Guilty Mind [PAUSE]

Questions [Kieren]

[Jeudi 3 mars]

-Non !

Brusqué, je fixai Jake qui s'enfuit à toutes jambes. J'avais voulus ouvrir la bouche mais ça s'était passé si vite.
Je me relevai lentement en fermant les yeux dans un soupir. La sonnerie retentit à nouveau, marquant la fin de la pause. Je ne savais ce qu'il lui avait pris mais j'espérais qu'il n'était pas parti trop loin.
J'aperçus Jason dans le couloir nord et je le rejoignis pour aller en cours. Je pris place, toujours la même et Jason se mit deux rangs devant moi. Pourquoi laisser cet espace ? Idiot, tu pensais à quoi en faisant ça ? Je m'assis, ne prenant pas la peine d'attendre les autres ou bien le prof. J'étais affalé sur ma table à jouer avec une mèche de cheveux quand je sentis une présence à côté de moi s'asseoir. Je crus d'abord que c'était Jake mais un frisson me parcouru. En lançant un regard en coin je vis un regard avide me fixer. Je détournai instantanément le regard. Ce type était flippant. Il me mettait mal à l'aise et c'était la première qu'un être humain avait cet effet sur moi. D'ailleurs, hormis lui et Jake, personne ne me faisait ni chaud ni froid. Bien que ce soit des cas différents. Je suppose que Jake restait de compagnie plus agréable. D'ailleurs, en parlant du loup. Il entra en lança un regard indescriptible à Shawn avant de prendre place devant moi. Je vis Jason se tourner avec une expression de "Tu piges ?" Sur le visage. Je grimaçai en reportant mon attention sur la nuque découverte de cette petite pomme. Dans cette position je ne pouvais pas regarder ses yeux, quel dommage.
Ce qui me fait penser que Jake m'avait caressé les cheveux en me regardant de ses yeux vert émeraude -et apaisant- juste avant de s'enfuir comme un voleur, je n'avais pas rêvé ? Tel un idiot, je me pincai et regardai mes mains. Dans un rêve, il est habituel que des choses soient modifiées. Comme le fait d'avoir six doigts au lieu de cinq. Négatif, c'était la réalité.
Devenait-il moins farouche ? Non ça, ça me concernait plus à vrai dire. Ma propre réaction, ou plus non réaction m'étonnait encore plus. D'abord surpris, je l'avais quand même laissé faire. J'avais apprécié ce moment, bien qu'assez court.
Ne voulant plus trop y penser de peur d'avoir des idées farfelus faisant irruption dans ma petite tête, je me calai contre le mur et me fit une sieste.
Sieste qui dura toute l'heure. Je me sentais encore plus fatigué et mou que si je n'avais pas dormi. Les siestes c'était franchement pas une bonne idée. Je pris mon sac et suivis Jason, oubliant même que Jake était juste devant moi.

-Mec, t'es à moitié mort ou quoi ?
Hein ? Je marchai en regardant mes pieds, complètement ailleurs.

-Oh ! Kieren Green !

-Bah quoi ? Dis-je naturellement en relevant la tête vers lui.

-On dirait que tu dors debout. Ça va pas ?

-Parfaitement bien. Je réfléchis juste. Ou peut être que j'aurais pas dû dormir pendant le cours, répondis-je en baillant.

Je l'entendis soupirer et laisser un petit rire sortir avant qu'il n'ouvre la porte du CDI. Je le suivais toujours. On aurait dit un petit chien mais pour une raison que j'ignorais, contrairement à d'habitude, je n'avais pas l'intention de sortir une remarque désagréable. C'était étrange, je me sentais à moitié endormi, mon corps bougeait de lui-même.
Nous nous assîmes à une table cachée par une bibliothèque. Mais je me relevai aussitôt et me mis dos au mur.

-Qu'est-ce que tu fais encore ? Le blond arqua un sourcil.

-Je sens que si je m'affale sur cette table comme en cours je vais m'endormir à nouveau et j'ai déjà assez l'esprit et le corps dans la semoule.

"Dans la semoule". Ça ne voulait rien dire. Je me contentai de soupirer et m'écarter du mur pour faire les cents pas autour de la table. Je comptais chacun de mes pas quand quelqu'un me sauta sur le dos et me fit asseoir.
Des cheveux bleus me passèrent sous le nez avant qu'elle ne relève ma tête par le menton. Ses lèvres affichèrent le même rictus que les miennes faisaient quand j'étais satisfait avant qu'elles ne viennent se déposer délicatement sur les miennes. Sur le coup, aucune réaction de ma part ne se produisit, en revanche, Jason qui buvait, s'étrangla presque ainsi qu'un bruit derrière moi. Comme si quelqu'un s'était cogné la tête contre la bibliothèque. Tandis qu'Amy tapait dans le dos son frère en rigolant, je jetai un regard. Deux points verts me dévisageaient. Mes propres yeux s'écarquillèrent. Mais pas de surprise. J'étais moi-même en train de réaliser que ma petite pomme verte venait de voir une fille m'embrasser si naturellement qu'une conclusion hâtive pouvait facilement être faite. Qu'Amy et moi étions ensemble. Or, la personne que je voulais m'approprier c'était lui. En voulant me lever pour le rejoindre, mes jambes succombèrent, me laissant me manger le sol en pleine face. Je grognai, soudainement énervé et inquiet. C'était trop tard, quand Jason me releva, Jake avait filé sans demander son reste.
Aussitôt je me sentis sombrer, sans même pouvoir lutter, je laissai les ténèbres me submerger.
En me réveillant, je reconnus le plafond bien que flouté. Ma chambre. Ma maison. Alors que j'étais au lycée, au CDI, il n'y a pas, ce qui me semblait être, une minute.
Je tâtai mon chevet à la recherche de mes lunettes. Ah. Ça m'était encore sorti de la tête que je ne les avais toujours pas retrouvées. Je me posai franchement la question sur l'endroit où elle pouvait être fourrées. J'allais devoir retourner chez l'opticien si ça continuait. D'ailleurs, qui avait retiré mes lentilles ?
Les lentilles étaient plus pratique, certes, mais plus désagréable et mes lunettes étaient un peu comme encrées dans mon "style" en quelque sorte. Je me voyais mal ne plus en mettre pour le restant de ma vie. Je voulus me relever mais une violente douleur se propageant dans tout mon corps mais principalement ciblée au niveau de mon crâne, se fit ressentir.
Je me mis à sortir des injures de tous les genres en me rappelant m'être écroulé devant Jake sans pouvoir lui tenir une quelconque explication à propos de ce baiser. D'ailleurs pourquoi avait-elle fait ça ? Il est vrai qu'elle avait l'air d'agir sur des coups de têtes mais quand même.
J'entendis les marches de l'escaliers craquer, ce qui me fit sortir de ma réflexion. Peut être était-ce Jason qui m'avait ramené à la maison et avait attendu que je me réveille.

-T'es encore là, idiot ? Lançai-je avec une petite voix.

Je m'attendais à entendre la voix rieuse et forte de mon ami mais la réponse que je reçus se fit entendre d'un tout autre ton. Une voix grave et puissante.

-En effet. Ou plutôt devrais-je dire, je suis de retour.

Au lieu du gabarit de nageur de Jason et de ses cheveux blonds, un homme habillé en costard avec des cheveux noirs plaqués sur le crâne dépassa le pas de la porte. Je me sentis pâlir.

-Bonjour, fils.

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Raphaël.