Chapitre 14

10.4K 740 31
                                    

À la fin de mon service, Lancaster m'attend sur le trottoir. Seul. Il est plus de 2 heures du matin, je suis fatiguée et je n'ai aucune envie de discuter avec lui. D'un pas lent, le visage fermé, je me dirige vers lui et l'apostrophe d'un ton peu amène :

— Vous avez décidé quelque chose de particulier pour cette fin de soirée ou je peux disposer ?

Je suis obligée de lever la tête pour croiser son regard. Sans prendre la peine de me répondre, il saisit mon bras et me force à le suivre dans la rue. En silence, nous marchons jusqu'à son véhicule, garé quelques rues plus loin. Le bip de l'ouverture des portes résonne dans la nuit. Je me glisse sur le siège passager et regarde droit devant moi. Une odeur de pain d'épice et de caramel flotte dans l'habitacle, associé à celle, plus subtile, d'un parfum masculin, aux notes d'ambre et de musc. Je sursaute quand sa main frôle mon genou pour ouvrir la boîte à gant.

— Calmez-vous ! Je ne vais pas vous sauter dessus dans la voiture, bougonne-t-il en extirpant un cigare.

Je pourrais lui répondre que c'est tout à fait possible, après tout, je ne sais rien de lui, ou si peu. Mais je me contente de hausser les épaules. Je veux en finir au plus vite et rentrer chez moi. Il allume son cigare, inspire profondément puis exhale une longue bouffée d'où se dégage un arôme caramélisé. Agacée, je plonge ma main dans mon sac et marmonne :

— Vous auriez pu me demander si je n'étais pas incommodée, non ?

— Est-ce le cas ?

Aussitôt, ma main ressort du sac et avec une totale mauvaise foi je réponds :

— Oui, ça me rend malade.

Pour affirmer un peu plus mes paroles, je prends une mine dégoûtée et me traite d'imbécile en silence. Il m'observe attentivement quelques secondes puis rétorque en démarrant la voiture :

— Il faudra vous y habituer alors. Parce que je n'ai pas l'intention d'arrêter.

À quoi est-ce que je m'attendais ? Peut-être à un minimum de délicatesse, de gentillesse.

— Vous êtes infect !

— À ça aussi, il faudra vous habituer, Barbie.

Et alors qu'il éclate de rire, une envie énorme me submerge : celle de lui faire bouffer son cigare ! Et pourquoi ai-je dit une stupidité pareille ? Quand on sait que toutes mes tentatives pour arrêter de fumer se sont soldées par un échec. Merde ! Merde ! Merde ! Mon irritation grimpe de minute en minute. Heureusement, le trajet dure peu de temps et dès qu'il stoppe devant chez moi, je me précipite sur la portière.

— Pas si vite, dit-il. Nous devons discuter.

— Une autre fois.

J'ai beau m'acharner sur la poignée, elle ne s'ouvre pas. Furieuse, je me retourne vers lui :

— Auriez-vous l'amabilité de débloquer le système de fermeture ?

Il recule son siège et s'installe confortablement.

— Non. En tout cas, pas avant que nous ayons discuté, Barbie.

— ARRÊTEZ DE M'APPELER BARBIE !!!

Je suis moi-même surprise par la violence de ma réaction.

— Vous avez un problème avec ça ? Vous n'avez jamais joué à la poupée Barbie dans votre enfance ? Vous n'avez jamais voulu lui ressembler ? Pourtant, chaque jour où vous êtes venue dans mes bureaux vous en donniez une image saisissante.

Je prends une profonde inspiration et comprenant que je n'échapperai à cette discussion, je m'installe à nouveau. Pendant quelques minutes, je fais abstraction de tout, même de Lancaster et quand je suis un peu plus calme, moins tendue, je me tourne vers lui.

— Vous m'avez observée chaque jour ?

De profil, son nez cassé se dessine avec plus de précision et lui donne un air farouche qui contraste avec la sensualité de sa bouche. Il a fermé les yeux. Il est immobile et son torse se soulève à peine. Il me fait penser à... un fauve magnifique, sauvage et cruel.

— Vous avez été une agréable distraction, murmure-t-il les yeux toujours clos, et j'étais loin de penser que vous seriez aussi tenace. Venir tous les jours, du soir au matin, pendant 2 semaines.

— Pourquoi cette proposition ? Vous ne devez pas manquer de prétendantes avec vos moyens.

— Quand mon assistante m'a rapporté vos propos et surtout que vous étiez prête à tout, j'ai voulu savoir ce que signifiait ce « prête à tout ». Jamais je n'aurais pensé que vous iriez jusqu'au bout.

Il ouvre les yeux et aussitôt je suis sur mes gardes. Son visage est impassible et ne laisse rien transparaitre, et son regard braqué sur le mien, me met mal à l'aise.

— Rare sont les femmes de votre milieu qui reconnaissent aimer l'argent à ce point.

Je n'aime pas le ton sur lequel il s'est exprimé.

— À ce point ?

Le contrat donne de moi l'image d'une femme vénale, mais lui ?

— C'est à ça que vous carburez alors, dis-je sans lui laisser le temps de répondre. Vous aimez humilier, rabaisser les femmes.

— Certaines le font très bien toutes seules, dit-il d'un ton détaché. Mais vous, pourquoi avoir signé ?

Je n'ai aucune envie de lui donner mes raisons. Il peut penser ce qu'il veut, je m'en moque. Il s'approche et se retrouve à quelques centimètres de moi. Son parfum m'étourdit. Ma respiration s'accélère. Instinctivement, je recule. Un sourire sardonique étire ses lèvres.

— Vous avez peur de moi ? Ou bien, est-ce ma cicatrice qui agresse vos valeurs esthétiques, Barbie ?

— Je connais de très bons chirurgiens plasticiens.

Ses yeux se promènent sur mon corps et malgré mes vêtements, j'ai l'impression de passer aux rayons X. Je déteste sa façon de me détailler telle une vulgaire marchandise dont on n'est pas certain de la qualité. Et les paroles qui suivent accentuent mon sentiment de malaise.

— Je suis curieux de savoir si vous y avez eu recours, murmure-t-il en s'attardant sur ma poitrine. Votre beauté est-elle un don de dame nature ou est-ce seulement le résultat d'un, ou de plusieurs coups de bistouri ?

À mon sentiment de gêne s'ajoute maintenant celui de la colère.

— Pourquoi ? Vous auriez l'impression d'avoir été floué sur la valeur réelle de la marchandise ?

— J'admire les femmes qui assument leurs actes et ne se cachent pas derrière de stupides excuses comme un excès de poids qui aurait fait augmenter leur poitrines, ou des vacances qui auraient fait disparaître quelques rides. Je n'ai rien contre la chirurgie esthétique, mais je suis contre le fait de se faire charcuter dans le seul but de correspondre à des critères de beauté. Ma cicatrice ne me pose aucun problème.

À moi non plus, j'ai juste été surprise au début, toutefois, je ne dis rien.

— Vous aurez tout le temps de vous y habituer, continue-t-il moqueur. Dans le cas contraire, vous subirez en silence, voilà tout. La compensation financière vous y aidera.

La seconde de compassion que j'ai eu pour lui me semble d'une absurdité totale.

— Oui, et si ça ne suffit pas, un shoot de vodka m'aidera et je pourrais penser à celui qui à reçu mes faveurs, la veille du contrat.

J'hésite. Par charité ou cruauté ? Mmm... c'est trop bon.

— À qui ? hurle-t-il plein de rage. À quel petit con de vos connaissances ?

Je veux faire durer mon plaisir. Il le mérite. Il respire fort, sa mâchoire est contractée et il bout littéralement de colère.

— Aïdan ! C'est drôle, non ?



Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant