Les deux colocataires passèrent toute l'après-midi à discuter de tout et de rien après avoir ordonné leurs affaires et installé quelques jolies décorations à leur goût, tels que des posters de leurs groupes de musique favoris placardés sur les murs, ou encore des petites figurines exposées sur la table de nuit et sur le bureau. C'était avec une immense joie qu'elles se trouvèrent énormément de point en commun. Emma avait le même âge qu'elle, elle avait passé le plus clair de son enfance au Canada puisqu'elle en était originaire, mais elle habitait à Boston avec sa mère. Rosalie apprit également que les parents de cette dernière étaient divorcés, mais elle lui avait confiée que c'était mieux ainsi puisqu'ils ne cessaient de se disputer lorsqu'ils étaient à deux. C'était de son propre chef qu'elle avait décidé d'étudier loin de sa ville et loin d'eux pour prendre sa vie en main ; surtout après lui avoir avouée noir sur blanc qu'elle échappait plus précisément son ex-petit-ami, mais elle n'en voulu pas dire plus. Rose n'insista pas, pressentant que le sujet était encore très sensible.
En apprenant plus à la connaître un peu plus, Rosalie en oublia son coup de cafard, quelques heures plus tôt. Emma la rendait facilement à l'aise, c'était donc tout naturellement que la rouquine ne songeait plus à ses rêves, ni à son brusque changement de vie.
Dehors, le ciel s'était assombri. Le soleil s'était couché depuis une bonne demi-heure et la lune était également absente puisqu'elle réitérait son cycle. Le début de ce crépuscule embrumait la clairière, ce qui lui donnait un aspect pour le moins effrayant, de plus que quelques animaux nocturnes étaient de sortie, tels que les hiboux ou les chauves-souris. Rosalie lisait calmement un ouvrage romantique pendant que sa nouvelle amie prenait sa douche dans la pièce à côté. Ce dernier parlait d'un véritable amour entre une fille qui travaillait sans cesse dans un supermarché pour arrondir ses fins de mois, et un jeune homme qui achetait tout et n'importe quoi dans le magasin pour la croiser. Au fur et à mesure, cette demoiselle accepta un rencard avec lui puisqu'il lui plaisait énormément et... Rose en était arrivée là.
Elle dévorait des yeux les quelques lignes que l'auteure magnifiait de ses hyperboles ainsi que de ses métaphores. Sans cette plume, peut-être aurait-elle abandonné l'histoire, mais la romancière adorait détailler les différences entre les deux tourtereaux, puisque l'un était un privilégié de la société, alors que l'autre subissait le poids de sa pauvreté. Chacun des deux avaient leurs problèmes, leurs multitudes de défauts et de qualités, ce qui les rendait réels ; et Rosalie aimait cette réalité puisqu'elle arrivait à s'identifier aux personnages principaux. Et plus elle avançait dans la trame, plus elle la trouvait saisissante, à tel point que lorsqu'Emma revint dans la chambre, elle ne l'entendit pas entrer et sursauta au son de sa voix :
— Dis, il faudrait que tu te prépares pour la soirée, non ?
La jeune fille regarda hâtivement l'heure sur son téléphone et consentit qu'il fût grand temps de se hâter pour la petite réception qu'organisait Mélanie. Elle se brossa rapidement les cheveux avant de les attacher en une longue queue de cheval, puis elle troqua son tee-shirt mauve contre un chemisier bleu moins décontracté que le précédent. Sous les conseils de sa colocataire, elle se laissa maquiller par cette dernière, qui ne lui dessina qu'un trait fin d'eyeliner par-dessus son fard à paupière mordoré. Elle s'amusa par la suite à teindre faiblement ses cils en noir et le tour était joué. Rosalie décida, elle aussi, d'affubler son amie à sa manière ; et ce fut toutes les deux joyeuses, qu'elles descendirent au rez-de-chaussée.
Elles trouvèrent une Mélanie encore plus stressée, et très occupée par les préparatifs de sa soirée. Cette dernière sembla très surprise de les voir déjà apprêtées, mais elle leur adressa un sourire amical :
— Bonsoir vous deux, comment allez-vous ? Est-ce que votre chambre vous plait ?
— Oui, ne t'inquiète pas. On s'entend très bien toutes les deux en plus.
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La Rose Argentée
Manusia SerigalaRosalie Brunel a dix-huit ans. Elle va entrer à l'université au Canada et étudier en licence d'économie. Elle est à la fois tout excitée et anxieuse, c'est la première fois qu'elle va quitter ses parents et qu'elle va apprendre à être indépendante...