Nation Reptile

Une vraie Reptile (2)

NON ! JE NE VEUX PAS MOURIR !

Un électrochoc secoua son cerveau, la ramena à la conscience, réveillant les réserves les plus enfouies de son instinct de survie. Les quatre tours lumineuses émergeaient des ténèbres, scintillaient comme un phare sous ses paupières endolories. Si proches.

Elle ouvrit les yeux.

JE NE SUIS PAS UNE PERDANTE ! JE QUITTERAIS CE TROU PUANT, JE LES VAINCRAIS TOUS ! JE VAIS VIVRE !

Son coeur relança ses pulsations. L'air se remit à circuler dans ses poumons. Ses doigts s'agitèrent. Ses muscles frémirent. Au terme d'une interminable lutte acharnée, Xue sentit à travers un vif crépitement électrique que ses membres étaient de nouveau sous ses ordres. La douleur n'étaient plus qu'un hurlement lointain. Elle se mit à ramper, guidée par les miroitant grattes-ciels qui flottaient dans la nuit, à quelques pas d'elle. Puisant dans des ressources insoupçonnées, elle réunit assez d'énergie pour presser ses mains contre le sol, replier une jambe et s'appuyer sur l'asphalte avec son pied.

Elle était debout. Et se mit à marcher, lentement, un pas après l'autre. Il n'y avait plus de douleur, plus de froid, plus d'obscurité. Seulement les tours lumineuses qui rayonnaient de chaleur et repoussaient les ténèbres devant elle. Elle s'en rapprochait, les bras tendus vers son idéal. Oui, elle allait vivre.

Pendant qu'une Xue meurtrie, ensanglantée mais déterminée progressait seule dans la ruelle, les fragments de la Lune poursuivaient leur course céleste, imperturbables. L'adrénaline qui ruisselait dans ses veines inhibait la douleur et le froid ; elle permettait à son corps de produire un semblant de feu qui lui épargnait une catalepsie mortelle. Puis le ciel se colora peu à peu, chassant lentement la nuit et tiédissant l'atmosphère. La jeune Dragonne vit la lumière, réelle cette fois, désagréger son illusion en pansant ses plaies.

Puis Xue revint à elle, réalisant qu'elle avait survécu au froid en titubant pendant une nuit entière malgré sa collection de blessures. Elle vivait. La certitude absolue d'être une gagnante s'imposa.

La douleur que les coups et griffures avaient inscrit dans ses écailles se réveilla dès que l'air eut retrouvé une chaleur suffisante. Xue endura alors un véritable calvaire pendant qu'elle se mettait en quête de sa bande, ses traumatismes ne s'estompant qu'avec lenteur. À sa grande surprise, les autres groupes de petits se contentaient de la regarder avec dégoût ou dédain, lui lançant quelques détritus au visage dans le pire des cas, et même les primitifs l'évitaient comme une pestiférée. Sans doute empestait-elle l'Enragé, où plutôt l'une de leurs victimes. À croire que la banlieue toute entière la voyait désormais comme une paria.

En fouinant autour des décharges habituellement fréquentées par la bande, elle retrouva l'odeur du meneur saurien, un fil fragile qu'elle s'efforça de suivre jusqu'à l'un des immeubles sur le toit duquel elle et le reste de la troupe avaient leurs aises. Alors qu'elle grimpait sur la façade de l'édifice, s'efforçant d'ignorer les protestations de ses muscles, sa mémoire fit ressurgir le regard méprisant que lui avait jeté le chef avant ce geste qui lui avait valu les sévices de la veille. Ses entrailles se serrèrent. Elle s'efforça de se convaincre qu'il s'agissait d'un accident, que le Saurien n'avait jamais eu l'intention de l'abandonner à leurs poursuivants.

Son coeur bondit lorsqu'elle aperçut ses compagnons là où elle s'y attendait : sur le toit de l'immeuble, en cercle, à se raconter des histoires. Accéléra lorsque tous se tournèrent vers elle.

Et s'arrêta lorsque moqueries et insultes fusèrent vers elle comme seul accueil.

Xue resta figée, estomaquée. Puis croisa le regard du chef et y déchiffra le même mépris que la veille. Elle constata aussi avec horreur que le souffre-douleur attitré de la bande se joignait avec allégresse aux railleries et sifflements désagréables. Elle tomba à genoux, et comprit que son calvaire ne faisait en réalité que de commencer.