Chapitre 5

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Peter s'était endormi d'un sommeil sans rêves, Violette décida donc de sortir son pégase. Elle entra dans le garage chaotique, et enjamba tant bien que mal les cartons empilés un peu partout et oubliés avec le temps. Arrivée au fond de la pièce, elle posa la main sur une brique précise. Reconnaissant ses empreintes, le mur tourna sans aucun bruit et elle se retrouva dans une grande salle aux murs de verre coloré.

Des sphères dorées et immatérielles lévitaient au-dessus d'un disque bleu. Au milieu de la pièce, deux globes représentant la Terre, planète où elle vivait, ainsi que 2nd Earth, étaient également en lévitation. Avec le Vaccin de Préservation Corporelle, qui stoppait le vieillissement du corps -voire le rajeunissait- et engendrait l'immortalité, le problème de la surpopulation était vite survenu. Les scientifiques y avaient répondu par la conception d'une seconde planète semblable en tous points à la Terre : 2nd Earth était créée. Ces deux globes laissaient voir ce qui se déroulait partout sur les deux planètes simultanément, et l'on pouvait zoomer de façon à voir plus précisément un endroit ou un autre. On distinguait aussi de nombreux gramms, dont quelques-uns portables en montres ou lunettes. Un des murs de la pièce était recouvert d'un écran, divisé en 5 parties. Sur l'une d'elles était représenté un magnifique pégase. Le grand cheval avait une robe couleur crème, des yeux bleu azur expressifs, des sabots dorés et de ravissantes ailes assorties. L'étalon était fort musclé, et on le devinait au premier coup d'il très puissant, mais également capable de beaucoup de tendresse et de fidélité.

Sur une autre partie du mur, on voyait voler un dauphin blanc ivoire aux yeux roses entouré d'une voûte couleur argent. Sur la suivante se tenait un lion blanc majestueux que l'on apercevait parfois en train de cracher du feu, ensuite, un loup brun au regard amical et à la langue multicolore, puis un dragon de glace, qui lui, semblait éjecter de la neige... Cinq belles créatures découvertes une cinquantaine d'années plus tôt étaient représentées sur cet écran.

Violette s'approcha des sphères. Elle en prit une et l'appuya au milieu du disque bleu. La sphère disparut alors, laissant place à un hologramme du pégase d'à peu près trente centimètres de hauteur.

Cinq secondes plus tard, le bel étalon aux grandes ailes hennissait à côté de Violette. Elle lui caressa le museau, puis appuya sur un bouton, situé sur une sorte de tableau de bord. Le toit de la pièce s'ouvrit, et d'un bond gracieux, Violette grimpa sur le dos de son cheval, qui s'envola aussitôt. Le toit s'était refermé derrière eux, et Comète s'élança à travers les cieux, Violette, le sourire aux lèvres, bien cramponnée à sa crinière dorée. Elle sentait le vent jouer avec ses cheveux, le froid commençait à lui mordre les joues, et elle aimait cela. D'un coup de talon dans le flanc, elle indiqua à l'animal d'accélérer. Leur ombre se découpait dans la clarté de la lune et dans l'infinité des étoiles. L'équitation était de loin son sport favoris, et Violette aurait pu crier de joie comme une enfant tant elle se sentait euphorique. Elles planaient au dessus des toits citadins pour finir par tomber en piqué à quelques mètres de Big Ben et se rattraper juste avant le sol. Violette sentait son cur se décrocher, puis recommençait dans un éclat de rire. Au bout de quelques heures qui passèrent beaucoup trop vite à son goût, il fut temps de rentrer, car l'aube pointait. Violette s'affaira à préparer le cake carotte/poivre blanc que son mari mangerait à son réveil. Nullement fatiguée par sa balade nocturne, elle avait pensé dès son arrivée à cuisiner, bien qu'il soit trois heures du matin. Son excursion nuptiale, loin de l'avoir fatiguée, avait le mérite d'avoir remis les idées en places dans son esprit, et elle avait pris la décision de partir chez Suzanne dès le gâteau terminé.

Une trentaine de minutes plus tard, elle était chez cette dernière. A son grand étonnement, sa belle-mère lui avait ouvert la porte à la seconde même où elle était arrivée. Elle était ensuite entrée dans le manoir, impressionnée comme chaque fois qu'elle venait en ces lieux par les éternels fauteuils en velours rouge, les tableaux aux cadres dorés et les papiers peints aux couleurs chatoyantes. Gladfield comportait tant de pièces que Violette se demandait si Suzanne les avait déjà toutes visitées. Il tenait pour elle de l'exploit de vivre seule dans une si grande demeure. Le manoir était éclairé par des chandelles à l'intensité surprenante, qui reposaient sur des lustres de cristal sublimes.

Elle dévisagea Suzanne. Ses petits yeux bleus n'avaient pas perdu leur éclat et n'étaient que sagesse, le temps n'avait fait qu'embellir ses longs cheveux noirs de jais en les mêlant d'argent, et les rides qu'elle portait aux coins des yeux et des lèvres lui donnaient l'air bienveillant d'une grand mère attentionnée.

Elle était assez grande, au moins dix centimètres de plus que Violette, et portait une robe simple, longue et pourpre, qu'une ceinture de cuir tressé qui seyait parfaitement à sa silhouette mince venait agrémenter. Suzanne Flight avait demandé le VPC sans rajeunissement à soixante-quinze ans, mais les années n'avaient fait que de la magnifier. On admire souvent la beauté des jeunes femmes, mais Violette se demandait à cet instant pourquoi on ne louait pas celle des plus âgées.

« Assied toi donc, mon enfant. Je sais ce qui t'amène,...mais pourquoi n'as-tu pas emmené Peter avec toi ? commença la mystérieuse femme, c'est pourtant le principal concerné, il me semble.

- Tout cela est fort complexe. Peter ne peut savoir ce qui lui arrive, cela pourrait le tuer, avoua Violette, étonnée que sa belle-mère sache la raison pour laquelle elle était venue.

- Pour quelle raison ? questionna Suzanne, anxieuse.

- Je ne peux vous l'expliquer, mais tout choc émotionnel pourrait avoir raison de lui. Je ne veux pas le perdre... encore.

- Je comprends. Mais je crains que ce ne soit plus grave encore. Peter a un don qu'il ne peut contrôler sans apprentissage sérieux. Il peut voyager dans le temps, c'est un Chronomaître, mais pourrait mourir si, par exemple, il apparaissait pendant une guerre, ou sur le toit d'un immeuble. Pire encore, il pourrait mettre tout l'univers en danger, changer l'équilibre du monde ou rester coincé dans le passé."

Violette n'avait pas compris un traitre mot de ce discours.

"Pour faire simple, Peter voyage dans le temps, et s'il ne peut contrôler cela les conséquences pourraient être terribles. résuma Suzanne devant la mine interloquée de son interlocutrice

Je ne peux t'aider plus, il faut que tu fasses un choix", ajouta la Chronomaîtresse.

L'aube de la destinéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant