Chapitre 33-1 ✔️

1.8K 214 33
                                    

Dans une grande hâte, Rosalie dévora son sandwich au jambon, si vite qu'elle n'eut pas l'occasion de l'apprécier comme elle l'aurait voulu. Elle avait un œil rivé sur la silhouette d'Arno tout le long de son repas. L'inquiétude la pesait bien plus qu'elle ne le ferait croire, essentiellement lorsqu'elle le percevait aussi songeur. Sa colère l'avait, certes, beaucoup dérangée, seulement elle traduisait depuis le départ son anxiété. Maintenant, il avait le regard ailleurs, complètement plongé dans ses pensées. Il se massait inconsciemment le front et les tempes, ce qui accentuait son désarroi. Lui qui d'habitude cachait tout derrière son masque impassible, ou préférait prendre un malin plaisir à taquiner son entourage, montrait un tout autre visage à l'heure actuelle.

Une chose était sûre : Arno était une personne extrêmement lunatique. Il changeait très vite d'attitude, passant de la simple colère à de la fureur, puis de la fureur à l'absence totale de réaction. Pourtant, la pleine lune était dans à peine trois semaines, mais sa nature de lycanthrope devait très probablement influer sur ses humeurs.

Et pour ce dernier point, Rosalie l'avait appris récemment. Les émotions chez un garou étaient très difficiles à contrôler pour la simple et bonne raison qu'elles se décuplaient à une vitesse incroyable.

Comme un tsunami qui inonde leurs entrailles, ou un ouragan qui ravage leur esprit.

Rosalie se mit à frémir à cette pensée. C'était exactement ce qu'elle ressentait, si grand et si dévastateur pour pouvoir méditer correctement. Elle avala le dernier morceau de son encas, et chiffonna la cellophane avant de la jeter à la poubelle non loin d'elle. Puis elle lança un coup d'œil vers le brun, la tête toujours entre ses mains :

— J'ai fini, lui dit-elle d'un ton impatient, maintenant, dis-moi ce qu'il se passe.

Il expira un énième soupir, cette fois-ci un peu plus désespéré que les précédents, puis il retira ses mains de son visage pour plonger son regard dans le sien. Le front plissé, les yeux semi-ouverts et le teint blême, l'expression anxieuse dominait largement sur son faciès. Rosalie l'avait déjà entraperçue dans ses rêves, néanmoins cela lui était suffisant pour en ressentir un douloureux pincement au cœur. Elle ignorait si cette sensation venait d'elle ou alors de lui, puisqu'un lien s'était tissé entre eux depuis qu'elle avait intégré officiellement leur meute.

Ou alors, était-ce cette nuit où il avait pris sa douleur ? Elle n'en avait aucune stricte idée.

Arno déglutit avant de répondre, comme s'il appréhendait sa réaction :

— C'est Xan... le père de Thomas et Nelly, il a été mortellement blessé.

Pétrifiée, Rosalie en ouvrit instantanément la bouche. Aucun son n'y sortait, pourtant tout son être criait sa stupéfaction. Elle se souvenait très bien de cet homme aux cheveux blonds qui se tenait fièrement aux côtés de Lorenzo, et même lorsqu'il s'occupait de la viande près du feu de camp. Il lui avait semblé sympathique, quand bien même elle avait décelé une certaine douleur dans son regard. Elle imaginait dès à présent la souffrance des jumeaux à l'annonce de cette terrible nouvelle. Il était vrai que Nelly n'avait pas l'air d'être dans son assiette le matin-même, quant à Thomas...elle avait senti sa peine à son réveil.

La jeune fille finit par s'exclamer après s'être remise de la nouvelle.

— Quoi ? Mais comment ?

— Il a reçu une balle alors qu'il effectuait son deuxième jour de surveillance, répondit-il en grimaçant, une balle empoisonnée d'aconit napel. Ces putains de chasseur nous ont déclaré la guerre, c'est officiel.

L'ombre de sa colère se mit à ondoyer à travers son corps. Ses membres tremblèrent selon l'intensité de ses pensées hargneuses, sa mâchoire tout comme ses poings se serrèrent après ses derniers mots et un éclair bleu électrique traversa hâtivement ses pupilles. Rosalie risqua un coup d'œil derrière elle pour vérifier que personne ne les observait, mais fort heureusement pour eux, aucun étudiant ne passa dans l'étroit couloir où ils se trouvaient et ne vit nullement ses yeux changer de couleur. La rage était si présente dans son être qu'il en oubliait le monde extérieur. Certes, les chasseurs avaient commis l'irréparable en s'attaquant à l'un des siens, il devait toutefois faire attention à ce qui l'entourait.

La Rose ArgentéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant