Adèle, 10 juin 2014

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Une chose étrange et inquiétante s'est produite aujourd'hui. Je n'ai pas su comment réagir, et je me dis que, finalement, Jean a peut-être eu raison de prendre rendez-vous chez un pédopsychiatre, mais qu'il faudrait aussi y emmener Abel. Je sais que la naissance de son frère l'a perturbé. J'ai tout fait pour compenser. Mais après ce qui ce qui vient de se passer, je m'aperçois que j'ai tout raté.

Pour le dessert, j'avais préparé des fraises, le fruit préféré d'Abel. Mais au moment où j'ai déposé son bol devant lui, au lieu de commencer à manger, il a croisé les bras et m'a dévisagée, l'air buté.

– Abel, mon chéri, tu ne veux pas de dessert ?

Il ne répondait pas.

– Abel ?

Toujours pas de réponse. Cette fois, Abel ne me regardait plus, il m'ignorait.

– Abel ? Tu es fâché ?

Enfin, il a parlé.

– J'aime pas !

– Mais comment ça, Abel, tu adores les fraises enfin.

– J'aime pas ! C'est pas bon !

– Abel ? qu'est-ce qui t'arrive enfin mon chéri ?

Il me regardait avec méchanceté mais ne répondait pas.

– Abel ?

Brusquement, il a jeté le bol parterre, et s'est mis à hurler de toutes ses forces. Les paroles qu'il a prononcées ensuite m'ont terrifée.

– Je suis pas Abel ! je suis pas Abel ! Je suis ROBIN !

Je n'ai pas su quoi répondre. La culpabilité, l'angoisse et l'incompréhension me paralysaient. Était-ce possible qu'Abel soit jaloux de son petit frère au point de vouloir littéralement prendre sa place ?

Comme je ne disais rien, Abel s'est mis à pleurer. Heureusement c'est à ce moment là que Jean est rentré, et pour une fois, j'étais soulagée qu'il arrive. Il a tout de suite pris son fils dans ses bras pour le calmer, et, débordée par mes émotions, j'ai quitté la pièce sans dire un mot. 

L'autre filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant