Prologue

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Sloann

À ce moment de ma vie, si je devais la décrire, je ne dirais rien d'extravagant. Je n'inventerai rien pour vous faire croire que j'ai vécu des choses folles. Mais je l'aime. Je fais ce qu'il me plaît et j'ai des amis et une famille extraordinaire.

Je me rappelle d'une chose précise de mon enfance qui a marqué chaque étape de ma vie et que ma mère n'a jamais cessé de me le rappeler. Je m'installais dans le jardin et je dessinais. Ça a commencé à mes quatre ans et cette passion n'a jamais cessé de croître en moi. Je disais toujours "quand je serais grand, je ferais des dessins de fleurs, comme papy". Mon grand-père était paysagiste et très tôt je l'ai suivi pour découvrir son métier.

J'ai eu une enfance merveilleuse. Je suis enfant unique et mes parents ont tout fait pour que je me sente le moins seul possible. C'était agréable de sortir au parc, aller à l'aquarium, à la montagne et à l'océan. J'ai rencontré de nombreuses personnes et je me suis fait des tonnes d'amis, comme mes parents le voulaient. Ils n'ont pas voulu trop me gâté comme on pourrait le croire mais j'ai été heureux comme jamais. Le petit bout de jardin qu'on avait me suffisait et j'y passais des heures entières. Si je n'ai pas ruiné mes parents en jouets, je l'ai fait avec des mètres de crayons et de papiers à dessin.

Encore ce matin, je suis avec mon calepin et mon crayon à papier, assis dans le tramway qui me mène au travail. J'ai la chance d'avoir cette place à côté de la fenêtre et de profiter du paysage urbain pour croquer ce qu'il me passe par l'esprit. Ça me fait un bien fou, ça me libère l'esprit et me permet d'évacuer tout le stress du travail. Les arrêts passent et il y a de plus en plus de monde dans ce lieu clos. Moi, qui aime les grands espaces et la nature, je me sens oppressé dans un tel endroit. J'ai besoin de liberté, de respirer un air frais et sain.

Il est enfin temps de sortir d'ici. Les gens me bousculent et je sors non sans mal. Je fourre mon calepin dans mon sac et me dépêche d'aller en direction de mon travail. Je m'enferme à nouveau dans un lieu clos mais c'est pour la bonne cause. J'aime bien ce centre commercial malgré tout, il est lumineux, spacieux et la population éclectique me plaît. J'y suis bien en définitive. Je passe mon tablier et me dirige vers la caisse. Déjà des clients arrivent et ma journée débute. J'enchaîne machinalement la confection de cafés, thés et chocolats chauds en tout genre et je ne me rends pas compte du temps qui passe. Il y a de plus en plus de monde et je suis rapidement surbooké. Moi qui voulais m'accorder une pause dessin à la fontaine, je suis déçu.

À l'école, j'étais plutôt un solitaire. Même si cette solitude était un peu forcé -être métisse ça n'aide pas quand les enfants sont moqueurs vis-à-vis des différences. J'aimais dessiner durant les récréations plutôt que de jouer au football ou basket-ball avec les autres petits garçons. Les maîtresses ont convoqué mes parents une fois. "Un petit garçon de huit ans doit s'amuser avec les autres. Il n'a pas de vie sociale, ce n'est pas vraiment normal. Que faites-vous le week-end ?". Mon père n'a pas du tout apprécié et j'ai changé d'école. J'ai eu le droit de laisser mon imagination noircir mes feuilles de papier des heures entières et c'est au moment de la vie ou j'étais libre de faire ce que je voulais que je me suis ouvert à mes camarades de classe. J'ai toujours préféré avoir des copains de vacances. On s'amuse pendant deux semaines et on ne les revoit plus jamais. C'était plus sympa que d'avoir des amis d'école avec qui tu es obligé d'échanger des cartes Pokémon. C'est à ce moment de ma vie que Julian a débarqué. Turbulent, cancre et casse-cou, tout l'inverse de moi. Mais on est devenu ami et encore aujourd'hui, c'est le cas.

J'arrive à prendre ma pause malgré tout. Je rejoins rapidement la foule de passants pour dessiner. Il est treize heures et tout le monde est assis autour de la fontaine pour déjeuner. Le brouhaha m'empêche de me concentrer correctement. Je mets mes écouteurs et rentre dans le monde qui a toujours été le mien. Je cherche un modèle au hasard et mon regard tombe sur une jeune fille qui ne me laisse pas indifférent. Elle est belle et je n'hésite pas à commencer un croquis. Je ne sais pas si j'aurais le temps de faire son portrait mais j'ai ce feeling. Celui que je n'ai que rarement; le coup de cœur en dessin. Elle discute avec une autre personne et ne bouge pas trop, c'est parfait, son profil est magnifique. Je me précipite, je ne veux pas la laisser filer. Elle reste, encore et encore et je pars avant qu'elle ne se lève et je suis quelque peu déçu.

Le retour au travail est plutôt difficile, je suis dérouté et j'ai l'impression d'avoir loupé quelque chose avec cette jeune fille. La probabilité de la revoir est proche de zéro. Je n'ai pas pu terminer mon dessin, la frustration est grande.

Dans le bus, en tentant de me remémorer son visage, je continue son portrait. Comment l'oublier après tout ? Elle avait un visage angélique. Je n'ai pas croisé son regard, je le regrette.

-Tu dessines qui ?

Un petit garçon de six ans tout au plus regarde ce que je fais et paraît intéressé. Il a une bouille à croquer et je lui souris gentiment.

-Une jeune fille que j'ai croisée aujourd'hui.

-Moi, je ne dessine pas aussi bien !

-Tu es encore petit, c'est normal. Il faut beaucoup s'entraîner.

Il continue de me sourire et me regarde dessiner jusqu'à ce qu'il descende du tramway me saluant de sa petite main. Je descends deux arrêts plus loin pour rentrer dans mon studio. Je textote avec Julian pour préparer l'anniversaire surprise d'Alexandre qui aura lieu le week-end suivant.

Comme chaque soir, j'ouvre mon calepin pour regarder ce que j'ai fait aujourd'hui. Mon petit studio ne suffit pas à entreposer les créations parfois un peu folles. Plusieurs placards sont remplis de peintures et dessins en tout genre. Comme une évidence ce soir, je reste un long moment à regarder celui de la jeune fille. Je dois lui trouver un nom. "La jeune fille de la fontaine.". C'est plutôt ringard ça, non ? Je ne sais pas. Il se nommera ainsi pour le moment. Le premier instinct est toujours le bon; c'est ce que mon père m'a toujours dit. Je retravaille les détails mais il me manque beaucoup trop de précisions sur son visage pour aboutir à quelque chose de correct. Je ferme mon carnet et réfléchis à tout ça. Est-ce que je la reverrai un jour ou était-elle de passage ici ?

J'espère recroiser son chemin, je crois même que j'en ai besoin.

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Voilà le début d'une nouvelle histoire. J'espère qu'elle va vous plaire et que l'intrigue vous mettra l'eau à la bouche. N'hésitez pas à laisser des commentaires pour me donner votre avis. J'ai hâte d'écrire cette histoire !!

xoxo, Maty.

Dessine-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant