Je regardai le palefrenier préparer le cheval. L'heure était enfin venue. Après quinze ans de préparation, j'allais enfin pouvoir commencer le travail. J'étais prête. Il était plus que temps de passer aux choses sérieuses.
Je souris à Gallagher lorsqu'il me rejoignit. Nous restâmes côte à côte en silence, à regarder en contrebas les préparations pour mon voyage. La forêt qui me séparait du Grand Royaume était si épaisse, si noire, les cimes des arbres s'étirant vers le ciel comme des doigts aux ongles acérés. Je tentai de voir le haut des tours du château. Vainement. Il était bien dissimulé.
Le paysage autour du manoir des Marchetta était magnifique. Le manoir lui-même était superbe. Ils l'avaient fait construire par le Roi lorsqu'ils étaient encore dans ses faveurs. Ils n'avaient pas lésiné sur les moyens.
Sous mes doigts, la soie était douce et lisse, fraîche. Presque liquide. Je n'avais plus l'habitude de revêtir ce genre de tenues. Les tenues d'équitation et celles de combats étaient ce que j'aimais porter. Je n'étais pas l'une de ces femmes qui demeuraient engoncées dans des corsets, des froufrous. Je préférais les pantalons, les tuniques.
Malheureusement pour moi, je n'aurais sûrement pas l'occasion d'en porter souvent à la Cour. Je n'avais que plus hâte d'en finir. Même si mes tenues avaient été adaptées, brodées dans des tissus riches et brillants, elles n'en demeuraient pas moins des tenues qui passeraient sûrement mal à la Cour.
Le bruit caractéristique des bottes de Jon résonna derrière nous. Il prit ma main et me fit tourner, observant ma tenue. Je roulai des yeux. Pourquoi ne m'y étais-je pas attendue ? Il allait forcément vérifier que je correspondais à ce qu'il attendait de moi.
- Tu es magnifique, conclut-il.
- Merci.
- Tu sais que nous comptons tous sur toi.
- Je sais. Je ne te décevrai pas.
Il sourit et caressa mes cheveux avant de me tendre son bras.
- C'est l'heure, ma puce.
J'opinai vaguement en glissant ma main dans le creux de son coude. Il m'escorta jusqu'à l'écurie. Je n'avais pas besoin de son aide. Il le savait. Il agissait juste comme le père qu'il était devenu pour moi. C'était agaçant. Toutefois, je ne dis rien. Il y prenait plaisir et je ne me voyais pas le priver de cela alors que j'allais partir pour de longs mois.
Le palefrenier me tendit les rênes de Rosebird, déjà chargée du peu de bagages que j'emmenais avec moi. Tout serait envoyé par les Marchetta lorsque je serai installée au château.
Cette tenue d'équitation étant neuve, les coutures étaient raides, désagréables. Vivement que je m'en débarrasse.
- Tu as tout ce qu'il te faut ?
Je ne pus retenir un rictus.
- Toujours.
Je ne sortais jamais sans ma dague. Et il était parfaitement au courant. Après tout, c'était lui qui me l'avait offerte à mon dixième anniversaire. Elle ne m'avait pas quittée depuis.
- À bientôt, repris-je.
- Ne nous déçois pas. Tu connais ta mission.
Je ne cherchai même pas à répondre. Il ne cesserait de me le répéter jusqu'à ce que je parte.
Je talonnai ma jument, la faisant avancer au pas. Un peu plus loin, Patsy, Millie, Gaelen et Kellan attendaient de me voir passer. Une chance que je sois déjà en selle. Je n'avais pas à supporter les embrassades et les effusions.

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L'Assassin du Roi (Le Grand Royaume #1)
FantasyDepuis son enfance, Sixtine attend ce jour. Elle entre enfin à la Cour du Grand Royaume comme gouvernante de la Princesse Addy. Elle se rapproche du but de sa vie : tuer le Roi pour venger l'assassinat de sa famille. Mais assassiner un Roi n'est pas...