Traces de Parme

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Thomasine sortit de la chambre plus décidée que jamais. Maintenant elle savait, et elle s'en voulait de toutes ces fois où son père, tante Lau ou même et surtout elle, l'avait traitée d'égoïste, alors que tout ce qu'elle voulait c'était la protéger.

"Quelle conne je fais", pensa t-elle tout haut en rejoignant son père et son ami qui avait continué les recherches en l'attendant.

Thomasine les fixa, pour de bon. Elle tenait les rennes cette fois-ci. Allongé sur le canapé, Etienne était plongé dans son Mcbook tandis que son père lui tournait le dos, face à l'ordinateur familial. Elle aspira un grand coup, prit son courage à deux mains. Etienne qui ne l'avait pas vu, releva une mèche de ses cheveux en bataille sur le haut de son crâne. 

Pendant une seconde, elle se laissa aller au souvenir de leur baiser qui semblait remonter au calanques grecques, puis la raison l'emporta. Sa mère. Cela devait rester son seul objectif. 

Elle regardait l'heure et grimaça. 15h. Ils avaient rendez-vous à 20h chez Madame Fontanès. Le simple aller-retour jusqu'à la rue Jean-Dolent leur prendrait plus d'une heure. Sans compter le temps qu'il faudrait prendre à chercher, questionner etc... Le temps, le temps, le temps... Toute cette histoire n'était qu'une question de temps gagné ou perdu. Le temps, était un pion sur son plateau de jeu. C'est lui qui était garant de la règle, du bon déroulement de sa vie. Ou du mauvais d'ailleurs...

- T'as pleuré?

Les mots d'Etienne la sortit de sa colère. Elle lui sourit.

- Maintenant, c'est moi qui défini les règles. On va rue Jean-Dolent.

Le ton sans concession de la jeune fille, ne faisait plus rire les hommes de la maison. Ils éteignirent leurs écrans. Dans les 5 min qui suivirent, ils avaient déserté la maison.

Après un changement, et quelques égarement dans le métro, ils arrivèrent à quatre heures moins vingt devant le bâtiment. Un interphone bloquait la porte.

- Vous êtes nuls dans le genre enquêteur, sourit Thom, si tu fais défiler les noms... Tu sauras s'il y a un Monsieur Parme.

Mais une fois qu'elle arriva au P, il n'y avait personne entre la famille Noguet et la famille Perralta. Pourtant une fois qu'elle s'en était rendue compte, ils entendirent les cliquetis de la serrure. Une vieille dame, tira maladroitement son caddie. Etienne se précipita pendant que Thomasine retenait la porte.

- Merci les jeunes...  chevrota t-elle

Mais déjà, les trois compère s'étaient glissés dans l'immeuble. Un large couloir les attendait. Sur leur droite une porte vitrée, indiquait "concierge". Sans attendre l'avis de ses camarades, et sans même savoir ce qu'elle allait dire, Thomasine frappa. Une grosse femme blonde décolorée, lui ouvrit la porte. 

- C'est pour quoi?

- Bonjour madame, je m'appelle Thomasine Bastille. En fait, je suis à la recherche d'un ami de ma mère. Vous comprenez, elle est très malade et elle nous demande de le revoir. On sait que sa mère habitait ici, il y a une dizaine d'année. Madame Lysandra Parme. Son fils s'appelle Thomas.

Thomasine évitait de croiser le regard de son père. Utiliser la maladie de sa mère pour parvenir à ses fins, la gênait elle-même. Mais rien ne pouvait plus l'arrêter. L'annonce avait d'ailleurs provoqué une expression de pitié sur le visage de la vieille femme, qui croisa son gilet sur sa grosse poitrine dans un geste de protection...

- Madame Parme! Un peu que je la connaissais! On est arrivé ensemble! La même année, la même semaine. Le petit Thomas!!! Un peu que je le connais. Un brave petit... Toujours prêt à rendre service! Quand sa mère est morte, j'ai cru qu'il ne s'en remettrait jamais. Il a gardé l'appartement pendant plusieurs années! cinq ou six ans! Il sortait peu... 

Pendant qu'elle parlait, elle regardait en l'air, pour désigner l'appartement au dessus de leurs têtes.

- Il maigrissait à vu d'oeil!!! Parfois je lui montais des plateaux repas... Il me remerciait mais ne me laissait jamais rentrer... Le petit Thomas... Puis un jour, je l'ai vu sortir avec le sourire... Il allait mieux! Et pour cause!!! Il travaillait sur les ordinateurs... Et il avait rencontré une américaine. Ah elle était belle hein!!! Mais, elle, elle ne me regardait jamais! Et puis un jour, pfuit! Il m'a annoncé qu'il vendait l'appartement, qu'il partait vivre en Amérique! L'Américaine était enceinte... Il a bradé l'appartement et ils sont partis.

Les coeurs de ses interlocuteurs avaient joué aux montagnes russes pendant tout son récit. Mais à la dernière phrase, la déception devait se lire sur leurs visages car la gentille femme s'arrêta net pour les dévisager.

- Ne soyez pas trop déçus... Je ne sais pas si ça peu vous aider... Mais chaque année, il m'envoit une carte de voeux. Celle-ci date d'il y a presque un an, mais son adresse n'a pas changé depuis qu'il est partit... Puis en Amérique, ils doivent bien faire comme chez nous: suivre le courrier! Attendez... Je dois avoir ça là... quelque part... 

Elle disparu derrière sa vitre. Ils l'entendaient marmoner comme si ils avaient été présents dans la loge. "Ah! la voilà!". Elle réapparu derrière sa porte et tendit une carte de veux à Thomasine.

 Une famille, sur une patinoire, souriait à l'objectif.  Lui, les cheveux grisonnants, la cinquantaine active souriante. Elle, bonnet rose sur la tête qui cachait une partie de sa chevelure californienne. Entre eux deux enfants: un petit garçon, de trois ou quatre ans et une petite fille, assise sur une luge qui ne regardait pas tout à fait l'objectif, engoncée dans une combinaison pilote assortie au bonnet rose de sa mère. Machinalement, Thomasine retourna la carte.

"Nous pensons si souvent à vous, Geneviève... Notre prochain voyage sera Paris, dès que les enfants seront grands. En attendant Kate, Philomena , Louis et moi, nous vous embrassons bien fort."

En dessous, inscrit par l'imprimeur, on pouvait lire "Parme's family, 52 E 41st St, New York, NY 10017-6211"

- Etienne tu notes?

- Vous voulez un crayon? Du papier?

- Non c'est bon, merci madame j'ai mon smartphone.

- Ah bah si vous avez votre mate phone alors...

Un sourire pointa son nez sur les lèvres des trois autres, mais chacun se retenait comme il le pouvait. Etienne enregistra l'adresse, et Thomasine remercia chaleureusement Geneviève.

- Vous savez c'est drôle tout ça quand même, ponctua t-elle avant qu'il ne passe la porte. Thomas m'avait prévenu le jour de son déménagement.

Thomasine revint sur ses pas.

- Prévenu de quoi?

- Bah il m'avait dit "Geneviève, peut être qu'un jour quelqu'un viendra vous voir et me demandera. Dites lui que j'habite l'Amérique.  Mais que je suis prêt à la recevoir".  Il pensait pas si bien dire!

Thomasine resta figée. Son sang se glaça. 


Le médaillon de MousselineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant