Chapitre XIX

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Chapitre XIX : Incompréhension

PDV ALICE

Je ne comprends pas. Depuis que nous sommes partis de la salle, son visage est fermé, totalement dénué d'expressions positives.

Il a la mâchoire contractée et les jointures de ses mains apparaissent très clairement alors qu'il tient fermement - presque violemment - le volant.

Au début, je ne lui jetais que quelques regards en coin. Mais son état m'intrigue, et je le dévisage maintenant sans m'en cacher.

Ses cheveux bruns sont en bataille, ses sourcils froncés, lui donnant un air contrarié. Ses lèvres sont pincées, ne faisant qu'accentuer son air énervé.

Et surtout, ses yeux sont sombres, plus noirs que je ne les avais jamais vu. Même s'ils ne sont pas limpides habituellement, on distingue quand même clairement sa pupille. Là, elle est complètement fondue dans la colère de ses yeux. Et pourtant, je jurerais de voir des flammes danser dedans.

Mais heureusement, ce n'est pas moi qu'il regarde, même si sa haine semble m'être destinée.

Et inconsciemment, je commence à trembler. Parce que j'ai peur, il me fait peur. Je connais ce regard par cœur.

Je me tasse un peu plus dans mon siège. Les bruits que je fais en bougeant semblent le sortir de sa paralysie due à son énervement puisqu'il me regarde rapidement.

Je détourne instantanément mon visage. Et malheureusement et contre ma volonté, mon corps semble décider à ne pas s'arrêter de trembler. C'est à mon tour maintenant, d'être paralysée. Mais moi, c'est de terreur que je le suis.

Va-t-il me frapper ? Cette question me taraude. Pourquoi s'en empêcherait-il ? Il semble bien plus fort que moi. À cette pensée, mes yeux se remplissent de larmes. Seigneur.

J'entends un long soupir. Les paroles de maman me reviennent en mémoire alors qu'une main se dépose délicatement sur mon avant-bras.

Tous les muscles de mon corps se tendent brusquement, comme soudainement animés d'une même volonté. Gaine toi, ça fera moins mal.

J'ose enfin croiser son regard et se que je découvre dans ses yeux me surprend. Ils sont empreins d'une infinie douceur, et d'une grande culpabilité.

– Pardon. il murmure. Je ne voulais pas te faire peur. Mon énervement est stupide et tu n'en es pas directement la raison.

Il continue de me regarder dans les yeux, comme pour s'assurer que je comprenne bien ce qu'il me dit. Le nœud dans ma gorge semble se défaire et un frisson de soulagement me parcourt l'épiderme.

Je dois m'être décrispée puisqu'il sourit doucement. Mais son regard reste triste, et j'y aperçois encore des étincelles. Pourquoi "pas directement ?"

Un bruit de klaxon retentit et je me rends compte que nous étions arrêtés à un feu rouge depuis tout ce temps. Baptiste s'en fiche éperdument et continue de me regarder.

Sa main émet une légère pression sur mon avant-bras à laquelle je réponds par un léger sourire.

Pourquoi es-tu triste ? Pour quelle raison es-tu toujours énervé ? Ces questions me brûlent les lèvres. Mais j'ai fait vœu de silence. Je ne parlerai pas.

Il regarde à nouveau la route devant lui, ayant l'air de réfléchir en tournant et retournant une même situation dans sa tête. J'aimerai l'aider comme il m'a aidée précédemment, mais comment ?

La voiture s'arrête brusquement. Je regarde où nous sommes et je ne reconnais pas l'endroit. Une petite maison se dresse devant nous.

Baptiste n'arrête pas le moteur et sort précipitamment. Hein ? Qu'on m'explique là. Il fait le tour de la voiture et me fait signe de baisser ma vitre. Je le fais, il me dit :
– C'est chez moi, j'en ai pour deux minutes. Attends moi là, j'arrive ok ?

Je hoche doucement la tête et il part juste après. Je l'observe déverrouiller la porte et s'engouffrer dans la demeure.

Comme il me l'a dit, il est là deux minute plus tard, une petite boîte dans la main. Il entre dans l'habitacle et me la tend. Il est écrit «anti-douleur» en noir sur la boîte en carton jaune. Je le regarde, ne comprenant pas.

Il fait avancer la voiture et explique calmement :
– Tu dois avoir mal suite à ton combat.

Il appuie sur ces quatre derniers mots, l'air de me dire encore une fois qu'il sait. Malgré ça je lui souris, reconnaissante.
– Ouvre le sac devant toi tu trouveras une bouteille d'eau.

Je suis ses directives et attrape la bouteille. J'avale deux cachets. Du coin de l'œil, je le vois sourire, satisfait. J'appuie ma tête sur le siège et je ferme les yeux. Comment Papa va-t-il se comporter ce soir ? Heureusement, ma sœur n'est pas là, elle dort chez une amie pour la semaine. Juste le temps que Papa se calme. J'ai peur.

La voiture s'arrête de nouveau, mais cette fois je suis devant chez moi. Je referme mes paupières quelques secondes me préparant psychologiquement à voir le cadavre ambulant qu'est mon père.

J'ouvre ensuite ma portière, prête à descendre. Juste avant que je la referme, Batiste me lance la boîte de médicament.

Je le remercie d'un hochement de tête et d'un petit sourire qui, je le sens, n'atteint pas mes yeux. Il fronce légèrement les sourcils mais je me retourne pour partir avant qu'il puisse me poser une quelconque question. J'entends la voiture redémarrer.

Quand je rentre chez moi, l'odeur nauséabonde agresse mon odorat. Un ronflement sourd parvient de suite à mes oreilles. Hors de danger pour l'instant, je décide de monter prendre une douche.

Je monte doucement les escaliers, de peur de réveiller le monstre ronflant quelques mètres plus moins. Je passe rapidement par ma chambre pour prendre des sous-vêtements, des chaussettes et un survêtement.

Je rentre dans la salle de bain et fais couler l'eau dans la cabine pour la chauffer. Je me déshabille alors, lentement pour ne pas souffrir de mes blessures. Je regarde le reflet que me renvoie le miroir.

Les muscles trop saillants, un corps trop maigre recouvert de blessures diverses et de cicatrices. Un visage triste entouré de cheveux bien trop longs et tous emmêlés. Des yeux vairons vides, ne reflétant que les profondeurs de mon âme, vide elle aussi. De toutes petites tâches de rousseurs à peine visibles, me donnant un air insouciant. Des pommettes hautes. Et la bouche déformée par la haine, la rancoeur et le désespoir. Je suis laide, véritablement.

Je détourne le regard, ne pouvant supporter cet horrible spectacle plus longtemps. Je rentre dans la cabine de douche et mes muscles se détendent presque instantanément au contact de l'eau chaude. C'est agréable.

Je reste plusieurs minutes à penser puis me lave et me rince. Je sors. L'eau m'a fait le plus grand bien, je me sens purifiée. Je m'habille doucement, faisant toujours aussi attention à mes blessures. Je me sèche les cheveux avec ma serviette déjà trempée. Je me brosse les dents, histoire d'être entièrement propre.

Mais dès que je sors de ce havre de paix, l'Enfer me rappelle. Mon père me saute dessus et me roue de coups, tous plus violents les uns que les autres.

Je hurle de terreur avant de me taire, par habitude sûrement. Les larmes me remontent aux yeux quand je repense à lui dans les bras de ma mère. Elle le rendait heureux. Il la rendait heureuse.

Au bout de quelques minutes, il semble lassé et me donne un dernier grand coup de pied dans l'abdomen avant de repartir titubant, une bouteille de Jack Daniels à la main.

Je reste plusieurs secondes à contempler le plancher, dévastée, puis je me lève, ayant peur qu'il change d'avis et décide de revenir brusquement.

Je me précipite dans ma chambre. Je prends un sac qui traînait et je me dépêche de fourrer des habits dedans. Je le ferme et j'entreprends de descendre les escaliers sans faire de bruits.

L'opération réussit et j'ouvre la porte d'entrée tout aussi discrètement. Une fois dehors, je cours vite sans m'arrêter : je fuis, je le fuis. Je cours le plus vite possible en ne pensant qu'à m'éloigner de ce monstre assoiffé de mon sang et de ma douleur.

Je m'arrête, fatiguée. Et alors que je reprends mon souffle, je remarque que je reconnais cet endroit. Je suis devant chez lui.

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Ce chapitre est plus long que d'ordinaire, j'espère qu'il va vous plaire. Merci pour vos "j'aime", vos commentaires et votre soutien !
Bisous,
Morgane

MuetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant