Chapitre 17

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Il est 15 heures quand je me réveille.

Rien n'est venu perturber mon sommeil, quand soudain, le visage de Lancaster surgit dans mon esprit avec une précision diabolique. Pas de remords, pas de regrets. Je ne me sens pas fautive à l'idée de sa nuit au poste. Je me lève brusquement et me dirige au pas de course vers la fenêtre puis l'ouvre. Soit monsieur est déjà passé récupérer sa voiture, soit la fourrière s'en est chargée. Barbie frappe des deux mains en priant pour que la deuxième hypothèse soit la bonne. 

D'humeur joyeuse, je vérifie mes messages et à part Justine qui me demande de l'appeler dès mon réveil, rien de plus. Rien de Lancaster ? Je ne sais pas si je dois m'en étonner ou m'en inquiéter. Peut-être est-il encore au commissariat ? Combien de temps peuvent-ils le garder ? Dois-je téléphoner pour prendre de ses nouvelles et dans ce cas, intercéder en sa faveur ? Non ! Cela voudrait dire que je reconnais mes torts. Je présume qu'avec ses moyens il a du exiger la présence d'un avocat pour sortir au plus vite. Au bout de combien d'heures peut-on faire appel à un avocat ? Une heure ? Deux heures ? S'il n'est pas encore dehors, il doit être dans une rage folle à mon sujet. Je file à la cuisine en me disant qu'il méritait une bonne leçon. 

D'accord, j'ai signé son contrat, mais ce n'est pas une raison suffisante pour se comporter comme il le fait, comme si j'étais sa chose, comme si j'allais tout accepter sans broncher. Je verse de l'eau dans la bouilloire et me prépare deux tartines grillées. 

L'appartement est silencieux. Mon père doit faire sa petite promenade quotidienne. Depuis qu'il ne travaille plus, il ne sait plus quoi faire pour s'occuper. Même s'il ne m'en parle pas, je devine qu'il s'ennuie, et que le désœuvrement accentue son mal-être, et sa peur de ne pouvoir faire face à toutes nos dettes. Mais c'est la crainte de ne plus pouvoir prendre soin de moi et surtout d'elle qui lui cause le plus de tourments... Lancaster et son contrat m'offrent la possibilité de le soulager et de prendre la relève. 

Peut-être n'ai-je pas fait preuve d'intelligence en lui lançant à la figure que je m'étais envoyée en l'air avec son témoin ? Était-ce une si bonne idée ? Surtout qu'au lieu de m'en tenir aux faits, il a fallu que j'en rajoute. J'avale mon thé en lui trouvant un goût amer, à moins que ce ne soient les tartines. Trop grillées. Finalement, je n'ai plus faim. Lancaster m'a coupé l'appétit.

Une douche me remettra les idées en place, me dis-je en me rendant à la salle de bain. J'observe avec attention mon image dans le miroir. Je me scrute avec un regard qui se veut objectif et sans concession. J'ai toujours eu du succès avec la gent masculine, mais je ne me suis jamais posée, réellement, la question de savoir ce que les hommes voient en moi. Et encore moins, celle s'ils imaginent que la chirurgie est l'oeuvre de ce visage et de ce corps. Quel con ! Peut-être un jour, me laisserai-je tenter, toutefois, j'ai de belles années devant moi avant même d'y penser. Je ne suis pas une victime des apparences comme il le croit. 

Je ne suis pas très grande, 1 m 68, mais je suis mince. Ma poitrine est plutôt petite, à mon profond désespoir. Mais bon, jusqu'à présent personne ne s'est plaint. Mes cheveux m'arrivent plus bas que les épaules et sont naturellement blonds, et grâce à Georges, mon coiffeur du temps où je dépensais sans compter, ils sont ce qu'il nomme « une crinière de rêve qui étincelle tel l'astre du soleil », oui, Georges est un coiffeur-poète à ses heures. On m'a toujours dit que j'avais un regard de biche. Je me penche un peu plus vers le miroir. Voyons voir. C'est vrai que mes yeux en amande sont plutôt pas mal. Dommage que la couleur soit banale : vert noisette. Rien d'exceptionnel. Une belle bouche bien dessinée. J'aurais pu être mannequin, d'après mes amies... et s'il ne me manquait pas au bas mot 10 centimètres. Mais avec des talons ? Coiffée, habillée, maquillée ? J'assure ! J'assure grave ! Et tout ça sans chirurgie esthétique ! Quel con ! Et d'abord, pourquoi je m'énerve ? Pourquoi Lancaster parasite mon cerveau ?

Quelques minutes plus tard, je suis douchée. Je passe un jean quand un coup sec frappé à la porte me surprend. Je n'espère aucune visite. Les seules qui pourraient venir sont Justine qui attend mon coup de téléphone, et Sarah qui se trouve à plusieurs milliers de kilomètres. J'enfile un tee-shirt en songeant que mon père a sans doute oublié ses clés et me précipite pour lui ouvrir.

— Mlle Beaumont ?

Un jeune homme se tient devant moi.

— Oui, c'est moi.

— Signez ici et là, s'il vous plaît.

Je m'exécute, et récupère une enveloppe blanche avec mon nom dans une belle écriture manuscrite. Je me doute déjà qu'elle provient de Lancaster. Qui d'autre que lui pour envoyer un coursier un dimanche ? Je décachète l'enveloppe avec une certaine appréhension. Ne suis-je pas allée un peu trop loin hier en appelant la police ? Cette petite vengeance ne risque-t-elle pas de me causer plus de torts ? Je commence la lecture de la missive et je lâche un soupir à la fin.

Aucune mention à propos de la nuit. Est-ce une bonne nouvelle ?

Il m'indique l'adresse d'un restaurant où le rejoindre lundi, 20 heures précises, pour discuter du mariage, me souligne une nouvelle fois les termes du contrat : pas de pantalon en sa présence, puis rajoute qu'il espère que je me souviens bien de sa dernière demande, à savoir, ne pas porter de culotte. 

J'ai une bouffée de rage qui m'envahit. J'attrape le contrat dans mon sac, et entame la lecture, en cherchant au fil des feuillets s'il a le droit à de telles prérogatives. Je commence à maudire Sarah vu le nombre de pages. Ce truc est énorme. Finalement, je tombe sur une annexe où il est stipulé que monsieur Lancaster a l'apanage du choix de mes tenues vestimentaires dès que je suis avec lui. Je pousse un cri de colère. Salaud ! 

Tout est ma faute, si j'avais prêté plus attention aux multiples échanges entre Sarah et l'avocat, j'aurais pu y mettre mon grain de sel. J'abandonne ma lecture quand je découvre avec horreur que je devrais aussi cuisiner et faire le ménage, dans la situation où le personnel de maison serait indisponible. Je rêve ou quoi ?! Toutefois, je ne me fais pas trop de soucis avec cette annexe. Je vois mal comment cela serait possible, compte tenu de sa position et des moyens financiers dont il dispose. Comment pourrait-il se retrouver à court d'employés ? Rassurée, je réfléchis à la tenue que je vais choisir pour notre rendez-vous de lundi. Et surtout, j'étudie la problématique : pas de sous-vêtements. Comment saura-t-il si j'en porte ou pas, d'abord ? Il ne pense quand même pas vérifier ? Une petite voix me souffle qu'il en serait parfaitement capable. Un string ferait-il illusion ?

Oui, c'est ça, un string. Il n'y verra que du feu, me dis-je en attrapant mon téléphone pour appeler Justine.



Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant