Chapitre 4

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Jason

On dit que la colère d'un homme peut le faire exploser. Je n'avais jamais été aussi proche de l'explosion. La voir avec lui au bar était déjà insupportable, mais la voir danser avec lui, rire, lui sourire..., était un véritable supplice.

J'étais rentré en rogne une heure plus tôt et ma rage ne s'était pas apaisée. Je lui avais dis de la surveiller, de la protéger, pas de la baiser !

-Je vais le tuer ce con !

-Patron ?

-Quoi ?!

Matthew me regarda bizarrement et je pris sur moi pour me calmer, du moins en apparence.

-J'ai fini d'inspecter le véhicule de location, vous pouvez le prendre quand bon vous semble.

-Bien. Merci Matthew, bonne soirée.

Je le vis hésiter et se retirer sur la pointe des pieds. Les poings serrés dans les poches de mon survêtement, je m'approchais de la fenêtre. Je me trouvais dans un coin de paradis et j'étouffais comme en enfer. Des flashs du procès défilèrent devant mes yeux. Comment avais-je pu être aussi aveugle ? Si je n'avais pas été aussi con, je ne l'aurais pas perdue, elle n'aurait pas été en danger. Je frappais la fenêtre de toutes mes forces et la répercussion raisonna jusqu'à mon épaule. Du verre blindé. Seul le sang de mes jointures entachait la fenêtre. Demain. Demain, les choses allaient changer.

*****

Je me levais déterminé. J'avais demandé à Matthew d'interroger Jerry sur sa mission. J'avais mieux à faire que d'écouter son débriefing, et je faisais confiance à Matthew pour démêler le vrai du faux. Je me préparais avec soin, j'avais l'impression d'aller à un casting, sauf que les enjeux étaient bien plus élevés ici. Je chaussais mes lunettes de soleil et baissais la tête jusqu'au rutilant bolide, aucune envie de me faire accoster. Je me hâtais et souris en entendant le moteur ronronner. Celui-ci faisait écho à mon impatience.

Un mélange d'appréhension et d'excitation s'empara de moi. C'était le moment de vérité. J'allais enfin savoir où elle en était, ce qu'elle pensait de moi. Peu importe le mal que je devrais me donner, je savais que je la récupérerais. Le contraire était impossible. Fort de cette conclusion, je m'engageais sur la route du littoral. J'avais hâte de la revoir.

Je me garais un peu à l'écart et fit le reste du chemin à pied. Je longeais la plage en regardant les baigneurs. Je faisais tout pour ne pas me mettre à courir vers elle comme un taré. L'enseigne ridicule du bar apparu. Je dois reconnaitre qu'elle avait réussi à donner un tout autre cachet au bar pourri qu'elle avait acheté. La serveuse me regarda d'un œil intéressé et je fis mine d'être passionné par mes baskets. Elle retourna à son travail et je m'installais derrière l'un des piliers de la terrasse. D'ici je pouvais la voir tout en restant caché. Elle n'avait pas vraiment changé. Elle avait perdu un peu de poids, à mon grand mécontentement, et sa peau était un peu plus brune, ce qui était une bonne chose. Elle paraissait plus forte, plus déterminée. Son regard quitta brusquement la tasse qu'elle essuyait et je me renfonçais dans mon siège. Ce n'était pas la première fois qu'elle manquait de me voir, mais je voulais pouvoir observer sa réaction, droit dans les yeux.

-Je peux vous être utile ? demanda une voix douce où perçait une note malicieuse de sous-entendu.

-Oui, vous pouvez dire à votre patronne que je souhaite être servi par elle, répondis-je à la jeune serveuse en l'ignorant superbement.

J'étais venu pour une raison précise, je n'avais pas l'intention de perdre mon temps pour booster son ego. Son sourire se fana et elle repartie d'une démarche farouche.

Je la vis s'énerver en racontant à Lacey ce qui venait de se passer. La jeune femme s'étonna et regarda dans ma direction. Elle devait se demander qui la demandait de la sorte. Je souris en cape en la voyant s'approcher. Elle se figea brusquement et ses yeux s'écarquillèrent. La peur et la douleur laissèrent place à une émotion beaucoup plus dangereuse pour mon matricule.

-Qu'est ce que tu fais là ? cracha-t-elle.

Je me calais dans mon siège, refusant de la laisser prendre les commandes.

-A ton avis ? demandais-je en lui souriant.

-Me rabaisser ? Voir si je souffre ? Et d'abord comment as-tu su que j'étais là ? Elle leva les yeux au ciel. Jerry, c'est ça ?

-Oui.

Elle trembla, blessée par ma déclaration.

-C'est Jerry. Et non, je ne suis pas venu pour ça.

Je l'observais intensément. Ces épaules étaient moins contractées, sans s'en rendre compte, elle baissait sa garde.

-Pourquoi alors ? murmura-t-elle si doucement que je le lus sur ses lèvres.

-Te voir. Tu m'as manqué.

-La ferme !

Elle tourna les talons et je sautais sur mes pieds. Elle ne fit qu'un pas avant que je la ramène à moi.

-Regarde-moi, lui demandais entre l'ordre et la supplique.

-Non.

-Ton crane est très joli mais je préfère voir ton visage, annonçais-je narquoisement.

Ma technique fonctionna. Elle releva vivement la tête et ses yeux m'assassinèrent.

-Si tu ne m'avais pas jetée, tu le verrais toujours !

-Je sais, reconnus-je tristement.

Elle sembla désarçonnée par mon ton mais se reprit in extremis.

- Va-t'en.

Elle me tourna le dos et je ne la retins pas. Je me réinstallais de sorte à voir le comptoir. J'avais été privé d'elle trop longtemps, je refusais de partir ainsi. Je me noyais dans sa contemplation. Tous ses gestes, toutes ses expressions étaient un trésor qui malmenait mon cœur.

*****

Deux heures plus tard, elle craqua et je la vis approchée d'un pas déterminée. Quelques clients se retournèrent sur son passage, se demandant qui pouvait être la raison de sa rage. 

Un moment d'affolementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant