont pas cette chance. Je n'ai jamais été aussi humiliée de ma vie.

— BORDEL !!! Mais c'est une vraie calamité !

Je lui lance un regard furieux. D'accord, comme première rencontre on a vu mieux. Mais un peu de compassion, est-ce trop demander ? Et pourquoi, ne vient-il pas se préoccuper de mon état au lieu de vociférer comme un malade ? Pourquoi sa main, fraîche de préférence, ne vient-elle pas se poser, tendrement de préférence aussi, sur mon front, alors qu'elle se contente de nettoyer ses foutues pompes... avec une serviette en papier, fournie par... la dévouée assistante, tu m'étonnes... et elle, ne pourrait-elle pas m'en passer une de serviette ? Non, c'est Justine qui le fait gentiment à sa place. Heureusement, je me sens un peu mieux et monsieur commence à me porter sérieusement sur les nerfs. Et pas qu'un peu.

— La poupée Barbie vous conseille d'aller changer de costume, et d'endosser celui de Ken à la place de celui de CONARD ARROGANT DE PREMIÈRE !

— Ça va Angie, demande Justine en s'interposant entre nous. Tu as besoin de quelque chose ?

— Un verre d'eau, merci.

On tente de réparer mes dégâts. On me glisse un siège sur lequel je m'écroule, le témoin est pris d'un indescriptible rire. Au moins, il y en a un qui trouve ça drôle. L'assistante parcourt le bureau en tous sens avec une bombe désodorisante. Quand elle s'approche de moi, je me dis que si jamais elle tente de m'asperger, je ne réponds plus de moi... mais pas folle, elle s'éloigne. Lancaster quant à lui continue de tempêter comme un forcené à tel point que je sens une affreuse migraine poindre le bout de son nez et que j'aboie à mon tour :

— Vous ne pourriez pas hurler plus doucement à la fin ?!

Silence. Silence total pendant quelques secondes avant que son témoin, Aïdan, n'explose de rire. Encore ! Lancaster se retourne brusquement vers moi. Il est en colère. Non, rectification, il est... furieux ! Les bras le long du corps, il se précipite vers moi. S'il croit qu'il me fait peur... quoiqu'un peu quand même. Je me redresse dans le fauteuil puis je me lève pour lui faire face. Pourquoi n'ai-je pas mis mes Louboutin ? 12 centimètres de talons, bien effilés, ça peut toujours servir. Parce que là, avec mes baskets, ma tête lui arrive à peine aux épaules. Ce connard arrogant, sexy d'accord, mais connard arrogant quand même, est vraiment grand et baraqué !

— Quoi ? Quoi ? Monsieur n'a pas l'habitude ? Monsieur n'apprécie pas ? Et juste entre nous, la Barbie n'a rien contre les excuses, elle est même toute disposée à en recevoir de votre part !


Note : BBS = Bad Boy Sexy   HE = Happy End


Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant