Cinq ans plus tard.
Thomasine saignait. Se tenant le genou avec la main pour éviter que le sang ne tâche sa nouvelle jupe. Elle traversait la cour, boitillant vers la maîtresse qui ne semblait pas avoir remarqué la fillette qui s'était étalé de tout son long en courant après les garçons.
-Qu'est-ce que... ?
Les bras croisés sur son gilet jaune, la maîtresse regardait autour d'elle. Elle essayait de retracer la mésaventure, comme si son cerveau avait enregistré chaque mouvement de chaque enfant pendant les cinq minutes précédentes. Thomasine avait juste trébuché en courant après Maé, son amoureux du moment. Bêtement, son pied s'était pris dans son jean trop large et elle s'était étalée de tout son long sur le béton trop dur de l'école primaire Rosa Bonheur.
Ce n'était pas la première fois qu'elle s'écorchait car, Maé courait vite. Très vite. Mais pour la première fois, elle s'était vraiment fait mal. A 10 ans Thomasine, préférait jouer avec les garçons... ils posaient moins de questions, faisaient moins de chichis... Mais elle n'en restait pas moins une fille ! Une fois rentrée à la maison, elle se précipitait sur sa DS pour jouer à la baby-sitter ou jouait avec ses Barbies, rêvant de Ken et de prince charmant...
Pour le moment, elle attendait de la maîtresse qu'elle fasse cesser la douleur à l'aide de produits miracles et autres pansements magiques... L'institutrice la fit rentrer dans le hall vide de l'école. Ses baskets collaient au lino vert et donnaient un rythme saccadé par le boitement que lui provoquait sa blessure. Mais la jeune femme qui l'accompagnait ne semblait y prendre garde. Elles longèrent le couloir de rez-de-chaussée passait devant la classe de CE2 de Mr Roziot, passèrent sous l'escalier qui montaient aux classes de Cm2, et arrivèrent enfin dans la salle des maîtres. Ce périple, lui semblait plus difficile qu'une épreuve de Fort Boyard, mais peu importe, dans quelques minutes, son calvaire serait terminé...
Plus que la blessure, ce qui l'agaçait beaucoup, c'est qu'une fois de plus, elle n'avait rien vu venir: trois ans était passés depuis la prédiction du car. Depuis elle avait prédit une noyade, la crise cardiaque de son père et pleins d'autres petits événements. Mais à chaque fois qu'elle tombait ou qu'elle était concernée par ce qui arrivait, elle n'avait aucune prédiction.
C'était stupide, et agaçant que son don ne soit réservé qu'aux autres. Mais de toute façon, elle devait bien admettre que les choses étaient comme ça. De toute façon elle devait faire contre mauvaise fortune bon cœur. Elle avait une différence, qui faisait d'elle un être à part.
Pendant que l'institutrice préparait ce qu'il fallait pour la soigner, Thomasine s'imaginait être une fée, pouvant soigner son genoux rien qu'en le regardant. Elle savait que, dans sa famille, d'autres gens avaient des pouvoirs. Y-en avait-ils qui pouvaient soigner les blessures ? Assise sur sa chaise Thomasine ne cessait de regarder sa plaie et les différentes égratignures qu'elle avait le long du corps.
Elle avait passé ses trois dernières années à jongler entre ses prédictions et ses mensonges. Au début de chaque année scolaire, il fallait recommencer, dans une nouvelle école, de nouveaux camarades et de nouveaux instituteurs. Sa mère préférait « agir par sécurité », même si probablement tout le monde, après sa première prédiction avait oublié cet évènement. Mais à chaque fois, c'était comme un déchirement pour elle de quitter les gens qui commençaient à compter pour elle. Madame Dupouille par exemple, elle, qui était là en train de la soigner, qui l'avait rassuré le soir où son père avait eu son accident cardiaque, qui l'avait rassuré quand elle avait eu son premier 0 en dictée... Elle savait que l'année prochaine elle ne serait pas dans sa classe contrairement à la plupart de ses camarade.
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Le médaillon de Mousseline
Historical FictionThomasine a 5 ans quand elle découvre qu'elle peut lire l'avenir. Mais ce pouvoir n'est pas un don, gratuit, tombé du ciel... Il lui est offert pour sauver sa famille d'un mal étrange qui touche toutes les femmes de sa famille. Seul problème: si qu...