SUITE (Chapitre 23 : Sous notre pont)
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Les cauchemars viennent à n'importe quel moment, n'importe quel endroit. Même quand on est heureux, même dans les bras de ceux qu'on aime, on ne peut pas s'en protéger : les cauchemars peuvent toujours nous parvenir. Ce cauchemar, cependant, fut bien différent de tous les autres car il semblait incroyablement réel et son message fut assez clair. Il faisait nuit et j'étais assise avec Dylan sur le pont, main dans la main. Il y eut soudain un bruit de pas en-dessous de nous. Je regardai et distinguai la silhouette d'un jeune homme qui trainait l'air épuisé et abattu au bord de la rivière. Il s'arrêta juste avant de passer sous le pont et me regarda droit dans les yeux pour me demander d'une voix tremblante mais familière : "Tu m'abandonnes ?" et avant que je ne puisse réagir, j'ouvris mes yeux.
J'avais mal à l'estomac et un sentiment de culpabilité m'envahissaut l'esprit. Edward pensait sûrement que je l'avais oublié et le pire, c'était qu'il n'avait pas tort ! Depuis que Dylan et moi nous étions rapproché, je ne lui avais pas accordé une seule pensée. Je m'en voulais tellement ! Comment avais-je pu être aussi égoïste et inattentionnée ?
Je relevai ma tête blottie contre Dylan et contemplai son visage faiblement éclairé par les premiers rayons dorés du soleil. La chambre était plutot sombre mais je pus quand même lire les traits parfaits de son visage et son corps. Quelques boucles tombaient sur son front, soulignées par ses sourcils légèrement épais, courbés au milieu puis admirablement droits. Ses paupières et sa bouche refermées autour de son nez excellemment façonné lui procurait un aspect paisible et innocent, une allure d'un jeune garçon candide qui réclamait secrètement une protection alors que le reste de son anatomie bien musclée suggérait une force innée et sévère. Sa barbe avait un peu poussé, surement à cause de ma présence permanente dernièrement, mais je trouvais qu'elle lui allait bien.
Je me forçai de me lever de ses bras pour vérifier l'heure sur mon portable abandonné sur le tapis. Il n'était que cinq heures du matin alors je décidai d'aller faire un tour dans le jardin afin d'accorder un peu de temps de réflexion à Edward. Quand je m'appretai à ouvrir la porte, la voix de Dylan me fit frissonner :
-Tu m'abandonnes ?
Je me retournai toute bouleversée. Dylan avait les yeux à peine ouverts me fixant.
-Ca ne va pas ? Tu as l'air d'avoir vu un fantome.
Je me ressaisis en me répétant que ce n'était qu'une simple coïncidence et que c'était absurde de dramatiser pour quelques mots, et j'y crus sans vraiment me convaincre. Parce la vie tend à éliminer toute possibilité de coïncidence : tout y est associé, rien ne reveint au hasard. Ce n'est pas ce que l'on signifie par destin que j'évoque ici, c'est juste le fait que tout arrive pour une raison sans qu'elle ne soit nécessairement bonne. La vie est une série de signes mais la plupart nous sont nouveaux et inconnus ; il suffit de faire le lien quand ils deviennent clairs pour pouvoir comprendre.
-Ca va très bien. J'allais juste prendre l'air le temps que tu te réveilles pour qu'on aille au travail.
-Quelle heure est-il ? demanda Dylan l'air vraiment concerné.
-Cinq heures et quelques minutes, estimai-je.
-Dans ce cas, on a tout le temps qu'il faut pour faire un tour et que tu me racontes ce qui ne va pas, puis on retourne nous préparer.
Il annonça cela comme s'il me lisait un plan. Certes le mien était tombé à l'eau et Edward devait attendre encore une fois, mais je n'avais pas le choix - ni l'envie d'ailleurs - de refuser une matinée avec Dylan. C'est alors que tout devint cohérent dans ma tête : mon existence était tiraillée par deux personnes qui comptaient énormément pour moi car en gardant l'un, je ne pouvais éviter d'abandonner l'autre sans même le vouloir. Ca, c'est ce que l'on appelle la fatalité ; nous sommes souvent contraints à faire le choix entre deux éléments que nous désirons garder en sacrifiant l'un. Heureusement, Dylan me sauva de mes pensées torturantes et vint me serrer en m'embrassant le front puis me prit par la main et sortit. La culpabilité me dévorait de plus en plus alors que mon coeur dansait.
Il faisait très frais dans le jardin de l'académie que les rayons du soleil n'avaient pas encore atteint et je grelottais discrètement dans les vêtements surdimensionnés de Dylan, mais il s'en rendit compte quand même et trouva un moyen charmant de dérober sa main de la mienne pour m'enrouler. Je ne pus me retenir de l'embrasser immédiatement et il reçut mes lèvres avec appétit. Je me dirigeai vers l'endroit réservé ou je m'installais avec Johny d'habitude et Dylan s'assit pour me recevoir sur ses genoux et m'étreindre. Jouant avec mes longs cheveux qui flottaient à cause de la brise, il me chuchota tendrement :
-Qu'est ce qui ne va pas mon coeur ?
L'écho de ses mots dans mon esprit me fit frémir de bonheur et je décidai de partager mes pensées avec celui qui m'en sauvait récemment. Après tout, "sharing is caring"! [Le partage est la bienveillance.] Je lui racontai alors mon rêve et il sembla assez intéressé mais je gardai mon analyse pour plus tard.
-Je veux juste connaitre la vérité. Est-ce que c'est trop demander au monde ?
-Surement pas, avait-il affirmé, mais le monde ne joue pas selon des règles ou des principes ou une justice. Le monde ne sait que tricher et nous condamner. Alors si un jour tu me disais que tu partais à la découverte de la vérité toi-même, je te dirai que c'est une excellente idée et que je serai prêt à t'aider. Par contre, si jamais ta décision serait de te conformer, je resterai aussi à tes cotés pour te soutenir. Dans tous les cas, c'est ta responsabilité de prendre une décision et mon devoir de l'accepter.
Tout ce que je savais en ce moment, c'était que je devais visiter Edward le plus tot possible ; lui seul ne me mentirait jamais.
-Dylan, soupirai-je.
-Oui Alex...
Je me haïssais déjà pour ma demande.
-Comment on fait pour descendre sur Terre ?
Il y eut un moment de silence et je crus presque qu'il m'avait quittée et avait disparu, mais lorsque je me retournai, il etait toujours là à me regarder avec des yeux remplis d'amour et de tendresse, seulement au reflet d'un peu d'hésitation.
-Il faut que tu obtiennes une mission d'A.G. C'est le seul moyen.
Et comme par coïncidence absolue, ou association idéale de la vie, mon portable sonna et je reçus la directrice me réclamant pour ma première mission.
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Le Vrai Paradis.
Teen Fiction« Alors, je suis devenue un ange gardien – un AG. Je devrais descendre parfois sur Terre pour des missions : aider les ados terriens. » Suite à un accident, Alexandra Richelieu (bientot dix-huit ans) se retrouve au paradis ; elle commence alors une...