Chapitre 16 *Du côté de Lancaster*

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Depuis notre entrevue chez l'avocat, mademoiselle Beaumont s'ingénie à me pousser à bout, à franchir des limites qu'elle a pourtant acceptées en signant ce contrat. Une proposition sans doute indécente et offensante, et qu'elle était en droit de refuser. Ce qu'elle n'a pas fait. Quand elle venait au bureau, c'était robe et talons aiguilles... un vrai rêve... une beauté à couper le souffle... immobile et silencieuse... et maintenant, ce n'est plus que jean et converse... avec un caractère de furie...

Sans oublier son avocate qui a réussi le tour de force de me faire céder et d'attendre la nuit de noces avant de consommer. Ahurissant !

À la perspective de passer 60 nuits, seul, et sans activité sexuelle, je suis fou de rage. 60 nuits ?! Impensable !!! Pourtant, il faudra bien que je me plie à cette clause... à moins que la demoiselle ne désire pas attendre notre nuit de noce ? Hum, un challenge difficile à relever, vu ses réactions...

Quand je sors du commissariat, la clarté du petit matin m'agresse en posant le pied sur le trottoir. Ce qui me met un peu plus de mauvaise humeur. Je viens de passer la fin de ma nuit au poste... Je n'en reviens toujours pas... Moi ! Bouclé ! Inimaginable !

À cause de cette petite peste insolente !

Je jette un œil dans la rue et j'aperçois Aïdan adossé sur le capot de sa voiture. J'enfonce mes mains dans les poches de mon jean et me dirige droit vers lui. Il affiche un petit sourire fanfaron en se frottant les mains. Putain, quel crétin celui-là. Je fais comme si je ne remarquais pas sa gaieté mal placée et je grogne :

— Je ne suis pas dans de bonnes dispositions, alors ne me cherche pas, compris ?

— Tu veux boire un café avant que je te dépose chez toi ?

— Non, je veux juste récupérer ma voiture et rentrer prendre une douche...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il explose de rire. Mon poing me démange furieusement.

— Fait gaffe Geoffrey, me lance-t-il en ayant deviné sans peine mes intentions. Tu viens à peine de sortir du commissariat.

On grimpe dans la voiture et il me tend un paquet de cigares de ma marque favorite.

— Merci.

— Y a pas de quoi, ma poule. Raconte-moi, comment as-tu fait pour te retrouver du Bar à une cellule de dégrisement ?

J'inspire une longue bouffée et en apprécie toute la saveur, avant de lui donner toutes les explications.

— Je ne pensais pas qu'elle t'avouerait cet épisode, surtout que son amie m'a bien fait comprendre chez l'avocat qu'elle était encore libre de faire ce qui lui plaisait, et j'aurais plutôt cru qu'elle avait peur que je ne vende la mèche, dit-il en haussant les sourcils. Tu ne lui as pas dit que notre rencontre n'était pas si « fortuite » que ça ?

— Non, elle ne m'en a pas laissé le temps. Et tout compte fait, c'est très bien ainsi, ce sera plus amusant.

Je ne peux m'empêcher de me remémorer les paroles d'Angeline, le plaisir qu'elle a pris à m'annoncer le nom de mon ami. C'est ça, cette petite étincelle que j'ai vu scintiller dans ses yeux, qui m'a laissé sans voix, et lui a offert le temps de prendre la fuite. J'étais furieux, pourtant elle n'a pas hésité, ou très peu, et pour une raison que je ne m'explique pas, j'admire son courage... ou son inconscience ?

— Dis-moi une chose Aïdan, si je me souviens bien, il me semblait que tu n'avais pas conclu lors de cette fameuse soirée ?

Il se tourne vers moi avec un sourire éclatant. Je déteste quand il affiche ce petit air sûr de lui.

— Geoffrey, si je me souviens bien, il me semblait que tu m'avais laissé carte blanche et que je devais séduire cette demoiselle, non ?

— Je me souviens parfaitement de ce que je t'ai dit, crétin. Mais vous n'avez pas la même version de l'aboutissement de cette nuit.

— Hé bien, on peut ajouter menteuse à la liste des nombreuses qualités de la future madame Lancaster, crétin.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis soulagé, ce qui m'agace encore un peu plus.

— Pourquoi ?

Il réfléchit un long moment avant de me répondre :

— Je ne sais pas ce qui m'a arrêté, et tu m'avais envoyé en sachant parfaitement ce qui pourrait se passer. Tu me connais trop bien. Et franchement, j'avais très envie de conclure, et elle aussi, enfin je crois. Mais j'ai vu quelque chose dans son regard qui m'a... perturbé.

— Ne me dis pas que tu as eu des remords ? Pas toi ! Pas celui qui chante sur tous les toits qu'il faudrait vraiment être très con pour se cantonner à une seule femme, alors que le monde est rempli de divines créatures qui n'attendent qu'à être satisfaites, et par toi de préférence.

— Non, je n'ai pas eu de remords, bougonne-t-il, mais je ne pouvais plus, c'est tout. Même en sachant qu'elle s'apprêtait à signer le contrat le lendemain avec un mec qu'elle n'avait jamais vu, même en sachant ça, je n'ai pas pu.

Je n'aime pas ce qu'il vient de m'avouer. Pas du tout. Je lui balance un regard furieux, et ma réaction me surprend.

— Tu m'as posé une question, je te réponds, dit-il soudain très sérieux. Juste la vérité, toujours la vérité entre nous, tu te souviens ?

J'inspire profondément.

— Bordel ! Geoffrey, tu sais très bien ce que je pense de ce contrat à la con !

— Ouais... tu m'as assez fait chier avec ça, dis-je avec un sourire. Et je suis le seul responsable de tout de ce bourbier.

— Exact ma poule.

Il lâche un soupir, moi aussi. Le connaissant comme je le connais, j'avais une idée très précise du résultat de leur rencontre. C'était même mon objectif premier. Alors, pourquoi suis-je comme... soulagé de sa réponse ? Quelques minutes plus tard nous sommes arrivés à l'endroit où j'ai laissé ma voiture.

Sauf que ma voiture... n'est plus là !

— LA SALE PETITE PESTE !!!

— Je ne crois pas qu'elle soit aussi responsable de ça, me fait remarquer Aïdan en pouffant de rire. À mon avis, c'est plutôt la fourrière.

Pendant une minute, je me pose la question de savoir si je lui balance mon poing dans la tronche, comme j'avais envie de le faire un peu plus tôt. Après tout, ça commence à faire beaucoup, et ce crétin, qui est aussi mon meilleur ami depuis des années, s'amuse un peu trop à mes dépens ces derniers temps. Mais je finis par voir le côté absurde, comique de la situation et j'éclate de rire à mon tour.

— Comment peux-tu être certain que ce n'est pas Angeline ?

— Ton passage au poste était déjà une belle victoire, tu ne crois pas ? Pourquoi aller plus loin ?

Je suis obligé de reconnaître qu'il n'a pas tort et qu'elle n'est, peut-être, pas responsable de l'enlèvement de ma voiture. Enfin, pas totalement responsable, parce qu'elle l'est quand même un peu. Si elle n'avait pas appelé la police... la sale petite peste...

— Bon, on fait quoi alors ? Tu veux aller direct à la fourrière où tu remets ça à plus tard ?

J'ai envie d'une bonne douche. Je suis crevé. J'ai besoin de faire le point et d'étudier sérieusement le cas de mademoiselle Beaumont, future madame Lancaster.

Cette demoiselle ne se contente pas de montrer les dents, elle mord ! Mais elle n'est pas la seule. Moi aussi, je mords. Et j'aime ça ! Énormément !

— Chez moi, dis-je avec un grand sourire.



Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant