Jean, 16 Septembre 2014

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Nous avions un rendez-vous programmé avec Robin chez le docteur Leroy aujourd'hui, et il me semblait important de nous y rendre, ne serait-ce que pour lui annoncer notre départ. Je ne m'attendais pas à ce que cette consultation bouleverse encore une fois tout ce que je croyais savoir d'Adèle.

Robin a seulement deux ans, mais il s'exprime très bien. Il se sent de plus en plus en confiance avec le docteur Leroy, il répond à ses questions. Mais aujourd'hui, Robin avait un comportement étrange. Lorsque le psychiatre s'adressait à lui, il l'ignorait par moment.

– Robin ? Robin ? Tu n'as pas envie de discuter aujourd'hui ?

Le docteur Leroy avait l'habitude des enfants en souffrance, et le silence de Robin ne le rebutait pas. Il a patiemment attendu que mon fils reprenne la parole. Au bout de cinq bonnes minutes, Robin s'est tourné vers moi, et m'a innocemment demandé :

– Papa, comment tu t'appelles toi ?

J'étais surpris par sa question à ce moment là, mais après tout c'était une question légitime. Lui m'appelait papa, mais il entendait d'autres personnes m'appeler Jean.

– Je m'appelle Jean, mon chéri. Mais toi, tu m'appelles papa. Jean, c'est mon prénom.

– Et maman ?

– Maman s'appelle Adèle.

– Et moi, comment je m'appelle, moi ?

Un peu déstabilisé par cette question, j'ai lancé un regard interrogateur au docteur Leroy, qui a simplement hoché la tête avec bienveillance. Il ne semblait pas étonné.

– Toi, tu t'appelles Robin.

Robin a froncé les sourcils, froissant la fine peau laiteuse de son front d'enfant. J'ai ressenti un pincement a cœur ; cette expression soucieuse sur son visage m'était devenue trop familière.

– Non, moi je m'appelle Abel.

Avais-je bien entendu ? Ce n'était pas possible. La gorge nouée, j'ai répété, avec un peu plus d'insistance dans la voix :

– Toi, tu t'appelles Robin.

– Non, Abel.

– Mais enfin, mon chéri, pourquoi dis-tu des bêtises ? Ce n'est pas drôle. Tu connais ton prénom, quand même ?

Je ne m'attendais pas du tout à ce qui a suivi. Robin s'est mis à hurler de colère, je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Avant que j'ai pu l'en empêcher, il a saisi plusieurs objets qui se trouvaient à sa portée sur le bureau du docteur Leroy et les a jetés sur le sol avec une telle violence que l'un des cadres qui contenait une photo de famille du médecin s'est brisé ; des morceaux de verres jonchaient le sol.

Puis Robin a cessé de crier.

Ma première réaction a été de m'excuser auprès du psychiatre, ce qui ne servait évidemment à rien. Je ne savais pas quoi faire, j'étais totalement démuni.

Après plusieurs minutes, qui me parurent une éternité, pendant lesquelles Robin est resté immobile sur sa chaise, le regard vide, sans que je sache comment le réconforter, le Docteur Leroy a annoncé très calmement :

– Je crois comprendre ce qui se passe.

J'étais soulagé qu'il se remette à parler. Et qu'il semble savoir ce qu'il se passait dans la tête de mon fils.

– Je pense que votre femme se trompe parfois de prénoms.

– Comment cela ? Que voulez-vous dire ?

L'autre filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant