Chapitre 4

101 19 14
                                    

Marc était partagé. En vérité, il en voulait terriblement à sa mère de ne jamais lui avoir parlé de son oncle, bien que la probabilité qu'il revienne un jour à lui était très faible, voire inexistante. Mais il ne pouvait se résoudre à être en colère contre Violette.

  Elle et sa grand mère avaient toujours été sa seule famille, car il n'avait aucun oncle, aucune tante, aucun cousin. Selon lui, qui qu'on soit, on ne pouvait qu'aimer cette femme au grand cur qu'était Violette. Non, se friter avec sa mère lui était impossible. Elle avait enduré tant de choses ... et à la mort de son père, elle avait fait preuve d'un courage extraordinaire, l'avait élevé seule, en lui donnant autant d'amour que son cur brisé le lui permettait. Il se souvenait encore des journées passées à la plage quand il était enfant, et des forteresses de sables qu'ils construisaient ensembles avant que la mer ne les détruisent d'une pichenette, il se souvenait de l'impression de voler quand elle le prenait dans ses bras et le faisait tourner autour d'elle, ses cheveux d'une douce couleur rousse reflétant les rayons du soleil et virevoltant dans la brise légère du matin. Il se souvenait de ses succulentes glaces à la vanille qu'il s'amusait à gober, finissant avec de la crème glacée partout sur le visage. Il se souvenait des innombrables fous rires qu'ils avaient eus. Mais il se souvenait aussi de la nostalgie qui ternissait le fond de ses magnifiques yeux bleus lorsque, petit, il parlait des pères de ses amis. C'était dans ces moments qu'il se sentait dépourvu, spectateur impuissant du mal dont souffrait sa mère.

Mais elle était courageuse ; jamais elle ne lui montrait ouvertement cette tristesse, jamais une larme ne coulait sur ses joues, jamais elle ne se plaignait de quoi que ce soit. Jamais. Alors quelle importance s'il ne pouvait voir son oncle ? A présent, c'était contre lui-même que Marc était furieux, la culpabilité arrivait au galop pour le prendre à la gorge. Comment pouvait-il en vouloir à cette femme qui lui avait tant donné ? Il prit immédiatement la décision de présenter des excuses à sa mère, il en ressentait soudain, sans savoir pourquoi, un besoin presque vital. Il prit place sur le premier cercle noir placé à l'entrée de sa chambre, et appela sa mère : « Violette Flight», dit-il doucement.

La connexion, qui d'ordinaire ne prenait qu'un millième de seconde avant que la personne appelée n'apparaisse, faisait retentir sa sonnerie depuis quelques minutes dans la villa de Marc. Ce dernier, inquiet de ce silence, décida de se rendre directement chez sa mère.

« Téléportation », ordonna-t-il à son gramms.

Sur l'écran qui apparut, il sélectionna la maison douillette de sa mère. Un tourbillon bleuté se forma alors autour de lui, et il disparut.

*

Peter lisait tranquillement sur le canapé lorsqu'une violente migraine s'empara de lui. Il le signala à sa femme, déjà floue à ses yeux, et elle lui conseilla de s'allonger. Sa vue se brouillait de plus en plus, entrainant d'inquiétants spasmes, et la dernière chose qu'il entendit avant que tout ne devienne noir fut la sonnette de la maison.

Violette n'en croyait pas ses yeux. Peter avait tout bonnement disparu. Du moins, il n'était plus sur le canapé. Elle avait appelé Jane, mais cette dernière n'était malheureusement au courant de rien. Impuissante, elle alla ouvrir à celui qui avait sonné. Mais il n'y avait personne. Devenait-elle folle ? Ne comprenant pas ce qui se déroulait sous ses yeux, Violette, fondit en larmes.

*

Peter avait reconnu le grand chêne – millénaire, selon sa mère - qui poussait dans le jardin. Il n'avait donc apparemment pas bougé.

Mais où étaient le potager, les herbes aromatiques, les arbres fruitiers ?

Où était le parterre de fleurs, et surtout, où était la maison ? Tous avaient été remplacés par une vaste prairie où poussaient hautes herbes et fleurs des champs. Seul restait le chêne, comme unique survivant de cette étonnante disparition.
Cependant il paraissait plus jeune que lorsque Peter l'avait vu pour la dernière fois, moins haut et plus frêle. Seul avec l'arbre, il se sentait étrangement serein, comme en harmonie avec lui. C'est alors qu'il cru apercevoir l'homme qui figurait sur les photos du salon. Il semblait perdu, lui aussi. Comme en transe, Peter posa sa main sur le tronc de l'arbre. Soudain, il fut projeté à terre, et le sol l'engloutit.

L'aube de la destinéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant