Chapitre de Natalea !
Bonne lecture.
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Le feu ronfle dans l'âtre. Les flammes tourbillonnent, s'enroulent sur elles-mêmes, de plus en plus haut, noircissant la pierre. Elles dévorent le bois qui git à leurs pieds. Sous la morsure incandescente du feu, l'écorce se fracture, craque, explose, s'écartèle, tombe en poussière. Enfin, l'épaisse planche de bois cède. Elle se fend, sur toute sa largeur, devient toute entière la proie des flammes, et les flammes la consument. Elles rongent, elles détruisent, et bientôt, il ne reste plus que du sang, et des cendres.
Seul, debout au milieu du salon de Lewison, Harry contemple le feu qui meurt à son tour, sans bruit. Il tient toujours la garde de l'épée dans sa main. Il la serre si fort qu'il peut sentir les reliefs du métal s'incruster dans sa chair. Les flammes mourantes projettent leurs jeux d'ombres et de lumière sur les trophées morbides de Lewison. Dans l'obscurité grandissante, les yeux vides des animaux empaillés sont autant de néants dans lesquels Harry se perd. Il baisse les yeux sur le sol. Le plancher craque sous ses semelles humides. Le sang de Lewison incruste les fibres du bois, comme pour souiller une dernière fois ce monde qu'il vient de quitter.
Sans même s'en rendre compte, Harry plante la pointe de la lame dans un interstice du plancher. Il lâche la garde. L'épée tombe lourdement sur le sol. Elle capture au passage un reflet du feu moribond. Harry reste là, il la fixe sans bouger, et son regard tombe sur le rebord de sa cape, imprégné d'un liquide tiède qui commence à sécher. Son visage se ferme. Encore une fois, il a du sang sur les mains. Du sang qui n'est pas le sien. Il faut qu'il sorte d'ici.
Sans se poser de questions, Harry s'enfuit du salon où le cadavre de Lewison baigne dans son propre sang, la tête rejetée en arrière, la bouche grande ouverte sur un cri qui ne viendra jamais. Il se retrouve dans un long couloir étroit, lambrissé de bois sombre, et pousse la première porte qu'il trouve. La cuisine. Instinctivement, Harry sort sa baguette, et la lueur tremblotante d'un candélabre chasse les ténèbres. Harry ne réfléchit pas. Frénétiquement, il retire sa cape. Dans sa précipitation, le tissu se déchire et tombe en loques sur le sol carrelé. Harry active le robinet. Il porte encore les vêtements avec lesquels il s'est enfui de l'asile : une sorte de jogging gris, rêche et sans forme. Rapidement, il passe le sweat au-dessus de sa tête et plonge son visage sous le jet glacé du robinet. Il ne prend même pas la peine de mettre l'eau chaude. Il faut qu'il se débarrasse de ce sang. Il ne supporte plus de le voir, de le sentir encrasser sa peau, incruster ses pores, ronger son être comme la rouille qui ronge le métal.
Le souffle court, Harry se redresse. Il frotte ses mains l'une contre l'autre pour éliminer les résidus coincés sous ses ongles, entre ses doigts, dans les lignes de ses paumes. Avisant un savon posé sur le bord de l'évier, il le prend et savonne sans pitié sa peau qui commence à rougir. Il frotte, rince et frotte encore, ses mains sont en feu, le savon se réduit entre ses doigts, ses mains sont à vifs et l'eau glaciale attaque l'épiderme qu'il meurtrit sans s'en rendre compte. Ses gestes se font de plus en plus fébriles. Il courbe le dos, se met à trembler, jusqu'à ce qu'une terrible douleur ne lui torde les entrailles. Harry fléchit, il s'incline sur le rebord de l'évier et l'eau froide sur son visage lui rend peu à peu ses esprits. Hébété, il arrête l'eau et contemple ce qu'il a fait à ses mains. Il y a de nouveau du sang qui se fraye un chemin sur ses paumes, mais cette fois, c'est le sien. Harry enfouit son visage dans ses mains. À cause de Lewison, il vient encore de se faire meurtrier. Il ne l'en déteste que plus.
Harry s'écarte du lavabo, passe une main derrière sa nuque pour chasser les gouttes qui dégoulinent dans son dos, quand soudain, il le voit. De surprise, il fait un bond en arrière et se cogne contre la pierre de l'évier :
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L'Héritier
FanfictionNietzsche a dit un jour : "Que celui qui combat les monstres prenne garde dans sa guerre à ne pas devenir un monstre lui-même. A force de plonger trop longtemps votre regard dans l'abyme, c'est l'abyme qui entre en vous". Si seulement Harry avait su...