Chapitre Un

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Lacey

Demain cela fera neuf mois

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Demain cela fera neuf mois. Neuf mois que j'avais laissé une note à ma meilleure amie Mélissa. Neuf mois que j'avais claqué la porte de mon modeste studio à L.A - mon premier vrai chez moi. Neuf mois qu'Il m'avait brisé. Pas seulement mon coeur, mais mon espoir, ma foi en l'amour, ma capacité à faire confiance et être heureuse. Neuf mois. Le temps d'une grossesse. Pour guérir, réapprendre à vivre, pouvoir respirer sans souffrir, sans penser à Lui à chaque instant.

Neuf mois à me reconstruire et à enfin retrouver une certaine sérénité. J'ai cessé de lui en vouloir. Cela ne servait à rien, mis à part me freiner, m'enfermer dans des souvenirs trompeurs. Je suis tombée amoureuse, j'ai été heureuse et même si cela n'avait été qu'une vaste comédie, c'était réel pour moi.

Neuf mois plus tard, j'étais loin de la petite barmaid de L.A. J'étais devenue la chanceuse propriétaire de ce snack au bord de l'une des plus belles plages de l'île de Grenade. Je travaillais tout le temps mais je travaillais pour moi! Quand j'étais arrivée ici, avec mon petit pécule, j'étais tombée en admiration devant cette plage encore relativement sauvage à l'eau transparente et au sable blanc. Wood l'ancien propriétaire du « Rafiot » m'avait embauchée pour la saison et j'avais emménagé dans la chambre à l'étage où je passais mes insomnies à la rendre moins désuète.

Je m'étais alors jetée à corps perdu dans le travail, me noyait dans les travaux autant pour remercier mon nouveau patron que pour ne plus penser à rien. Cela arrangeait bien Wood qui préférait rêvasser en attendant sa retraite bien méritée. Quand il déménagea pour se rapprocher de ses enfants et petits-enfants, sa « marmaille » étouffante qui lui faisait briller les yeux, il me proposa de racheter le snack.

Il m'accompagna à la banque en costume du dimanche. Par miracle, le crédit me fut accordé et je perdis mon confident. Le coeur lourd, je dis adieu à Wood et chouchoutait son héritage. En travailleuse acharnée, je rafraichis le Rafiot et le mis au goût du jour. Les touristes en quête de calme ne se firent pas prier. J'améliorais la carte et la décoration, et embauchait deux jeunes dans la foulée. Lila avec son corps souple, sa démarche féline et son sourire enchanteur faisait le bonheur des clients. Ils étaient tous amoureux d'elle, des bambins en couche culotte aux vieux loups de mer déplorant la dénaturation de leur île. John, en l'ainé d'une famille nombreuse était le cordon bleu de la bande. Je lui laissais rapidement champ libre en cuisine pour me consacré au bar et à la gestion. Il m'en avait discrètement remercier d'un de ses signes du menton dont il avait le secret. Contrairement à Lila, il n'aimait pas être le centre de l'attention et était bien plus à l'aise entouré d'ustensiles de cuisine. Sa passion pour l'aikido et son caractère revêche en faisait le gardien du temple. IL prenait à malin plaisir à rembarrer les clients trop imbibés ou trop entreprenants.

Mes amis de Los Angeles me manquaient mais je m'étais entourée d'une petite famille où chacun veillait sur les autres. Six mois après mon arrivée, un phénomène en apparence anodin faillit mettre tous mes efforts en péril. Pour un oeil extérieur, ce n'était qu'un touriste de plus en chemise hawaïenne. Pour moi, c'était le rappel de mon pire souvenir. Ma respiration se bloqua dans ma cage thoracique, mes yeux s'humidifièrent. Je refoulais les paroles qui m'avaient bouleversée. Jerry.

Je ne sais pas ce qui me fit le plus grand choc. Revoir l'homme à la mine patibulaire ou le revoir en chemise à fleur. Je fis signe à Lila que je m'en occupais. Assis à la terrasse, il lisait le journal local. Je m'approchais, certaine qu'il était conscient de ma présence même s'il ne le montrait pas. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais lui dire quand je m'arrêtais devant sa table.

-Salut, lançais-je méfiante.

Ouais, ce n'était pas trop mal.

-Salut, répondit-il platement en repliant soigneusement son journal.

-Qu'est ce que tu fais là?!

S'il fut surpris par ma familiarité, il ne laissa rien paraitre.

-Vacances! expliqua-t-il en tirant sur sa chemise. En fait, je cherche une nouvelle mission et je pensais à m'installer dans le coin.

Je me retins de lui poser la question qui me brulait les lèvres.

-Qu'est ce que tu bois? m'enquérais-je à la place.

-Un café. Noir. Sans sucre.

Je hochais la tête approbatrice tout en m'éloignant.

-Cela ne vous dérange pas?

Je m'immobilisais sans me retourner.

-De quoi?

-Que je sois là. Je peux aller dans un autre bar? offrit-il.

Je me retournais enfin, prenant quelques secondes pour plonger dans ses yeux glacés comme l'acier.

-Et perdre un client?! Tu peux rester si...

Je faillis ajouter s'il ne mentionnait pas son ancien patron mais je n'arrivais même pas à prononcer son prénom. Je serrais les lèvres et il hocha la tête en signe de compréhension.

*****

Au début, j'avais été vaguement mal à l'aise d'accueillir Jerry. Je ne pouvais spas le regarder dans les yeux sans souffrir, mais sa présence silencieuse devint réconfortante. Il était mon dernier lien avec mon ancienne vie et il ne m'impressionnait plus autant. Je me fichais bien de ce qu'il pouvait penser d émoi, je ne sortais plus avec son patron. Sa tenue réglementaire noire, noire et encore noire avait été remplacée par des shorts, des chemises colorées et des joggings.

En parlant de jogging, je le vis arriver en petites foulées sur la plage. Il était à peine essoufflé alors qu'il avait plus couru en une heure que moi en une vie. Bon, ok, je n'étais pas vraiment l'exemple du siècle.

-Salut! Un café? demandais-je joyeusement en lui lançant une bouteille d'eau fraiche.

-Oui, s'il te plait.

Encore une chose qui avait changé entre nous. Nous nous tutoyons sans gêne. Je l'avais menacé de ne plus le servir s'il continuait à me donner du « vous ». Renfrogné, il avait marmonné un vague « tu » avant de se faire à l'idée.

Il releva le bas de son T-shirt après avoir bu une gorgée d'eau et j'eu un aperçu flatteur de ses ados bien dessinés. Voila une chose que j'appréciais chez lui. J'avais mon petit spectacle « remue hormones » tous les matins. J'arrêtais de le mater avant de me faire griller. Je ne voulais pas qu'il se fasse des idées. Je ne cherchais rien de plus que de pouvoir admirer ses muscles de temps en temps.

Je déposais du café et des crumpets -la nouvelle lubie de John- devant lui et sa voix me fit sursauter.

-Tu es libre demain soir?

Je restais interdite.

-Je sais que c'est le moment où tu bosses le plus mais tu pourrais laisser les rênes à Lila et John. Ils se débrouillent bien. Enfin si tu veux. Bref, je voulais juste t'inviter à dîner, si ça te dis.

J'étais muette comme une carpe. C'était surement la première fois qu'il parlait autant, et où il ne paraissait pas entièrement maitre de la situation.

-Euh, oui..pourquoi pas. Je...je vais les prévenir, dis-je tout aussi confuse.

-Je passe te récupérer à 18 heures?

-18h30! Je hochais la tête sans savoir pourquoi et reparti derrière mon comptoir.

Qu'est ce que j'avais fait!

Un moment d'affolementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant