Harry ne reconnait plus le monde dans lequel il vit. Il a l'impression d'évoluer sur des sables mouvants, chaque seconde peut apporter son lot de revirements sur ce terrain traître. Toutes les choses qu'il a un jour tenues pour acquises s'échappent de lui et glissent comme du savon mouillé, chaque fois qu'il tente de s'y raccrocher. Harry ne peut plus croire en rien. Les gens, les institutions, la confiance. Tout a changé.
Cela fait longtemps que cette mutation s'est opérée en lui. Mais jamais il n'a autant pris conscience du décalage qu'il existe entre son ancienne vie et la nouvelle. La vérité qu'il est forcé d'affronter lui brûle les yeux, mais quand il songe à toutes ces années où il est resté aveugle, il a envie de hurler.
Aujourd'hui, Harry ne s'étonne plus de rien. Le nom de Kingsley Shacklebolt inscrit au bas de cette lettre a remué quelque chose au fond de lui, une vieille mue qui s'est enfin desséchée. Il n'en reste plus rien. En un sens, Kingsley lui a offert sa dernière délivrance. La perte de sa dernière illusion. A présent, il est libre de toute attache.
Immédiatement après la correspondance qui s'est opérée entre l'écriture de Kingsley et celle des lettres du meurtrier de sa famille, Harry a fait appeler tous ses plus proches lieutenants au manoir Malefoy. Une quarantaine de personnes en tout. Les autres, tous les fidèles qui vont et viennent régulièrement dans les vieux corridors, ont été priés de retourner se fondre dans la vie civile, et de répandre la nouvelle au sein de leur armée. Ordre de se tenir prêt.
Depuis Harry a fait fermé le manoir, et personne n'a pu y entrer ni en sortir pendant trois mois.
Trois mois de silence et de secret, pour éviter les fuites. Trois mois pour mettre au point leur stratégie, maintenant qu'il est évident qu'ils doivent frapper la tête de l'Etat. Harry obtiendra enfin la vengeance pour laquelle il s'est battu, celle qui l'a fait tenir et qui l'a mené jusqu'ici. Et dans le même temps, il délivrera le pays de la corruption qui le fait dépérir. Pour la suite... Il préfère ne pas y penser. Il y a tant de travail à faire.
L'isolement a eu d'autres conséquences : Malefoy est démasqué. Depuis plusieurs mois, la rumeur circulait déjà au Ministère qu'il était un adepte de « l'Héritier ». Mais le confinement l'a contraint à disparaître de la surface du monde, ce qui a sonné comme une confirmation aux yeux de tous. Ce n'est pas grave. Drago l'a bien servi, et leur avènement est proche. Il est temps pour lui qu'il se révèle au grand jour, et que tous puissent apprécier la valeur des services qu'il a rendu à leur cause. Harry n'aurait jamais pensé ressentir cela un jour, mais... Malefoy s'est avéré un de ses plus fidèles soutiens dans cette guerre. Et c'est grâce à lui qu'il tient Kingsley...
Kingsley... Kingsley Shacklebolt... L'homme qui l'a aidé, soutenu, qui a combattu à ses côtés. L'homme que le peuple a porté en triomphe à la première place du gouvernement juste après la guerre. Un homme pour qui Harry aurait donné sa vie...
Ethan l'a aidé à y voir plus clair, parce que pour sa part, Harry ne comprend pas. Quelles ont pu être ses motivations ? Pourquoi vouloir assassiner sa famille, et pourquoi le forcer à commettre lui-même ce crime ? Ces méthodes recèlent une telle part de sadisme qu'Harry sent l'acide bouillir dans son ventre, lui donnant envie de vomir. Ethan a mis en lumière un certain nombre de faits troublants.
Kingsley ne l'a pas défendu lors de son procès. Il a laissé Lewison l'enfoncer, avant même que les preuves aient été examinées. Le jury l'a condamné à Sainte Mangouste, mais qui lui dit que ce n'est pas le Premier Ministre lui-même qui avait influencé cette décision ? En tout cas, il n'a rien fait pour l'en sortir, rien fait pour l'aider. Cela l'arrangeait qu'il se retrouve là. Meurtrier, considéré comme fou, Harry n'avait plus aucun pouvoir politique, il n'avait plus aucune chance de peser à nouveau dans la vie publique. C'était sans compter sur son évasion, bien sûr.
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L'Héritier
FanfictionNietzsche a dit un jour : "Que celui qui combat les monstres prenne garde dans sa guerre à ne pas devenir un monstre lui-même. A force de plonger trop longtemps votre regard dans l'abyme, c'est l'abyme qui entre en vous". Si seulement Harry avait su...