Chapitre XVII

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Chapitre XVII : Bran

PDV ALICE

J'en peux plus bordel. Je marche très rapidement jusqu'à la salle de boxe. Ça fait dix-huit putains d'années que je mène ma vie, et j'ai jamais été aussi mal.

J'accepte son alcoolisme. J'accepte ses coups. J'accepte ses mots horribles. J'accepte de rembourser ses dettes tant qu'elles sont bénignes.

Mais il y a deux choses que je n'accepterai jamais. La première, que l'enfoiré d'alcoolique qu'il est touche à ma raison de vivre, de survivre même. Mélissa.

Et la seconde, qu'il touche à la drogue. Qu'il n'entre pas dans ce monde affreux que j'ai visité. De plus par sa faute.

Et ce matin, il a enfreint ces deux règles primordiales.

Quand je me suis réveillée à cause des hurlements de peur à vous glacer le sang de ma petite sœur, je jure que j'ai voulu me réveiller. Je jure que j'ai voulu que tout ça ne soit qu'un effroyable cauchemar.

J'ai alors senti une douleur aiguë me transpercer le dos. Je n'arrivais plus à respirer correctement. La sueur commençait à couler sur mon front et mes mains saignaient, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes.

Je suis sortie de ma torpeur brusquement et aie couru jusqu'au salon. Là, une vision d'horreur s'est offerte à moi : le corps si frêle de ma petite sœur roué de coups par mon père, complètement défoncé.

J'ai accouru pour la protéger. J'ai plaqué mon père au sol, il s'est évanoui sur le coup. Mais je n'en avais rien à faire. Ma petite chérie sanglotait, seule, recroquevillée sur elle-même.

Je l'ai serrée tout contre moi et de ses petites mains, elle a agrippé mon haut de pyjama. En plus de mon teeshirt, elle pinçait très fortement ma peau.

Mais cette douleur là n'enlevait pas le poids insoutenable qui comprimait mon cœur. En posant mon menton sur son crâne, j'ai vu de la poudre blanche sur la table basse du salon.

Ma colère s'est ravivée instantanément et j'ai serré les dents à m'en briser la mâchoire. Il avait osé.

J'ai ensuite pris Mélissa et je l'ai soignée. Ça allait, elle n'avait que quelques blessures superficielles. Je n'ose pas imaginé ce qu'il se serait passé si j'étais arrivée ne serait-ce qu'une minute plus tard.

Mélissa est maintenant au centre de loisirs. Je la sais en sécurité alors je n'ai qu'une envie : me défouler sur une personne bien vivante.

Quand j'arrive à l'entrée, Bernie n'est pas là. J'ouvre donc la porte et traverse le couloir sans faire de manières. Quand je passe devant le bureau de Charlie, j'entends des cris semblant provenir de personnes particulièrement énervées.

Toujours autant à bout, je rentre sans prévenir. Charlie et son fils, Bran se crient mutuellement dessus :
– Je t'ai dit de ne plus les fréquenter ! hurle Charlie.

Bran répond à son père :
– Tu ne peux pas me dicter ma vie !! Tu n'as pas ton putain de mot à dire sur mes amis !
– Tu vas redescendre très vite ! Et si, j'ai mon mot à dire sur chaque chose insignifiante que tu fais, je suis ton père !

Ils semblent enfin s'apercevoir de ma présence. Ils ont l'air tellement énervé tout les deux. Charlie souffle bruyamment et s'installe à son bureau.

– Bonjour Alice. il prononce plus calmement, à présent.
Je lui réponds d'un hochement de tête compatissant.

Bran n'a pas arrêté de me dévisager depuis qu'il m'a vu.
Il dit, totalement méprisant :
– Qu'est-ce que tu fous là, la muette ?
– Bran, tais-toi. dit son père dont le visage commence à se re-crisper.

Je regarde Bran de haut en bas. Il a grandi, c'est maintenant un beau jeune homme de seize ans. Il a coupé ses cheveux bruns et ses muscles se sont développés.

Je plonge mon regard dans le sien, d'un noir triste. Mes yeux sont froids, impitoyables. Il est comme mon petit frère, et je n'apprécie pas son manque de respect envers son paternel et envers moi.

Je vois un paquet qui dépasse de sa poche : de l'herbe. Je vois rouge. Trop de drogue pour une seule journée. Je me dirige vers lui d'un pas rapide et prends le sachet dans sa poche. Il allait contester, mais mon regard l'en dissuade.

Je jette le paquet dans la poubelle du bureau de Charlie. J'attrape Bran durement par le poignet. Tu veux jouer dans la cours des grands ? Bien, allons-y.

Une fois dans la salle, je prends deux paires de gants et en balance une sur le ring, où mon «petit frère» m'attend. J'enfile les miens pendant qu'il fait de même, un peu déboussolé. Pourtant, il ne proteste pas. Nous ne nous sommes pas changés.

Les gens s'arrêtent autour de nous pour observer le combat. En face de moi, Bran commence à sautiller. Quand il s'approche de moi, je lui balance un crochet du droit, suivi d'un coup de genou dans le foie. Il crache et recule, pour encaisser.

J'ai la haine et il le sent. Il me saute dessus et m'envoie une droite. Je l'esquive et lui donne ma gauche. Son pied droit me touche sur mon flanc gauche. Je sens une douleur se raviver. Mon père m'a coupé ici, hier. Mon teeshirt trop grand se teinte de rouge.

Je vois ses yeux s'écarquiller imperceptiblement et j'en profite pour lui mettre un uppercut qui le met KO.

– Putain ! son hurlement résonne dans la salle. Il frappe le sol de son poing.

Je sors un papier de ma poche et je lui écris : «Tu arrêtes de fréquenter ces amis dont tu parlais. Tu arrêtes de consommer. Et respecte ton père. Tu pourras te permettre d'être condescendant quand tu me battras.»

Je le laisse tomber sur le sol du ring au moment où je sens mes pieds se détacher du sol. Il est là.

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