Chapitre 10

3.8K 330 38
                                    

Elle ne savait pas.

J'ai une boule dans la gorge et j'ai du mal à avaler ma salive. Mon cœur bat à cent à l'heure. Je jette un coup d'œil à Ben, il regarde de l'autre côté en boudant.

Elle ne savait pas.

C'est à peine croyable. Et pourtant... Bon sang, je reconnais bien là ce que Patterson était capable de faire. Même à sa propre fille. C'est affreux, mais possible.

Une fille de seize ans enceinte aurait coûté cher à la carrière politique de ce vieux crabe ! Surtout que le bébé avait pour père un métis indien cavalier de rodéo avec un casier judiciaire et d'une réputation de délinquant.

Non, elle ne savait pas.

Cette révélation me coupe le souffle. Ainsi, Allyson ignore que le bébé qu'elle a donné naissance se trouve à Riverside.

Je regarde Ben.

Moi, son père, étais seul à savoir la vérité.

Moi et aussi Patterson, l'oncle d'Allyson, Cliff et Suzanne bien sur.

Un sentiment de culpabilité me serre le cœur. Après le départ d'Allyson, je suis sorti avec Suzanne, pour apaiser ma colère plus qu'autre chose. Puis j'ai découvert l'existence du bébé. D'un coup je suis devenu adulte.

Je n'avais pas étais au courant de tout les détails, mais tout ce que j'ai su c'était que la première adoption avait tourné court, ce qui m'avait valu des menaces de Patterson père. Mais je m'en foutais, tout ce que je voulais s'était récupéré mon fils.

Et j'y étais parvenu !

À certaines conditions. En y repensant, je serre fort le volant. Ces conditions, je les avais acceptées parce que je n'avais pas le choix. Pour obtenir la garde de Ben, j'étais prêt à tout. J'ai épousé Suzanne parce qu'elle m'aimait trop pour se préoccuper du fait que j'avais seulement besoin d'une femme pour élever mon fils. D'ailleurs, elle n'a jamais cessé de m'aimer, sauf peut être tout à la fin, lorsque j'ai refusé de lui faire un enfant à elle, ce qui l'avait rendue folle de chagrin et de colère.

Je suis persuadé que c'est à cause de mon entêtement et mon égoïsme qui l'a tué, comme si c'était moi qui étais au volant jour là. Si je l'avais laissé avoir ce bébé, elle serait sûrement encore en vie aujourd'hui.

J'avais mes raisons pour ne pas avoir d'autres enfants. Certes, Suzanne était une bonne mère, mais j'avais craint qu'elle ne tienne Ben à l'écart si elle devenait maman.

Comme il l'avait été pour moi.

— Ça va ? dis-je à Ben.

— Tu n'avais pas à venir me chercher comme un gosse qui fait une fugue. Elle essayait juste de m'aider ! dit-il en colère.

Je réfléchis. Toutes ces années, j'ai cru qu'Allyson avait abandonné notre bébé. Et qu'elle était revenue pour récupérer le bébé qu'elle avait abandonné quinze ans plus tôt. Or, tout ce qu'elle a fait c'est d'aider un gamin, qu'elle a pris en affection, à obtenir de meilleurs résultats scolaires.

— Tu aurais pu me demander, si tu avais besoin d'aide, dis-je.

— Pour me faire sermonner et me traiter de paresseux ?

— Je n'ai jamais dit que tu étais un paresseux. Têtu, peut être, mais jamais un paresseux.

— Têtu, c'est ce qu'elle a dit de toi...

— Ça ne m'étonne pas vraiment, dis-je en souriant malgré moi.

— Tu la connais plutôt bien, non ?

— Il y a longtemps, bien avant ta naissance.

— Ça ne doit pas être si longtemps que ça : tu étais assez jeune quand je suis né.

— J'avais dix-neuf ans.

— Dix-huit plutôt, dis Ben en me souriant. Je ne suis pas nul en math à ce point.

Je garde les yeux rivés sur la route.

— Tant mieux. Maintenant, il nous reste à nous occuper de l'éducation civique et de la chimie et le tour sera joué.

Comme Ben ne répond pas, je poursuis.

— Alors, pourquoi toutes ces questions ? dis-je.

— Pour rien. Je me demandais quand tu l'avais connu c'est tout.

— Bien avant ton arrivée et bien avant que je me marie avec ta mère. Dis-je en songeant d'un coup que tout devenez compliqué.

Car la question que je ne voulais pas me poser ne cesse de me tourmenter. Et les interrogations de Ben allaient tôt ou tard me forcer à prendre une décision.

Dois-je avouer la vérité à Allyson ou bien la laisser rentrer à New York sans savoir que le garçon avec lequel elle s'était liée, à Riverside, n'était autre que... son propre fils ?



J'ai du mal à dormir cette nuit là. Je me lève à deux heures du matin et mets a tourner en rond en me traitant d'imbécile . Pourquoi est-ce que je m'inquiète ? Ce n'est tout de même pas comme si j'avais délibérément caché la vérité toutes ces années !

J'étais sur et certain qu'elle avait pris la décision de faire adopter Ben, qu'elle l'avait abandonné. Alors ,ce n'était pas comme si elle avait passé les quinze dernières années à penser à lui, à se demander s'il allait bien, s'il était heureux, si elle avait choisi la meilleure solution pour lui.

Elle ne savait pas. Point final.

Donc, il n'y a pas de mal à lui laisser ignorer la vérité. D'ailleurs, ce serait plus facile pour tout le monde. Elle rentrera à New York. Je me remettrais à m'occuper du ranch. Et Ben continuera de rêver de rodéo.







Hate & LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant