Lunettes

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Chapitre de Natalhea !

Bonne lecture

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Il est très tôt. La nuit règne encore, enveloppée dans son manteau de ténèbres. Mais l'Allée des Embrumes grouille comme en plein jour, si ce n'est plus. La danse sauvage des flammes transperce les yeux des curieux du haut de leur torche. Les baguettes pointent toutes dans la même direction, cherchant à jeter un peu plus de lumière sur un spectacle macabre.

Brandissant son insigne à qui veut bien la voir, Ron Weasley s'efforce de fendre la foule. Le chagrin, la fatigue, et la lueur tremblotante des torches ont creusé son visage d'une multitude de ténèbres. Des cernes soulignent ses yeux perpétuellement plissés par l'inquiétude. En ces temps de malheur, Ron Weasley n'a plus rien à voir avec l'adolescent insouciant qu'il a été.

Il parvient enfin à s'extraire de l'étreinte d'un vieil homme soupçonneux qui s'obstine à s'accrocher à sa cape, et franchit la barrière de sécurité que ses collègues viennent de dresser.

La maison s'est écroulée sur ses fondations. Calcinée jusqu'à la moindre poutre. La charpente, désagrégée, a dû s'effondrer la première, entraînant ce qui restait des murs porteurs avec elle. Dès lors, les quelques poutres épargnées par les flammes avaient dû se consumer, lentement mais sûrement, chutant les unes après les autres dans le brasier déjà mourant. Une affaire vite réglée. Une maison de l'Allée des Embrumes pouvait brûler aussi vite qu'un arbre bien sec. En quelques minutes, le Repère du Diable était devenu un bûcher, expulsant des tourbillons de particules rougeoyantes dans le ciel noir, transformant les ruelles en fournaise à plus de trente mètres à la ronde. Puis les flammes s'étaient calmées, elles étaient retournées dormir au fond des braises, et il n'était plus resté que des cendres, et du sang.

Ron salue les Aurors qui patrouillent autour de la maison et s'engouffre tant bien que mal dans les décombres. Le sol de ce qui a dû être la pièce principale est constellé de housses mortuaires. Douze au total. Une treizième est en train de se remplir des restes du Mangemort Travers. Une sombre plaisanterie vient alors à l'esprit de Ron. D'après ce qu'il peut voir, Travers a rôti comme un porc. Comme un travers de porc. Il est secoué d'un rire hystérique, qu'il fait taire aussitôt.

Ron s'agenouille auprès du cadavre de Travers, qui n'est guère plus qu'un squelette carbonisé. L'air, dans cette maison, est suffocant. Ron sent son estomac se soulever rien qu'en respirant. C'est l'odeur du feu, d'une charpente pourrissante qui a été dévorée par les flammes, et par-dessus tout, c'est l'odeur de la chair brûlée. Cette odeur, jamais il ne pourra l'oublier. Elle imprègne ses cheveux, sa peau et ses vêtements. Elle mettra sans doute des semaines à partir.

La tête de Travers, si on peut encore appeler un amas d'os et de muscles carbonisés une tête, git abandonnée dans un coin de la pièce, comme un grotesque et macabre ballon de football. Le jeune Auror qui rassemble les morceaux de Travers dans la housse mortuaire ramasse le crâne encore graisseux entre ses gants. Ron le plaint sincèrement.

Il s'apprête à inspecter les autres pièces lorsqu'une main se referme sur sa cheville. Ron sursaute. Derrière lui, à ses pieds, un résidu de sang et de chair lève sur lui des yeux qui n'ont plus de paupières. Ron dégage sa jambe et le contemple, partagé entre la stupéfaction et l'horreur. Cet homme n'a plus rien d'humain. Il traîne son corps atrocement brûlé sur le sol, tous ses membres agités de soubresauts. Ron se demande comment un être humain peut survivre à de telles mutilations. Le moindre de ses nerfs doit être à vif, transmettant à son cerveau un torrent de douleur qui n'ira qu'en s'amplifiant. Le plus petit souffle d'air doit être une torture.

L'HéritierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant