Chapitre 23

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Depuis environ vingt minutes Theo et moi sommes remontés dans le canoë jaune. Ce matin personne n'osait prononcer un mot tant c'était électrique, puis un peu plus tard les disputes ont éclatées, laissant ensuite la place aux confessions. Cela a été plutôt intense l'un comme pour l'autre mais heureusement l'atmosphère est devenue bonne enfant et propice aux fou-rires.

— Franchement princesse, comment t'as pu sortir avec lui ? me demande Theo avant d'éclater de rire.

Je mets un instant avant de comprendre qu'il parle de Sean, et non de Andy. Malgré tout je garde à l'esprit qu'il pense la même chose de mon petit ami...

— Il n'est pas si bête qu'on le pensait tu sais !

Je marque une pause ne croyant pas moi-même ce que je venais de dire. Pourquoi étais-je sortie avec lui ? Je ne m'en ai pas vraiment la réponse. Tout à coup je me rends compte d'une chose : je ne me souviens même plus comment cela s'est passé.

— Il est bien foutu surtout, déclaré-je enfin avant d'éclater de rire.

Voilà la seule raison je crois et je n'en suis pas fière.

— Tu me déçois princesse, je t'imaginais moins superficielle !

Nous sommes partis dans un fou-rire sans fin. C'est tellement bon de passer du temps avec lui, tout simplement. Il n'y a pas de prise de tête, rien à penser, tout est simple. L'un taquine l'autre et vice-versa.

— Tu serais sorti avec une moche toi ? le taquiné-je avec bon cœur.

Je le vois hausser les épaules tandis qu'il pagaie. J'ai la certitude qu'il en serait incapable. À partir de nos quatorze ans, Theo a commencé à enchaîner les filles, plus superficielles les unes que les autres. Je me souviens l'avoir vu se confier qu'il ne les voyaient uniquement car elles étaient canons. C'était sa seule raison pour voir des filles.

— Si c'était une fille extraordinaire, oui !

Je pouffe légèrement. Il a beau mettre toute la conviction qu'il veut je n'en crois pas un mot.

— Vraiment ? insisté-je.

Je sais pertinemment que ce n'est pas le cas. Je le connais trop bien... Enfin peut-être a-t-il changé ? Après tout il a changé physiquement : il a pris vingt centimètres, s'est épaissi musculairement parlant...

— Oui bon d'accord si elle était moche je ne pourrais pas !

Nous sommes repartis dans un fou-rire. L'un comme l'autre sommes monstrueusement superficiel visiblement...

J'aimerais que ce moment ne cesse jamais. Lui et moi, isolés et si proches... J'ai l'impression d'avoir fait un saut dans le temps. Finalement à n'importe quel âge nous avons conservé notre âme d'enfant car tout est exactement pareil qu'il y a quatre ans et bien plus encore.

— Tu n'as jamais eu envie de retourner à la maison ?

M'interrompant dans mes pensées au début je ne comprends pas où il veut en venir. De quelle maison parle-t-il ?

— Chez nous je veux dire, enfin maintenant avec ton père quoi...

Encore une fois c'est comme s'il lisait dans mes pensées. Je me souviens qu'être nous cela a toujours été ainsi.
Je réfléchis à ce qu'il vient de me dire. Moi, retourner chez mon père ? Pour quelle raison ? Je secoue la tête en sachant pertinemment qu'il ne me voit pas.

— Pourquoi voudrais-tu que j'y retourne ? demandé-je calmement.

Il marque un temps avant de répondre.

— Je sais pas moi, pour tes parents aussi pour la fameuse Eva...

Voyant que je ne compte pas céder il décide de changer de sujet.

— Tu es restée amie avec Emmy et Judy ?

C'est incroyable quand on pense. Je suis partie de chez moi dans l'idée de tirer un trait derrière mon passé et recommencer une nouvelle vie et me voilà qui retrouve Theo. Finalement tout est pratiquement comme nous l'avons laissé, avant de partir l'un comme l'autre avions en tête le fait de partir conquérir New-York à nous deux et même si nous avions prévu de le faire indépendamment, nous décrochons les deux rôles phares d'une pièce de théâtre. Ensembles.

— Oui, c'est grâce à elles que je suis sortie de ma dépression elles ont été incroyables avec moi.

Il hoche la tête mais ne prononce pas un mot. Je sens que ce sujet est douloureux pour lui. Il a l'impression d'être coupable.

— Arrête, soufflé-je agacée.

Il s'arrête de pagayer et se retourne les yeux écarquillés.

— Pas de pagayer imbécile, pouffé-je. Arrête de t'en vouloir pour rien.

Il plonge ses iris dans les miens comme pour déceler si au fond de mon être une petite part de moi lui en voulait, mais se ravise.

— On a perdu tant d'années par ma faute...

— Non, de ma mère Théodore, le coupé-je d'une voix volontairement dure.

Il se retourne et nous continuons de pagayer.

— Ne m'appelle pas Théodore, on dirait ma mère.

Je m'esclaffe. En effet sa mère a toujours eu l'habitude de l'appeler de son nom entier.

— Ce dîner avec tes parents va être bien plus sympa que ce que je l'imaginais ! commencé-je amusée. Je nous voyais déjà, feintant s'adorer alors que je ne supportais pas de te voir !

— Au moins tu aurais prouvé que tu es une bonne comédienne ! suggère Theo tout en pagayant.

— J'en aurais été incapable surtout ! avoué-je.

Je commence à sentir mes bras et c'est très douloureux. Lorsque Theo s'en rend compte il me suggère de le laisser faire. Nous décidons alors d'échanger nos places et cette fois-ci aucune catastrophe ne se passe.

Je regarde les paysages autour de moi tout en somnolant. Tout comme les autres certainement j'étais tellement concentrée sur le fait de pagayer que j'en oubliais les beaux paysages autour de moi. L'eau est claire, le ciel est d'un magnifique bleu... Et autour de nous d'énormes rochers délimitent le court d'eau. J'aimerais rester ici éternellement...

— Princesse, tu es sûre que tu ne veux pas retourner même provisoirement chez ton père ?

Je me retourne pour me trouver face à lui et secoue la tête. C'est hors de question que je revienne.

— Pourquoi ?

Je sais très bien qu'il a regretté d'être parti, alors il veut m'éviter de faire la même erreur... Pourtant je ne me vois pas y retourner.

— Je n'ai pratiquement personne là-bas... Mon père était de plus en plus imbuvable avec moi et de toute façon je ne vois plus ma mère depuis de nombreuses années...

— Et pour ce pratiquement ? insiste-t-il.

— Ce pratiquement ne vaut rien en comparaison de ce que j'ai ici ! Je t'ai toi, j'ai Alia, mon boulot et la pièce avec le grand jour qui approche...

Je n'ai même pas pensé à Andy. Il m'était totalement sorti de l'esprit. Je me demande ce qu'il adviendra de notre couple. Que se passera-t-il lorsqu'il verra que je me suis réconciliée avec Theo ? Finalement la seule chose qui me rapprochait de lui était notre haine mutuelle envers mon meilleur ami...

— Je pourrais t'accompagner... me suggère-t-il.

Je n'ai pas à penser à Andy maintenant. Il faut que je profite de cet instant privilégié. Et puis ce que Theo me propose n'est peut-être pas une si mauvaise idée... Seulement je ne me sens pas encore prête.

— Les contacter, oui mais y retourner peut-être pas...

Nous décidons alors qu'après ce voyage, je contacte tout d'abord Emmy et Judy, les seules qui pourraient me manquer, et peut-être ensuite mon père... Mais selon mon humeur.

Surprise : Je t'aime ! [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant