J'ai rendu visite à Clara aujourd'hui. Je l'ai appelée pour la prévenir que je passerai la voir, et au téléphone je l'ai laissée croire que ma seule motivation était de rencontrer son bébé. En réalité, je voulais avoir une explication avec elle. Je ne parvenais toujours pas à croire ce que Jean m'avait avoué.
C'est David qui m'a ouvert la porte. Puis il m'a accompagnée dans le salon, où se trouvait Clara, assise sur le canapé, Julia endormie dans ses bras. En me voyant arriver, elle m'a souri. Elle avait les traits tirés par le manque de sommeil, mais visiblement elle était heureuse.
– Alors ? Cela te rappelle des souvenirs ? m'a demandé David d'un air complice.
– Oui, ai-je répondu poliment. Je n'avais qu'une hâte, c'était qu'il quitte la pièce, pour que je puisse discuter en tête à tête avec Clara.
– Je vais nous préparer du thé ?
– Oui, avec plaisir, l'ai-je remercié.
David a disparu dans la cuisine.
– Alors, tu ne la trouves pas adorable ?
Clara était en train d'admirer sa fille.
– Oui, elle est très jolie. Félicitation.
Je ne savais pas comment aborder le sujet. Mais avant que je trouve mes mots, Clara a repris la parole.
– Je sais que tu m'en veux. Et tu as raison.
– Ah bon ? Tu sais pourquoi je suis venue te voir aujourd'hui ?
– Oui.
– Alors, si tu as quelque chose à me dire, c'est le moment, l'ai-je encouragée.
Clara a hésité. Le coeur battant, je me demandais si elle oserait dire la vérité et mettre ainsi fin à notre longue amitié. Elle s'est décidée à parler :
– Quand j'ai rencontré Jean par hasard à l'université, il avait l'air tellement certain que tu lui avais menti... j'ai consulté la liste des doctorants de la Sorbonne à la hâte, et comme je n'y ai pas vu ton nom, j'ai un peu trop vite conclu que tu n'étais pas inscrite en thèse... je suis désolée... mais je l'ai appelé pour réparer mon erreur, quand j'ai vu que tu étais inscrite à Toulouse.
Je ne m'attendais pas du tout à cet aveu.
– Tu as appelé Jean ? Quand ça ?
– Avant-hier.
Je comprenais à présent pourquoi il avait subitement changé d'avis. Il ne m'avait pas crue moi, son épouse, il avait cru Clara. Notre réconciliation était fondée sur un mensonge.
Bien que bouleversée par cette révélation, qui ébranlait ma confiance nouvellement retrouvée en mon mari, je voulais savoir si Clara allait finir par admettre son ultime trahison.
– Je vois, ai-je simplement répondu.
– Jean ne t'a pas dit que je l'avais appelé ?
– Si, bien sûr, ai-je menti.
Le silence s'est fait dans la pièce. On entendait les légers ronflements de Julia. Je détestais Clara, j'aurais voulu la gifler, mais j'ai simplement déclaré :
– Je sais que tu as tenté de séduire mon mari.
Clara est devenue livide. Elle ne se doutait visiblement pas que Jean m'avait mise au courant.
– Qu'est-ce qu'il t'a dit ? m'a-t-elle demandé d'une voix étranglée.
– Exactement cela. Que tu as essayé de me le prendre mais que cela n'a pas marché.
– Je suis désolée... Je n'aurais jamais dû l'embrasser... mais c'était il y a longtemps maintenant. J'étais jalouse, tu comprends ? Je n'arrivais pas à garder un homme alors que toi tu as trouvé le grand amour du premier coup, je...
– Vous vous êtes embrassés ? l'ai-je interrompue.
– Oui, enfin, juste une fois, je te le jure, et c'était une erreur, je n'avais rien prévu...
À voir l'air surpris de Clara, et la façon dont elle avait tenté de faire marche arrière en minimisant ce baiser, je me demandais si c'était vraiment tout ce qui s'était passé entre eux. Je ne le saurai de toute façon probablement jamais.
Clara continuait de se justifier, mais je ne l'écoutais plus. Je me fichais d'elle. Je ne pourrai plus jamais lui faire confiance.
– Ne te fatigue pas, Clara. Je crois que nous n'avons plus rien à nous dire. Si au moins tu avais été honnête. Je t'ai laissé une chance de t'expliquer et tu l'as gâchée. Au-revoir.
J'ai quitté l'appartement de celle que je croyais jusqu'à récemment être ma meilleure amie sans un mot de plus.
Tandis que je marchais en direction du métro, une pensée m'obsédait. Jean m'avait menti. D'abord concernant le coup de téléphone de Clara, puis je venais d'apprendre qu'il y avait eu un baiser, et peut-être plus. Il ne m'avait pas dit toute la vérité. Ma tête menaçait d'exploser. Je n'avais plus personne à qui me confier. C'était Clara que j'appelais quand j'étais désespérée. À présent, je n'avais personne avec qui partager le poids écrasant de mes doutes, je ne pouvais prendre aucun recul. Je me sentais faible, j'allais perdre l'équilibre. Haletante, je me suis adossée à un mur pour me maintenir debout. Une dame d'une soixantaine d'année s'est arrêtée et d'une voix inquiète, m'a demandé si je me sentais bien ; je lui ai répondu que oui, et le fait que cette inconnue soit la seule personne qui se soucie de moi n'a fait qu'amplifier mon sentiment de solitude. Je ne pouvais plus supporter d'être exposée au regard des passants, je me sentais trop vulnérable. J'ai fait signe au premier taxi que j'ai vu, et une fois installée sur la banquette arrière, j'ai laissé libre cours à mon chagrin. Mes sanglots saccadés m'empêchaient de reprendre mon souffle et me donnaient la sensation d'étouffer. Je me sentais incapable de surmonter ma souffrance.
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L'autre fils
Mystery / ThrillerDepuis la naissance de leur second fils, un malaise s'est installé entre Jean et Adèle. Pourquoi Jean ne voulait-il pas de ce second enfant ? Pourquoi surveille-t-il sa femme ? Qu'est-ce qui perturbe les enfants ? L'étau se resserre, jusqu'à la déco...