Robin a eu un an aujourd'hui. Je n'en reviens pas que le temps soit passé si vite. J'ai organisé un goûté d'anniversaire. Évidemment j'ai dû inviter Madeleine, mais c'était à contrecœur. Et aujourd'hui, j'ai pu mesurer à quel point j'avais raison de me méfier d'elle.
J'étais sortie acheter une bougie pour le gâteau à l'épicerie du coin. J'étais avec les enfants, Jean ne devait pas rentrer tout de suite, parce qu'il était parti chercher sa mère à la gare. Elle avait décidé de venir en train, pour nous compliquer la vie. J'ai ouvert la porte de notre appartement, et j'étais en train de sortir Robin de sa poussette, quand j'ai entendu des voix. Surprise, comme je m'attendais à ne trouver personne, j'ai tendu l'oreille. Et ce que j'ai entendu m'a fait perdre le peu de confiance qui me restait en ma belle-mère.
– Tu vois, tu as eu raison de m'écouter, tu verras, tu seras plus tranquille comme ça. Ce n'est pas bon qu'il passe toutes ses journées seul avec elle, surtout dans son état.
– Oui maman, je suis d'accord avec toi, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable. J'aurais dû lui demander son avis, là je la mets devant le fait accompli.
– Si tu lui avais demandé son avis, elle aurait refusé c'est sûr. Non, vraiment, c'était la seule chose à faire pour que Robin...
Je ne pouvais pas écouter un mot de plus sans intervenir.
– Bonjour Madeleine ! ai-je lancé gaiement. L'ironie de mon ton ne leur a pas échappé. Jean est devenu livide. Je me suis demandé s'il était possible qu'il ait peur de moi, et cette pensée m'a attristée l'espace d'un instant : comment en étions-nous arrivés là ? Mais très vite, la colère a repris le dessus.
– Alors comme ça, Madeleine, vous pensez que Robin passe trop de temps avec sa mère ?
Elle n'a pas daigné me répondre. C'est Jean qui a tenté de s'expliquer.
– Adèle, tu es là depuis longtemps ?
– Tu veux dire, est-ce que j'ai surpris votre conversation secrète ? Pour l'instant, je sais seulement qu'on pense que ma présence est nocive pour Robin. J'attends de savoir quelle solution ta mère et toi avez trouvée pour résoudre ce problème.
– Maintenant que tu nous as entendus, ça ne sert à rien d'y aller par quatre chemins. J'ai fait une demande d'inscription en crèche pour septembre prochain, et notre dossier a été retenu, Robin a obtenu une place, cinq après-midi par semaines.
Il avait prononcé ces dernières paroles dans un souffle, comme s'il voulait se libérer le plus vite possible de sa culpabilité. Il s'en voulait visiblement de ne pas m'avoir consultée.
J'étais sous le choc de cette annonce. Jean avait agi comme se je n'avais pas mon mot à dire. Non seulement il avait fait la demande de place en crèche sans m'en parler, mais son attitude laissait à penser que la décision de faire garder notre fils en collectivité dès septembre était déjà prise. C'était certainement sous l'influence de sa mère, mais il m'avait trahie malgré tout.
– Tu aurais dû m'en parler, ai-je dit simplement.
Madeleine nous observait d'un air satisfait, et je me suis sentie infantilisée, évincée de mon rôle de mère. Pourquoi m'avaient-il écartée d'une décision si importante, qui me concernait directement ? Incapable de supporter plus longuement une telle humiliation, je suis allée me réfugier dans la chambre d'Abel pour pleurer à l'abri des regards de mon mari, de ma belle-mère, et de mes enfants.
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L'autre fils
Mystery / ThrillerDepuis la naissance de leur second fils, un malaise s'est installé entre Jean et Adèle. Pourquoi Jean ne voulait-il pas de ce second enfant ? Pourquoi surveille-t-il sa femme ? Qu'est-ce qui perturbe les enfants ? L'étau se resserre, jusqu'à la déco...