Retour auprès d'Harry, un an et un mois après la mort de Ginny, James et Lily.
XXX
Harry regarde les braises se déliter dans la cheminée du salon des Malefoy. Il attend l'aube, incapable de s'en remettre au sommeil. Il est pressé que la nuit se termine. Pressé d'entrer dans le jour suivant, qui lui apportera des réponses, enfin. Cela semble surréaliste. L'objet de sa quête parait si proche qu'il a presque peur d'y croire. Peur que ce ne soit qu'un miroitement illusoire, que l'éclat réverbéré d'un espoir encore si lointain. Il a jeté tellement de forces dans la bataille qu'il n'est pas sûr de ce qu'il restera de lui s'il échoue aujourd'hui.
Le craquement des pas de Joanna sur le plancher le tire de ses réflexions :
- Toi non plus, tu ne peux pas dormir ?
- Comment peut-on dormir à la veille d'une bataille ?
Souple et furtive, Joanna s'assoit dans le fauteuil auprès de lui. Pendant un long moment, ils n'ont pas besoin de parler. Harry ne s'explique pas comment, mais une sérénité naturelle s'est installée entre la jeune femme et lui. Il la connait depuis de longs mois maintenant, pourtant ils ne se sont jamais vraiment parlé. C'est comme s'ils n'en avaient pas besoin.
Ils ont traversé des épreuves ensemble, des pistes infructueuses, partagé la même colère, la même peine, un mélange d'angoisse, de patience, de fureur et de haine, entremêlées. Harry sait exactement ce que Joanna ressent, à chaque instant, et il se sent compris par elle. Là où Ethan lui apparait comme un limier absolument digne de confiance, un allié auquel il n'hésiterait pas à confier sa vie, Joanna l'atteint d'une manière plus subtile et plus instinctive. Il y a eu de la méfiance entre Ethan et lui, pendant longtemps. Avec Joanna, jamais. Jamais de longues discussions pour se convaincre l'un l'autre de quoi que ce soit. Plus le temps passe, plus Harry perçoit leur convergence d'opinions et de volonté. Il y a une détermination glacée dans le cœur de Joanna qui le fascine.
- Tu es nerveuse ? lui demande-t-il.
- C'est moi qui devrais te poser cette question.
- Je ne suis pas nerveux. Je brûle d'impatience.
Le feu craque en réponse à ces mots. Joanna sourit. La lumière dessine des ombres sur son visage fin, anime ses cheveux de reflets cuivrés. Ses yeux bleus reflétent les flammes, le feu caché tout au fond de l'eau.
- Tu ne m'as jamais dit pourquoi tu t'étais embarquée dans tout ça, murmure Harry doucement.
Elle baisse les yeux pour esquiver :
- Je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment pour en parler.
- Si tu ne veux pas, je comprends.
Il s'incline vers elle et lui presse l'épaule :
- Mais honnêtement, s'il y a bien une personne à qui tu puisses en parler... c'est moi. Je sais trop bien les horreurs que les Mangemorts peuvent commettre. Ou nous obliger à commettre.
Elle relève son regard sur lui en saisissant l'allusion à sa famille. Il y a une fragilité chez elle qu'il a peur d'avoir réveillée. Il ne veut pas la faire souffrir. Mais la dureté qui la caractérise reprend le dessus, cette froideur étrange qu'il aime et qui l'attire : Joanna se redresse, croise les mains sur les genoux, droite et parfaite :
- Mon père a rallié Tu-Sais-Qui pendant la guerre. C'était un Mangemort, déclare-t-elle.
Ces quelques mots suffisent à bloquer le souffle d'Harry dans sa gorge. Joanna le voit, mais ses yeux restent fixés dans les siens et sa voix poursuit, impitoyable, fluide et neutre :
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L'Héritier
FanfictionNietzsche a dit un jour : "Que celui qui combat les monstres prenne garde dans sa guerre à ne pas devenir un monstre lui-même. A force de plonger trop longtemps votre regard dans l'abyme, c'est l'abyme qui entre en vous". Si seulement Harry avait su...