Le médaillon de Mousseline

Ernestine en Autriche

Thomasine était sur le point de faire remarquer le fait qu'ils avaient un interlocuteur new-yorkais qui pouvait leur donner la preuve de l'existence et de l'importance de ce médaillon. Mais comment expliquer la suite sans avouer la situation surnaturelle dans laquelle sa famille se trouvait.

Elle frotta ses mains l'une contre l'autre, avant de souffler dessus. C'etait un tic qu'elle gardait depuis qu'elle était enfant. C'est sa mère qui lui avait enseigné cela: "quand tu sais que ce que tu vas dire n'est pas le bienvenu, frotte tes mains et souffle dessus. Les mots seront coincés dans tes paumes."

La soirée se passa. Ils discutaient à bâton rompu  de cette légende. Chacun avançait sa propre hypothèse. Si madame Fontanès n'y donnait aucun crédit, elle s'amusait des différentes propositions des adolescents autour de la table.

Elles s'étaient revues, c'était évident. La vision de Thomasine en témoignait. Et puis après? Après, le médaillon avait disparu.

Avait-il été rendu? Thomasine en doutait... La froideur de Marie-Thérèse, ne laissait pas entendre qu'elle allait être clémente à son égard.

Il restait deux possibilités: soit il avait été perdu, soit il avait été volé...

Etienne aimait à penser qu'il avait été volé. Cela donnait quelque chose de romanesque à cette histoire.

La pièce manquante à ce puzzle, était la raison pour laquelle il fallait détruire ce médaillon pour rompre la malédiction.

Après le dessert, Thomasine se précipita chez elle. Dans le salon, elle observait leur plan, exposé sur le mur au dessus du canapé. Elle résuma en quelques mots la légende du médaillon sur un post-it qu'elle posait au milieu du plan. Puis, sur un second où  elle notait "volé? perdu?". Son père attrapa un nouveau papier et y nota "autre". Elle se tourna vers lui d'un air interrogateur.

- Imagine un instant que simplement, Marie-Thérèse n'ai pas rendu le médaillon car elle lui en voulait. Après tout, le père d'Ernestine est à l'origine de ses longues années de captivité, de la mort de son frère, de ses parents... Elle  a de quoi lui en vouloir non?

- Mais Ernestine n'y était pour rien.

- Soit. Mais imagine: demain la mère d'Etienne vient nous accuser d'avoir volé ses bijoux, voir d'avoir tué son amoureux, ou je ne sais qui... Tu penses aimer Etienne autant que tu l'aimes aujourd'hui?

Le fait que son père ait saisi les sentiments qu'elle portait au jeune homme, la fit légèrement rougir... Mais l'hypothèse était plausible.

-Oué... Cependant, on n'a pas retrouvé ce médaillon dans ses affaires. Hors on sait où elle est enterrée, on connait sa vie d'après etc... On l'aurait trouvé non?

- Sauf si elle l'a confié a quelqu'un de confiance.

- On sait qu'elle était partiellement retenue au palais quand elle était en Autriche. Elle n'aimait pas sa famille, n'aimait pas non plus les français qui se sont réfugiés là pour échapper à la guillotine... Je l'ai lu mille fois dans tous les ouvrages à son propos. Elle ne faisait confiance à personne.

- Oui, mais c'était quelqu'un de loyal. Imagine: elle n'a plus de famille, elle est très seule, très jeune. Elle n'aime pas cette famille qu'elle ne connait pas, mais dans le même temps c'est tout ce qu'il lui reste... Elle a notion des codes et est très à cheval sur les principes et le respect qu'elle doit à ces dirigeants. Même si elle les hait. Donc, si l'un d'eux lui demande les bijoux de la famille... l'héritage... Ou même lui demande ce qu'est ce médaillon qu'elle porte autour de son cou... Alors elle se doit de le lui donner.

- Ça se tient...

Elle afficha le post-it de son père à coté de celui qu'elle avait posé quelques minutes auparavant.

Pendant une seconde, l'idée que ce médaillon ait complétement disparu l'effleura: combien de nobles avaient été enterrés avec leur bijoux?

La vision venait... Elle s'allongea sur le canapé...

Il faisait nuit... elle montait dans une voiture, un homme l'attendait à l'intérieur.

"Comte Vavel de Versay" se présenta t-il

Son coeur battait à tout rompre.

- Je connais votre identité! Madame Royale m'en a informé.

- Ne soyez pas en colère... Elle vous a sauvé...

- Fuir ne suffira pas...

- J'ai toutes les solutions. Faites moi confiance.

- Et pour lui? Elle indiquait son ventre plat....

- On trouvera une solution aussi. Soyez en certaine.

La vision se termina ainsi. Son père, à ses cotés lui proposa un verre d'eau.

- Elle ne l'a pas trahit... Elle l'a sauvé...