2 ~ Mauvais

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Je foulais depuis une dizaine de minutes, les yeux rivés au sol, la tête enfouie sous le capuchon de mon sweater, le sol pavé gardant les effluves de la fraîche pluie de la veille, que le soleil occulté par les nuages épais ne put sécher. Une petite voix me chuchotait de faire demi-tour et de revenir à la maison, passer l'après-midi sur Netflix, mais j'avais déjà séché tous les cours de la matinée, autant éviter un sale quart d'heure chez le proviseur.

Ce trajet, pourtant si familier, me paraissait inconnu. Cet itinéraire n'était plus le même maintenant que je le traversais seule. J'avais eu quelques vagues connaissances plutôt sympathiques quand mon frère était encore là. Maintenant, bien que la police m'ait relâchée et put prouver mon innocence, je n'étais plus que la "tueuse dépressive du lycée", et ce aux yeux de tout le monde.

Chaque pas que je faisais me donnait l'impression d'être une vagabonde. Pouvait-on errer quand on parcourait un seul chemin quatre fois par jour ?

Franchissant enfin l'entrée de ma salle de cours, toujours vide, je me dirigeai directement vers le fond de la pièce, n'ayant, et quelle chance, rencontré personne qui viendrait me casser les pieds. J'avais scrupuleusement évité de passer par la porte d'entrée principale, faisant le détour par les terrains, rien que pour éviter les regards.

Seule.

Seule au lycée, seule à la maison, mes parents étant presque tout le temps en voyage d'affaires, je ne parlais que rarement, ma propre voix devenait étrangère. J'avais la maison toute entière pour moi, mais je ne quittais pas pour autant ma chambre.

Seule, et perdue.

J'avais perdu mes repères. Toutes ces choses surnaturelles qui m'arrivaient... Aidan m'aurait comprise, aurait été là pour me guider. Mais il ne le pouvait pas. De là-haut, il ne pouvait que veiller sur moi, veiller sur sa petite sœur perdue et dans le doute constant, faisant abstraction de tout ce qu'elle n'arrivait pas spécialement à comprendre.

La journée se passa comme d'habitude, Green Day explosant mes tympans, m'efforçant à faire attention à mes cours. Et c'était justement pendant un cours de géo, que ma prémonition s'exauça.

On m'appela au bureau du proviseur, et dès que je franchis la porte de la classe, mes pas se furent lents et lourds et pesants. Deux agents en uniforme de police m'attendaient pour annoncer la nouvelle, mais je sus instantanément de quoi il en retournait. Je le sus à leurs yeux tristes qui semblaient chercher leurs mots. Je le sus à leurs esprits. Inconsciemment, je sondai leurs têtes, et je sus. Leur pensée fut mienne. Leur pensée me glaça le sang. Leur pensée me glaça d'effroi.

Puis, comme au ralenti, dans le silence accablant de la pièce, mon téléphone vibra dans ma poche, me faisant sursauter, élargissant mes yeux.

Non, pas encore...

De mains tremblantes, je le sortis, les yeux rivés à l'écran, ignorant l'un des officiers qui s'avançait vers moi. Un deuxième message s'affichait dans une conversation qui depuis un an n'en comportait qu'un seul. Similaire au précédent.

« Mission accomplie. »

Mauvais était un euphémisme comparé à la terreur qui m'engloutit alors. Ma respiration se fit frénétique alors que mon cœur rata un battement, ou deux, ou s'arrêta tout simplement de marteler ma poitrine.

Le scénario se répétait, la douleur se répétait, ainsi que, paradoxalement, le déni.

Le choc me vidait la tête. Ne laissant plus qu'une vision floue de mon entourage, des sons sourds, et l'impuissance. Je refusais d'y croire. Non, ce n'était pas possibles, ce que ces policiers pensaient ne pouvait pas être vrai. Ils devaient se tromper. Ils le devaient...

Esprit Vengeur |Terminé| (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant