À combien de femmes Lancaster a-t-il donné une clé de cet appartement ? Se souvient-il seulement de l'avoir fait ? Mais surtout qui est-elle ? Une ex ? Sa sœur ? Une amie ? Sa mère ? Et pourquoi dispose-t-elle d'une clé ? De quel droit ? C'est une blague... oh, mais non, c'est sans doute une petite vengeance de sa part en représailles de la nuit dernière, tout simplement.
D'un pas énergique, je passe dans le salon, personne. Je ne la vois pas non plus dans la cuisine. Je file en direction de la plus grande chambre et j'entre. Elle est là. Mon cerveau enregistre simultanément, et en quelques secondes à peine, une avalanche de renseignements. L'intruse n'est pas sa mère. Non, définitivement non, ou alors son chirurgien esthétique est un As du bistouri. Une valise ouverte est posée sur le lit... comme si elle était chez elle... comme si elle l'attendait. Mais la vision qui perturbe le plus, qui me déstabilise, c'est celle de cette superbe créature brune vêtue d'une jupe crayon noire, juchée sur des talons aiguilles et avec une poitrine... des seins... tout le contraire de moi, quoi. Dans un soutif de dentelle noire...
— Ho la vache ! s'exclame Justine en me percutant. On peut dire qu'elle ne manque pas d'arguments...
L'inconnue pousse un hurlement. D'accord, elle est étonnée et certainement effrayée. Mais c'est réciproque, et on ne crie pas comme des malades. Elle attrape à toute vitesse le chemisier sur le lit en nous jetant un regard stupéfait et nous demande de quitter les lieux. Immédiatement ! Sinon elle téléphone à la police... ça me rappelle furieusement quelque chose.
— C'est petit, c'est même mesquin, dis-je, mais quand je surprends son coup d'œil sur son sac posé sur la table de chevet, je me précipite et m'en saisit avant elle, puis j'ajoute : je m'attendais à autre chose de sa part. Tu ne penses pas Justine qu'il manque d'imagination ?
— Oui, c'est vrai, il aurait pu trouver mieux, rétorque mon amie en s'installant confortablement sur le lit et alors que je brandis victorieusement le téléphone de l'inconnue. Tu devrais continuer à fouiller et voir ses papiers...
— Je vous interdis de toucher à mes affaires, la coupe-t-elle avec une voix d'hystérique. Et je vous préviens que vous allez le regretter !
J'éclate de rire en lui disant que j'ai déjà entendu ça et qu'elle ne me fait pas peur. Elle persévère dans ses menaces et exige de savoir nos noms. Je balance le téléphone à Justine qui après une tentative infructueuse lui demande son code d'accès. Silence. Madame ne souhaite pas nous répondre. Un peu gênée, mais pas assez toutefois pour m'arrêter, je poursuis mon inspection du sac... pochette de maquillage, lunette de soleil, un petit carnet en cuir noir, stylo Mont-Blanc, une boite d'aspirine, un magazine, un porte-monnaie avec des dollars... tiens, tiens, arrive-t-elle de New York ? Justine de son côté lui redemande son code.
— Vous pouvez toujours attendre !
— D'accord, puisque vous n'êtes pas conciliante, répond Justine avec un sourire et en lui barrant le passage vers la porte. Ne venez pas vous plaindre après...
Elle tape une combinaison au hasard. Échec.
— Vous savez qu'après trois essais, votre téléphone sera bloqué ? Très bien, allons-y pour le dernier... zut alors ! De toute façon, je n'ai jamais été douée avec les chiffres et toi Angie, tu as trouvé ses papiers ?
— Non, ils ne sont pas dans son sac, c'est plutôt étrange.
Je me tourne vers l'inconnue, bras croisés, collée au mur, avec un regard incendiaire. Elle fulmine littéralement, mais je perçois aussi une crainte dans ses yeux. Elle est inquiète et se tient sur ses gardes. Je lui redemande qui elle est, et ce qu'elle fait là. Dans mon appartement ! J'insiste lourdement sur le « mon ». Elle se contente de me détailler de la tête aux pieds... pas coiffée, pas maquillée, jean, tee-shirt et converse... j'avais dit que j'assurais grave ? Et son petit air hautain et condescendant me met en rage. Sa tenue impeccable me met en rage. Son physique impeccable me met en rage... et même sa poitrine me met en rage ! Elle se pointe avec une valise, donc, elle revient de vacances ou d'un séjour professionnel. Et on ne voyage pas sans ses papiers ! CQFD ! Après une fouille minutieuse, très minutieuse, de la valise, la chambre à l'aspect d'un magasin, un jour de soldes. Il y en a partout... des robes... longues... courtes... des jupes... des chemisiers... des déshabillés... des bas... de la lingerie... mais pas de carte d'identité, de passeport, pas même un permis de conduire ! Pas une carte de crédit ? Une seule toute petite carte de crédit ?! Comment fait-elle ?!
— Regarde sa ceinture, me souffle alors Justine. Tu n'aurais pas choisi un autre modèle vu la tenue ?
Je scrute attentivement notre inconnue et un grand sourire se dessine sur mon visage.
— Tout à fait Watson. Ce n'est pas du tout ce qui convient, et quand on voit les accessoires de madame, dis-je en montrant du doigt tout l'attirail explosé dans la chambre. Il est clair qu'elle n'aurait pas fait une telle faute de goût.
— C'est très américain, je trouve, remarque-t-elle en se dirigeant vers la brune qui bloquée par le mur ne peut même plus reculer. Pas très élégant, mais certainement beaucoup plus sûr quand on voyage.
— Allez ne soyez pas stupide, dis-je en m'approchant à mon tour. Vous êtes ici chez moi ! Le plus simple est de nous donner ce que l'on vous demande sans faire d'histoires...
Et là, je reçois une gifle. Magistrale ! Cette dingue se jette sur moi. Justine veut la saisir par le bras, enfin c'est ce que je pense, car cette sorcière me tire les cheveux en vociférant. D'une main, j'essaie de retirer la sienne et de l'autre je tente de la pousser de toutes mes forces. Mais c'est une vraie furie. Elle s'accroche à mes cheveux et j'ai l'impression que je vais devenir chauve. Je hurle à mon tour. De douleur.
— Lâchez-la ! s'époumone Justine en tirant sur le chemisier, qui finit par se déchirer.
Je lui file un coup de pied. Mais cette peau de vache est toujours agrippée à mes cheveux. Justine la saisit par la taille et tire de dans le sens opposé. Je pousse un cri d'agonie. Elles vont me scalper, si ça continue ainsi. Je lui balancerai bien un uppercut, seulement, je ne sais même pas comment on fait. Alors, je fais comme elle, j'empoigne sa tignasse. Très fort.
— Mais qu'est-ce qui se passe ici ? gronde soudain une voix masculine.
Une main ferme me saisit par la taille. Alors que le portier entre dans mon champ de vision et demande :
— Vous désirez que j'appelle la sécurité monsieur Lancaster ou la police ?
De quoi se mêle-t-il celui-là ? J'ai des larmes plein les yeux. Dans la main, j'ai une poignée de cheveux bruns. Je suis certaine qu'il en est de même pour l'autre harpie, chemisier déchiré et avec vue sur son soutif, qui se trouve à présent dans les bras du portier. J'ai l'impression qu'il apprécie la situation, ce délateur.
— Non, ce ne sera pas nécessaire, répond Lancaster en me coinçant contre lui. Vous pouvez nous laisser maintenant Jacques, et encore merci de m'avoir téléphoné. Vous avez bien fait.
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Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...
ChickLitUne jeune femme de la Haute, dont le père perd tout, se retrouve ruinée. Pour retrouver un niveau de vie décent, elle décide de se marier à un homme dont elle ne connaît rien. Dès leur premier regard, une relation électrique va s'installer en être e...