Le Contrat - {Sous contrat d'édition}Sortie le 18 juillet avec TéléStar...

Chapitre 4

Je cligne plusieurs fois des paupières et les souvenirs commencent à parvenir à ce qui me reste de cerveau où un groupe de métal rock semble s'en donne à cœur joie. Un gémissement s'échappe de mes lèvres. J'ai la gorge sèche et la langue pâteuse... un verre d'eau. Oui, il me faut un verre d'eau. Mais il faudrait déjà que j'arrive à me lever. Justine a tenu à fêter ma dernière soirée avant mon rendez-vous chez l'avocat...

La signature définitive...

D'un bond, je m'assieds dans mon lit, ouvre les yeux et alors que les murs tanguent dangereusement autour de moi, une voix de crécelle se met à hurler dans ma tête :

En retard, en retard, en retard... le contrat, le contrat, le contrat...

Je pose un pied au sol, puis l'autre. Je reste immobile le temps que tout s'arrête de tournoyer... et je me dis que fêter ma dernière soirée n'était sans doute pas la meilleure des idées. Je me souviens à peine de mon retour... Haaaaa oui, un grand blond... mignon... gentil... et... et... je préfère oublier le reste. J'ouvre les yeux et à travers une brume opaque, j'entrevois les chiffres sur le cadran de ma montre : dix heures trente ! Merde !!!

Je fouille dans mon sac à la recherche de mon portable. Dans un tapotement fébrile, je fais le numéro de Justine pour tomber sur sa messagerie. Direction la douche et ensuite une aspirine et un café serré, très serré. Chancelante, je me traîne jusqu'à la salle de bain en m'appuyant sur les murs. J'ai tout juste le temps d'envoyer un SMS à mon amie avant que les mojitos ingurgités au court de cette nuit agitée finissent dans la cuvette des toilettes... c'est la dernière fois que je me paye une cuite pareille.

Trente minutes plus tard, après une douche froide, une dose de caféine à réveiller un mort et deux cachets, je commence à me sentir... un peu mieux ? À la va-vite, j'attrape les premières fringues qui me tombent sous la main et j'enfile un slim noir, un tee-shirt rose fuchsia et des converses de la même couleur. Ma tension grimpe en flèche. Le ventre noué, je tente un dernier appel — après la quinzaine et autant de SMS restés sans réponses — tout en saisissant mon sac et des lunettes de soleil. Je ne prends même pas la peine de me maquiller. Plus le temps.

— Justine, réponds !

Je cours à toute vitesse en direction de la station de taxis, trop tard pour y aller en métro, et en priant pour qu'il y en ait un. Je lâche un soupir quand je me rends compte que je suis la seule cliente. C'est peut-être mon jour de chance... ou pas.

Quelques minutes plus tard, le véhicule fonce vers les beaux quartiers de la capitale. Au bout d'une énième tentative infructueuse pour contacter Justine, une véritable panique menace de me faire perdre les pédales. Elle ne me ferait pas un coup pareil ? Non ? Non ! S'est-elle réveillée ? A-t-elle même entendu son réveil ? C'est pas vrai ! Justine est mon témoin et si elle n'est pas là... je ne suis pas certaine d'aller jusqu'au bout. Je flippe totalement. Et la seule capable de me donner le courage dont j'ai besoin, c'est elle.

Je jette un œil sur ma montre et en voyant l'heure je me demande si mes craintes sont fondées. J'ai quasiment presque une heure de retard. Il est fort probable que... mon futur mari ne soit plus là à m'espérer. Les changements que Sarah a négociés dans le contrat ont déjà failli tout faire capoter, mais je ne peux que me féliciter de sa pugnacité. Elle a ainsi réussi à m'accorder une journée supplémentaire où je n'aurais pas besoin de combler les désirs de monsieur Lancaster. Et ne sachant pas à quoi je m'attends, ces 24 heures de plus sont une bénédiction. En revanche, elle n'a rien pu faire quant à la clause absolue de fidélité.

— Vu ce que va te rapporter ce mariage, on ne peut pas lui en vouloir d'exiger d'être le seul à profiter de tes charmes. Mais j'ai obtenu la même clause de son côté, avait-elle dit en éclatant de rire au téléphone quelques jours plus tôt. J'ai aussi fait rajouter des annexes stipulant que des pratiques sexuelles hors normes n'étaient pas envisageables...

— Comment ça, hors normes ?

— Oui, ma puce, du genre sado maso, échangisme, sodomie, zoophilie... Bref, tu n'as pas à t'angoisser, j'ai tout blindé de ce côté-là, sauf si tu en exprimes le désir, bien sûr.

À l'instant présent, Geoffrey Lancaster pense sans doute que j'ai changé d'avis et que je n'ai même pas eu la politesse de le prévenir. Je me mets alors à fouiller dans mon sac à la recherche de la carte de l'avocat et...

— Merde ! Merde ! Merde !

— Pardon ?

— Désolée. Mais je suis très en retard, et je n'ai même pas le numéro de téléphone pour pouvoir avertir.

— Vous faites pas de soucis, ma p'tite. Je suis certain qu'il fait le piquet de grève et que vous allez vous faire pardonner en moins d'deux.

Je lui adresse un pauvre sourire en songeant que je ne sais pas ce qui me fait le plus peur : que Geoffrey Lancaster soit encore là ou qu'il soit déjà parti.

Quand le taxi s'arrête enfin au 27 avenue Marceau, j'ai une heure trente de retard. Le chauffeur me lance un "Merde" retentissant avant de redémarrer. Je lève les yeux sur l'immeuble haussmannien, typique du seizième arrondissement de Paris. Un quartier que je connais bien et où j'avais mes habitudes puisque j'y habitais encore quelques mois plus tôt. La plaque dorée de l'avocat m'apprend que ses bureaux se trouvent au deuxième étage. Je prends une profonde inspiration et pénètre dans le hall spacieux, ignore l'ascenseur, et me dirige vers l'escalier. Le tapis épais amortit mes pas et j'ai encore le temps de composer trois fois le numéro de Justine avant de me retrouver devant la double porte. En vain. Elle ne répond toujours pas... Est-ce un signe ? Devrais-je le suivre ? J'ai retourné tout ça dans ma tête un nombre incalculable de fois pour en arriver au même constat : c'est la seule solution. À moins de gagner le jackpot à l'euro millions, et j'avoue que j'ai essayé, et pas qu'une fois... le résultat ? Même pas un ticket de remboursé !

Malheureux aux jeux, heureux en amour... Mmmm... c'est le moment de vérifier si l'adage dit vrai.

Je ne tiens vraiment pas la grande forme...

J'ai chaud...

Je frissonne...

Les mains moites...

D'une main tremblante, j'appuie sur la sonnette.