Chapitre 20 ✔️

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La malchance était très certainement son deuxième prénom, bien qu'il reste en permanence sur ses gardes. D'aussi loin qu'il s'en souvenait, il n'y avait pas un seul jour où il ne l'avait pas connue, depuis en réalité ces dix dernières années. La douleur était omniprésente, telle une brûlure qui asphyxiait son âme, mais le pire c'était qu'il n'avait jamais de veine. Cela ne concernait pas uniquement les jeux auxquels il avait pu jouer, cela concernait surtout sa vie tout entière.

Le malheur l'abattait si souvent, la souffrance l'empalait pratiquement, le désespoir le tuait occasionnellement.

Mais il se relevait toujours, et malgré cette poisse qui lui collait à la peau, il ne s'avouait jamais vaincu. Et pour ce dernier point, la seule manière de lui venir à bout était tout simplement de le révoquer.

Et Dieu sait qu'il était justement difficile d'y parvenir.

Non pas qu'il s'en vantait particulièrement, mais peu de personne jusqu'à présent (à part ses propres parents) n'arrivait à le battre ; et la force incroyable qu'il possédait, physique comme mentale, lui était un excellent moyen pour dissuader quiconque de le défier. Bien sûr, il y avait toujours des imbéciles pour le provoquer, mais ceux-là n'avaient jamais le temps de le regretter puisqu'il les envoyait illico à l'hôpital le plus proche. Et ensuite, ils le laissaient tranquille une bonne fois pour toutes.

Arno sourit à cette dernière pensée, quand bien même toutes ses préoccupations restaient focalisées sur Rosalie. Il jetait de temps à autre quelques coups d'œil sur cette dernière, mais elle était plongée dans l'inconscience, ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise chose. Bonne, parce qu'il l'emmenait à un endroit éloigné de tous, loin de la vie humaine ; mauvaise, parce qu'il craignait que sa mutation débute après ce tout dernier coup d'éclat.

S'il s'attendait à un tel revirement de situation ? Certainement pas. Il savait que son pouvoir sommeillait en elle, revenant de temps en temps lorsqu'elle était hors d'elle, mais l'accident était, hélas, la pire chose qui lui soit arrivée. Et il était le mieux placé pour le savoir.

Il savait mieux que quiconque ce qu'il se passait quand un thérianthrope était brusquement éveillé. La sensation devait être la même que d'être plongé dans le Styx, le fleuve des Enfers, et s'en sortir relevait d'un énorme miracle. Rose ne pouvait pas se débrouiller toute seule, c'en était même sûr et certain, il devait donc l'amener dans un lieu sûr, mais surtout à l'abri des regards.

Il ferma un instant les paupières et releva rapidement ses mèches encore bien humides sur le haut de son front. Il regarda par la suite le paysage assombri, qui défilait un peu trop lentement à son goût, avant de se tourner vers Thomas qui conduisait, la mâchoire contractée. Arno fronça les sourcils à son encontre. La prudence était, certes, mère de sureté, mais il y avait urgence : que feraient-ils si Rosalie se métamorphosait tout à coup en cet animal qui la représentait ? Ils n'étaient pas habilités pour ça, c'était pour cette raison qu'ils retournaient dans leur territoire, au lieu de diriger la fille chez elle.

—     Plus vite ! grommela-t-il au blond en se grattant brusquement le nez.

Thomas dévia rapidement ses yeux vers le brun, il les leva au ciel avant d'appuyer sur le champignon. Arno observa la route, satisfait, même si une certaine appréhension redoublait ses martèlements. Une anxiété qui était liée à elle, mais aussi à ses propres parents, qui seraient très certainement déçus de voir à quel point ils avaient un raté comme fils. Il se pinça l'arête du nez en y songeant, il regrettait sa terrible erreur qui avait failli coûter la vie à celle qu'il devait protéger, mais le mal était déjà fait. Il était trop tard pour revenir en arrière, maintenant. Il détourna une énième fois les yeux vers la jeune fille qui était assise sur la banquette arrière, et qui, intérieurement, parvenait à le troubler.

La Rose ArgentéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant