Chapitre 13

225 20 7
                                    

Malheureusement, le « demain à 15 heures » est arrivé plus rapidement que prévu et je me retrouve bêtement assise près de Theo, à répéter mon texte et préparer mon jeu. Si l'on considérait le fait que jouer avec Theo me faisait peur, alors ceci devant tous les comédiens de la pièce me terrifie.

Je respire lentement pour tenter de me calmer la course qui se fait dans mon thorax, mais en vain. Pourquoi est-ce que je m'emballe ainsi ? J'ai dix-neuf ans, je ne suis plus une gamine, et pourtant je me comporte comme telle. J'inspire et expire une dernière fois avant de me lever. Au diable mes sentiments d'antan, j'ai grandi !

Lorsque je monte les marches je ne peux détourner mon regard de Theo. Il arbore ce sourire en coin indécent qui pourrait presque me faire succomber. Mais je reste impassible. Impassible devant ses yeux verts qui me scrutent, impassible devant les boucles blondes qui tombent négligemment sur son front. Impassible.

La fascination que je pourrais éprouver envers lui me rappelle seulement celle qui m'avait gagnée lorsque je l'attendais ce soir-là. Il a l'air innocent néanmoins je sais, moi, de quoi il est capable. Cependant lorsqu'il me prend la main toutes mes résolutions se retrouvent réduites à néant.

- Si j'ai profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, je suis prêt à une douce pénitence : permettez à mes lèvres, comme à deux pèlerins rougissants, d'effacer ce grossier attouchement par un tendre baiser.

Les yeux plongés dans les siens, je prononce, avec le souvenir discret de ma prestation avec Andy, les paroles de Juliette. Mêmes intonations, mêmes paroles, mais le regard en plus. John est véritablement un génie car le fait d'avoir joué avec des partenaires différents nous a complètement débloqués. Au fil des jours je sens en moi Juliette qui naît. Que ce soit avec un Romeo à l'apparence d'Andy ou de Theodore, Juliette est complètement fasciné par son ennemi juré. Mon ennemi juré.

- Les saintes n'ont-t-elles pas de lèvres, et les pèlerins aussi ? me lance-t-il d'un ton innocent.

- Oui pèlerin, des lèvres vouées à la prière.

- Oh ! Alors, chère sainte, que les lèvres fassent ce que font les mains. Elles te prirent ; exauce-les, de peur que leur foi ne se change en désespoir.

J'ai beau savoir qu'il s'agit bien de Theo qui se tient devant moi et récite seulement son texte, pourtant ses paroles résonnent en moi et me font littéralement trembler, allant jusqu'à m'hérisser tous les poils. Mon cœur frappe si fort contre ma poitrine qu'il ne serait pas étonnant que John puisse entendre ce tambourinement depuis son siège à cinq mètres de là.

- Les saintes restent immobiles, tout en exauçant les prières, lancé-je d'une voix étouffée.

- Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l'effet de ma prière.

Mon regard est plongé dans ses iris émeraude. Il sait que je l'attends et un des coins de sa bouche se soulève en un rictus. Les battements de mon cœur sont douloureux tant ils sont rapides. Je sens mes joues qui chauffent et rougissent à vue d'œil alors que ses yeux s'attardent sur ma bouche. J'ai l'impression qu'il a prononcé sa dernière réplique il y a une éternité mais je suis contrainte à l'attendre. S'il pense me faire craquer en me faisant languir il se trompe sur toute la ligne.

Au haussement de sourcils qu'il m'adresse j'en déduis que Theo a entendu mon soupir. Il semble faire une chaleur étouffante lorsque je m'aperçois que la tête de mon Romeo se rapproche dangereusement. Son souffle chaud caresse mon visage délicieusement lorsqu'il n'est qu'à quelques centimètres. Il pourrait m'embrasser à cet instant précis seulement je perçois une once d'hésitation. Minuscule et presque imperceptible, mais réelle. De quoi a-t-il peur ?

Surprise : Je t'aime ! [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant