Hidden Light [feat. J.D.B.]

CHAPITRE 3, TOME II : GIANT CHANGES

London Rivkin - L.A. - 05:49 A.M.

 
« Je ne sais pas quoi en penser. Je suis complètement perdue depuis qu'il est parti. Je comptais sur lui pour m'aider, pour savoir quoi penser, même s'il n'en voulait pas. Mais maintenant que je suis seule, je n'ose plus prendre aucune décision à propos de ce bébé.

Je sens mon corps qui change, et que mes nausées matinales ne sont pas anodines. Mais je n'arrive pas à me dire que je suis vraiment enceinte. Je n'ai jamais été le genre de fille qui rêvait d'une grande famille, d'être maman. Au contraire. C'était presque une hantise.

Mais aujourd'hui, la situation est différente. Pas de père, un milieu de trafiquants, avec une mère assoiffée de vengeance et qui n'aime pas son bébé.

C'est la pure vérité. J'ai vu ma mère enceinte. J'ai vu l'excitation, l'engouement que ça provoquait chez elle. J'ai vu des films où les futures mamans disent ne pas pouvoir attendre que leur « bout de chou » pointe le bout de son nez. 

Mais je ne ressens pas tout ça, au contraire. Je voudrais qu'il reste caché aussi longtemps que je le voudrais. Et que lorsque je serai prête, qu'il sorte. Mais c'est impossible. Il arrivera en Août et nous sommes déjà en mars. Je parviens encore à cacher mon ventre avec des vêtements larges mais bientôt on me laissera la place dans les salles d'attentes et mes fournisseurs attraperont des fous rires lorsque je viendrai récupérer un stock d'armes.

Je n'ai plus le droit de boire, de manger n'importe quoi, je suis constamment fatiguée et faire du sport ne m'est pas recommandé. Bientôt, monter sur une moto me sera impossible. 

Le pire est que cet enfant, pas encore né, me fait souffrir moralement. Chaque matin je me réveille et je constate que mon ventre grossit. Chaque matin je me rends compte que je porte son bébé et qu'il ne sera jamais là pour le voir, ou le connaître. Je m'en veux de ne pas lui avoir dit quand j'avais l'occasion car ça l'aurait peut être arrêté dans son intention de descendre le Mont Inferno. En bref, ce bébé me rappelle mon impuissance, ma solitude et ma culpabilité. Il n'est pas encore né et je suis déjà une mauvaise mère. »

Quand je reposais mon stylo, je me rendis compte que je m'étais mordue la lèvre inférieure jusqu'au sang. Je rangeais le carnet dans le tiroir de ma table de chevet et allais vers la salle de bain. Je m'étais entaillée légèrement. 

Je pris un mouchoir en papier et appuyai sur la plaie pour stopper le saignement. J'étais pas mal cernée, mais après une seconde nuit blanche, cela restait compréhensible.  

J'avais faim, encore. Je passais mes nuits à manger. Mon docteur disait qu'on appelait ça des fringales nocturnes. J'appelais ça un emmerdement.

Je descendis les marches de l'escalier et me rendis dans la cuisine. La villa était endormie et le calme m'apaisait. J'attrapais une pomme et croquai dedans en fixant un point dans le vide. J'avais de plus en plus de moments d'absences, où je ne pensais à rien. J'avais l'impression de me déconnecter de la réalité de plus en plus souvent, depuis deux semaines.

Je sursautai en entendant une porte claquer et un cri presque étouffé. Même si je sombrais, mon instinct répondait toujours présent. J'ouvris un tiroir de la cuisine et récupérai une arme de petit calibre. Rien de puissant, mais assez pour pouvoir neutraliser. Je pris aussi une lampe de poche et l'allumai avant de quitter la cuisine.

La villa était de nouveau plongée dans un silence complet et j'attendis, prostrée dans le noir, au bas de l'escalier, l'arme prête à dégainer. J'entendis des chuchotements de nouveau et compris que ça venait du sous-sol. L'alarme était censée être en marche, je ne comprenais pas comment quelqu'un avait pu s'infiltrer ainsi.

Je me déplaçai jusqu'à la porte qui menait à l'escalier du sous-sol et l'ouvris silencieusement. Le sous-sol était sombre mais je devinais des flash de lampes de poches et les chuchotements étaient plus proches. J'éteignis ma lampe de poche et descendis les marches lentement, l'arme devant moi.