Les yeux de Suzanne avaient repris leur teinte bleue initiale, mais laissaient paraître le trouble régnant jusqu'au plus profond de son âme ; ils fixaient Violette avec une inquiétude démesurée, à un tel point qu'un frisson l'ébranla.
« Que s'est-il passé ? « Fille de Lune... » Que veut dire tout cela ? », hurla presque l'intéressée.
« Cela signifie... Non, c'est impossible ! Impossible ! » marmonna la magicienne, pliée en deux et appuyée sur un fauteuil de soie fleurie.
« Suzanne ! C'en est trop ; trop de secrets, trop de questions sans réponses, trop de poids sur mes frêles épaules. Je vous en prie, expliquez-moi ! J'ai le droit de savoir !
- Mon enfant, tes épaules sont loin de la fragilité que tu leur décris ; tu ignores tout de ton courage ! Si elles étaient si frêles, ta vie n'aurait rien de celle que tu mènes ; tu serais déjà loin, au bras d'un autre homme, refusant de croire à toute magie et reniant ton passé, ton présent et ton avenir. Alors oui, il est vrai que tu as le droit de savoir. Mais en vérité, tout cela remonte à fort longtemps ; si tu me crois, au commencement même de la race humaine. Il y a... »
Elle fut interrompue par la sonnerie qui jaillit du téléphone de sa belle-fille : la parfaite exécution par Peter d'un sublime morceau de Chopin.
Violette adressa un regard d'excuse entendu à Suzanne et pressa avec fièvre l'appareil contre son oreille, bouchant l'autre de son index.
« Allo ? Violette ? »
La voix aux notes graves chantant aux creu de son oreille, celle de son mari, la détendit aussitôt.
« Oui ?
- Où es-tu ma princesse ? A mon réveil ce matin, tu n'étais plus là. Bon, d'accord, je suis un lève-tard, mais quand même !
-Je suis chez ta mère, ne t'inquiète pas. Ne m'attends pas, commence à manger, tu dois avoir faim à l'heure qu'il est ! Ton cake est...
- ...dans mes mains, oui, tu as raison ! Tu sais, j'ai un certain instinct naturel pour ces choses-là...
- C'est bien, il faut savoir ce qui est important dans la vie ! lui rit-elle en retour.
- Pour ça, compte sur moi princesse ! »
Violette rit doucement en l'imaginant joindre main à la tempe tel un militaire aux aguets.
« Bon, j'arrive dans une petite minute ; si tu pouvais éviter de détruire la maison pendant ce temps-là...
- Mais quelle exigence ! Faut pas trop en demander non plus !
- Dans ce cas, fais de ton mieux ! A tout de suite !
- Reviens vite, ton prince t'attend ! »
La communication fut coupée, et Violette croisa le regard ému de celle qu'elle considérait comme une seconde mère.
« Je vais devoir rentrer, Peter...
- ...oui, j'ai entendu, va. Nous reprendrons cette conversation plus tard, cela me permettra de réfléchir.
- Merci... »
Alors que sa belle-fille allait passer la porte, Suzanne la retint ; « Violette ... ? »
Intriguée, elle se retourna doucement.
« C'est vraiment beau, l'amour que vous partagez, avec Peter ; cela me rappelle ma jeunesse et mon mari, Soan. »
Violette haussa un sourcil interrogateur à l'évocation de ce nom qui lui etait inconnu.« Quoi qu'il arrive, sache combien je suis heureuse que mon fils t'ait.
- Que voulez-vous qu'il arrive ? »
La question demeura sans réponse, et Violette s'en alla.
*
Peter, assis sur le canapé, observait de nouveau les photos posées sur le meuble, et sourit devant l'étonnante idée qu'un homme vus sur quelques images devienne un personnage intervenant dans tous ses rêves. Lorsqu'il entendit une clé tourner dans la serrure, il bondit sur ses pieds afin d'aller à la rencontre de son épouse.
« Alors comme ça, on m'abandonne ?
- Ta mère était très heureuse de ta rémission, elle voulait des nouvelles, c'est compréhensible non ?
- Si tu le dis... elle s'inquiète toujours trop tu ne trouve pas ?"
Il y eu un silence et Violette fixa le sol. Sa mère avait quitté l'enfant alors qu'elle n'avait que 5 ans. Suzanne comblait du mieux qu'elle le pouvait le vide causé par cette absence maternelle, avec cependant la modestie de comprendre qu'elle ne remplacerait jamais celle qui avait porté Violette en ce monde. Les critiques que Peter lui accordait par moments, lui qui avait la chance d'encore pouvoir appeler une femme "maman", la peinaient beaucoup.
"Violette, je... ce n'est pas ce que je voulais dire... excuse-moi...
- Chut..." Elle l'embrassa pour le faire taire, et mit fin à un pardon qui n'était en aucun cas nécessaire.
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L'aube de la destinée
FantasyLorsque Peter se réveille après un siècle d'inconscience, le monde a changé. Malgré tout, la science ne peut tout résoudre : les médecins sont implacables, tout choc émotionnel le tuera. Nouvelles technologies, sciences avancées, ou encore un fils...