Chapitre 18

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Je trouve Ben dans l'écurie, en train d'essayer de seller un cheval. Même avec deux bras valides, ce n'est pas facile. Mais, gêné par son plâtre, il ne parvient qu'à énerver l'animal.

En jurant, il laisse tomber la selle et s'éloigne. Des larmes coulaient sur ses joues. Quand il me voit, il s'arrête net et essuie ses yeux avec sa manche.

— Je vais t'aider à t'occuper de lui, dis-je.

— Je ne veux pas de ton aide !

— Nous devons parler...

— Va au diable !

Sans rien dire, je m'approche de mon fils et pose une main sur l'épaule.

— Écoute Ben, je sais que je...

Il rejette ma main et s'écarte.

— Menteur ! crie-t-il les poings serrés. Tu n'es qu'un menteur !

Pendant une seconde, j'ai cru qu'il allait me frapper.

— Vas-y, dis-je doucement. Si ça peut te faire du bien, si ça peut soulager un peu le mal que je t'ai fait, n'hésite pas.

Ben lève le poing. Puis il laisse retomber son bras et s'éloigne en sanglotant.

Je le regarde partir, le cœur brisé. Puis je ramasse la selle et la pose sur la barre. Je suis en train de tout perdre. Ben, Allyson.


PDV ALLYSON.

— Ça te dit d'aller au cinéma, ce soir ? me demande Sherry. Nous pourrions laisser Charles et les enfants à la maison et sortir entre filles...

— Franchement, je ne suis pas très en forme, dis-je d'un triste sourire.

Alors que Sherry s'apprête à insister, on sonne à la porte. Elle va ouvrir. En attendant, je m' accroupis près des enfants qui jouent avec le chiot.

— Allyson ? crie Sherry. C'est pour toi.

Je sens mon cœur s'affoler.

— Si c'est Alex, ou son avocat, je ne veux pas leur parler. D'ailleurs, je ne veux parler à personne.

— Ce n'est pas Alex, mais... ton fils.

— Oh, dis-je en me relevant.

Sherry entre dans la cuisine, Ben la suit. Les enfants se jetèrent sur lui en poussant des cris de joie.

— Allez, les enfants, venez dans le salon. Dis Sherry en leur prenant la main.

Une fois qu'ils eurent quitté la pièce. Je regarde Ben qui me fixe aussi.

— C'est vrai ? dit-il. Vous êtes ma mère ?

Je reste immobile.

— Oui.

Ben ne me quitte pas du regard. Il me fait un petit sourire timide. Pendant quelques instants, il a l'air d'un petit garçon.

— Je... Ça doit être assez nouveau pour vous aussi, non ? dit-il.

Je parviens à sourire aussi.

— Tu peux le dire ! Oh Ben... Je devrais faire quelque chose. Quelque chose que ferait... une mère, j'imagine.

Il me regarde toujours. Il attend, l'air un peu perdu.

— Mais je ne sais pas quoi, ni comment. Jusqu'à avant-hier, j'ignorais que j'avais un enfant. Je ne sais pas comment m'y prendre.

Des larmes me montèrent aux yeux. Je détourne la tète rapidement pour les lui cacher. Il n'a pas besoin de ses pleurs.

Je finis par lui sourire.

— Quelles retrouvailles ! Ça semble plus facile au cinéma, tu ne trouves pas ? dis-je

— Si.

Je voulais m'approcher de lui, le prendre dans mes bras, mais c'est top tôt, il ne faut pas le brusquer. Après tout, la situation est aussi nouvelle pour lui que pour moi.

— Qu'as-tu entendu, hier ?...Je veux dire, que sais-tu de ce qui s'est passé ?

— J'en sais assez... Je sais qu'on vous a dit que j'étais mort à la naissance. Que vous ne vous doutiez pas même pas que j'étais vivant. C'est vrai ? Ça s'est passé comme ça ? dit-il toujours en me fixant.

Résumé en quelques mots, c'est tout ce qu'il a besoin de savoir pour le moment.

— Oui. Je t'ai porté dans mon ventre neuf mois, Ben. Je sentais chacun de tes mouvements. Je rêvais de toi de la nuit, je te parlais le jour, je faisais des projets... Tiens, je t'avais même acheté des vêtements. Je t'ai aimais des l'instant où j'ai appris que j'étais enceinte. Je ne voulais qu'une chose : te tenir dans mes bras, te protéger. Et puis... À ta naissance, on ne m'a pas laissée te voir. J'aurais du deviner que quelque chose se passer, mais... mais j'étais très jeune, j'avais peur, j'étais épuisée. Et je leur faisais confiance. Je les ai crus quand ils sont venus me dire que mon bébé était mort. Je n'ai aucun souvenir des mois qui ont suivi. Et puis, au bout d'un moment, la peine a diminué. Mais il en est toujours resté quelque chose, un vide dans mon cœur que je croyais ne jamais pouvoir le comble entièrement. Jusqu' à ce que j'apprends que tu étais vivant.

Ben cligna des yeux et baisse la tête.

— Je ne t'aurais jamais abandonné, Ben. Jamais de la vie. Je t'aimais, et je serais morte plutôt que de laisser quelqu'un t'arracher à moi. Je veux que tu me croies.

Je vois qu'il pleure.

— Vous ne vous êtes doutée de rien ? Mais j'étais votre fils ! Comment n'avez-vous pas deviné ? dit-il rageusement.

— Ils m'ont dit que tu étais mort. Je n'étais qu'une petite fille perdue dans un grand hôpital. Ce sont, les médecins m'ont appris, la nouvelle. Et mon père.

Ben laisse échapper un sanglot et sort brusquement. Je voulais le suivre, mais je m'arrête, en larmes. Je sais que je dois le rattraper, lui dire quelque chose. Mais quoi ? Comment ?

Je l'ai perdu. Je viens de perdre une seconde fois mon fils...
















Hate & LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant