Jour J

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Et quand tu t'asseois, raide face à ta feuille,
Quand c'est une goûte de sueur qui t'accueille,
Imperceptible, le jour J de ton bac S, routine,
Tu souris mais c'est la peur que l'on devine !

Tu mange ce que tu a apporté du bout des doigts,
Ce ne sera pas ta bouffe mais ta vie que tu recrachera
Sur cette feuille, sous ce matricule, à cette date,
En pensant à tous ces échecs, à tous ces coups de latte
Que tu as essuyé, ton sang maculant ta manche retroussée,
T'en a bavé, bavé, à courir au loin sur tous ces pavés,
Bordel, c'est pas aujourd'hui que tu vas abandonner !

Et voilà, t'es reparti, retour à la case "mental",
Te revoilà au poste de commandes, maîtrise totale,
Tes doigts courent sur le tableau de commandes
Qui ouvre les vannes de ta mémoire sur demande !

Tu ferme les yeux, fronce le sourcil, immobile,
Statue rendue vivante par le battement d'un cil,
Deux ans défilent en toi, deux ans complets,
Passés dans un tunnel à faire ce qu'ils leur plaît !

Obéir à leur dressage scientifique,
Formater ton esprit par leur logique,
Tout avaler sans se poser de questions,
Fermer les yeux, sur ton destin de mouton !

Oui, tu as bien souffert pour parvenir jusqu'ici,
Tu t'es battu pour être présent aujourd'hui,
Maintenant, tu vas changer de rivage,
Éteindre ton âme pour provoquer des ravages !

Voici venu l'affrontement final,
Irrespect brutal comme gloire nationale,
Au cours duquel tu prouvera que tu n'a pas vécu en vain,
Face à face avec ceux qui t'avait privé de lendemain !

La fermeture de ta trousse zippe,
Ton esprit zappe et dézappe la sappe criminelle,
Que tu as condamné par ciel d'azur et temps de miel,
Bien loin déjà, deux ans, deux ans auparavant,
Quand tu t'es relevé, avançant en direction le Levant !

Et le soleil se lève sur ta feuille,
Le Levant est là, c'est lui qui t'accueille
Dans son antichambre, salle d'un putain d'bac,
Dernière épreuve avant de reprendre ton sac !
Avant de désarmer ton esprit blessé,
Mûri mais salement rabaissé,
Odieux car odieusement bafoué !

C'est ainsi que tes premiers mots glissent,
L'encre tiédie par le soleil coule, malice
Qui te fait jurer, murmurer : "fait chier ..!"
Mais tu souris, tu y as reconnu l'appel de la liberté !

Thibault Desbordes.

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