Breath again [Amy]

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[Lundi 13 mars]

J'ouvris mes yeux simulant presque la fatigue. J'avais fermé les yeux pendant un certain temps mais je n'avais pas dormi une seule seconde.
En principe, dans ces cas là, je traîne sur des jeux vidéos ou je lis des mangas toute la nuit, mais cette fois, c'était juste mon cerveau qui était en effervescence. Rassurez-vous, j'étais loin de m'épuiser à réfléchir sur un quelconque sujet de cours ou une interro. Juste Kieren. Enfin, "juste" semblait être un euphémisme. Le plus perturbant chez lui ce n'était pas qu'il cachait son véritable visage, ça, tout le monde le fait et moi la première, mais il le faisait d'une manière trop... Comment placer des mots dessus ? Évidente? Non ça ne l'était quasiment que pour moi. Dérangée serait le mot adéquat. C'était comme s'il cherchait à se cacher tout en s'auto détruisant. Une chose que je faisais aussi cela dit. Mais encore une fois, sa façon de le faire était plus déconcertante, plus perverse. Mais n'étais-je pas la plus perverse d'y trouver quelque chose de séduisant?
On pouvait presque me qualifier du parfait cliché de l'adolescente suicidaire et dépressive. Faire semblant toute la journée, en présence des autres, être quelqu'un de frivole et désordonné, ne prenant rien au négatif alors que c'était tout le contraire. J'étais silencieuse, emprisonnée dans ma propre prison qu'était mon esprit. Mes propres pensées me torturaient à longueur de temps, s'acharnant chacune à leur tour afin de ne jamais me laisser un moment de répit.

-Bien joué les filles, c'est réussi, fis-je à voix haute.

J'entendis la voix rauque de mon frère me demander si je l'avais appelé.

-Non, je descends bientôt.

Jason... C'était l'unique raison pour laquelle je continuais de faire semblant plutôt que de mettre fin à toute cette mascarade qu'était mon existence. Si vous vous demandez ce qui a bien pu m'arriver pour que je me mette à penser ainsi, c'est simple : je suis venue au monde. Est-ce qu'on demande au fœtus s'il veut vivre ? Évidemment que non, on ne peut pas mais si l'on pouvait, le choix serait une décision égoïste des parents.
"Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde ? Pourquoi ci, pourquoi ça"
Ai-je demandé à me retrouver sur ce caillou ennuyeux et morbide entourée d'insectes grouillants? Pas aux dernières nouvelles. Et je ne suis même pas capable de franchir le pas. Parce que je ne peux tout bonnement pas faire ça à Jason. C'était le seul qui a toujours été là, patient, cherchant à m'aider sans pour autant m'oppresser encore plus. À contrario de mes parents et de mon entourage.
Les humains ne sont pas tous fait pour vivre. Certains survivent en attendant de réussir à vivre et d'autres, comme moi, attendent un miracle. Mais plus un miracle dans le genre de se faire malencontreusement écraser par une voiture et d'en mourir sur le coup. Parce que tenter de se suicider, que ce soit par accident comme citer au dessus ou volontairement, et se rater, c'est bien pire. Même si ça arrivait, Jason ne poserait probablement aucune question gênantes mais mes parents eux c'était une autre histoire, ma vie serait empirée alors autant ne rien faire. Ouais, voilà, ne rien faire, c'était ce que je faisais de mieux.
Seulement, je n'avais jamais envisagé de rencontrer quelqu'un comme Kieren. Jason l'avait "engagé" contre je ne sais quoi en échange pour m'aider en quelque sorte ou m'apporter un support, mais je ne pense pas qu'il se soit douter un seul instant que celui-ci était dans un état bien plus critique que le mien.
Je poussai un long soupire avant de me préparer en vitesse et de descendre.
Je pris un pain au lait et une barre de chocolat que j'enfournai dans ma bouche en lâchant un regard en direction de Jason. Il me semblait qu'il avait perdu un peu de muscles depuis quelques temps. En fait, depuis qu'il traînait avec Kieren il avait en quelque sorte changé. En mieux ou pire?
Je montai dans sa voiture et il nous amena en cours.
En arrivant, je m'empressai d'afficher un grand sourire avant de descendre et de rentrer dans le lycée en sautillant comme à mon habitude. Je n'avais pas cours de la matinée, je comptais juste traîner à la bibliothèque jusqu'au repas.
La femme de l'accueil me vit passer le pas de la porte et me lança un grand sourire chaleureux. Elle a toujours eu l'air de bien m'aimer, pour quelles raisons d'ailleurs? Mon intérêt pour les bouquins? Ma fausse joie de vivre? Ou bien encore mes cheveux bleus?
Je choisis une rangée au hasard et plutôt que de chercher un bouquin, je me mis à les ranger correctement. Par là je veux dire, les ranger par taille. Ça m'avait toujours perturbée qu'ils ne soit pas ranger par taille dans les étagères.
Je dus faire ça pendant un certain temps puisque j'entendis la sonnerie retentir, peut être pour la deuxième fois, je n'avais aucune idée de combien de temps ça m'avait pris.
Quelques instants après, je sentis un regard se poser sur moi. En relevant la tête, je vis un brun ténébreux avec des lunettes. Kieren.
Je vins déposer mon coude sur son épaule comme de vieux amis et lui lançai un regard en coin, fixant le sien, avant que celui-ci ne dérive vers son cou. Un suçon? J'esquissai un sourire en coin. Je n'étais donc pas la seule à m'occuper de lui ou à lui rendre des services corporels?
Je retournai m'asseoir en tailleur par terre et il me rejoigna. Je le laissai entamer la conversation, sachant déjà de quoi il allait me parler.

Guilty Mind [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant